La grande histoire du ski d'été en France :  utopies, fugacités et perspectives

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La grande histoire du ski d'été en France : utopies, fugacités et perspectives

Chapitre V de notre saga du ski d'été : Val Thorens et autres singularités
article La saga du ski d'été
ventoux84
Texte :
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cf. légendes
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INA
Outre Maurice Michaud, doctrinaire du plan neige, il est une autre figure incontournable de l'aménagement touristique de la montagne dans les années 60 en la personne de Pierre Schnebelen. Diplômé des arts et métiers, de Harvard Business school, il n’est pas du sérail mais la montagne l’a toujours attiré. Promoteur, il gravite avec son bras armé la SEFCO sur tous les projets d’ampleur à la Clusaz d'abord puis à Tignes, Val d’Isère, Val Thorens avec une double obsession : faire de l’immobilier en construisant un maximum de lits et développer des mastodontes des neiges capables d'offrir du ski toute l’année. « Il faut faire vite et grand », aimait à dire "Boule-de-neige" comme le sobriquaient ses détracteurs.

Val Prariond, au bouquetin la décision finale

Après l'épisode Tignard, Pierre Schnebelen lance sa seconde attaque contre les limites du parc National de la Vanoise en 1968 avec un projet de station au Val Prariond sur la commune de Val d’Isère. La station veut multiplier son offre en créant un nouveau site ex-nihilo du côté du Pont-Saint-Charles sur la route de l’Iseran. Ce val formé par un vaste plateau d’origine glaciaire est situé en plein parc. Schnebelen propose un deal, Tignes, la voisine, céderait l’équivalent du territoire prélevé pour construire la station contre la superficie nécessaire pour bâtir le projet. Il voit grand, très grand avec la construction de 40 000 lits et d’une route à destination de l’Italie, avec un tunnel sous le Col de la Galise et trois kilomètres à ciel ouvert pour rejoindre le hameau de Serrù. Schnebelen s'engouffre dans la brèche des dissensions locales puisque c’est au nom de ce projet « provoquant l’éclosion d’un nouveau centre de ski d’été » que le Syndicat d’Initiative de Val d’Isère se prononce contre la création du parc National de la Vanoise dans le registre d’enquête publique ouvert en mairie le 24 septembre 1962. Trois années de tractation et le Glacier des Sources de l’Isère est finalement sauvé des pelles mécaniques par la présence du bouquetin dont le Prariond est un passage de transit entre l’Italie et la France.

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Val Chavière, le coup de canif sur le parc Vanoise

En 1969, Pierre Schnebelen lance un vaste projet de domaine skiable sur le site actuel de Val Thorens, comprenant deux pôles : Val Thorens dans la vallée des Belleville et Val Chavière au sud côté Maurienne située sur la commune de Modane. Entre les deux, une vaste zone glaciaire, placée en plein cœur du Parc de la Vanoise, qui deviendrait la station des glaciers, le plus fabuleux complexe de loisirs été-hiver : six glaciers, 365 jours de ski par an de 2200 à 3650 mètres, plus de 150 remontées mécaniques dont 35 fonctionnent 12 mois par an, un skirail - nom pompeux pour qualifier un funiculaire - d'un débit de 7 200 personnes à l'heure pour relier à la vitesse prodigieuse de 10 mètres par seconde le centre de la station au glacier de Thorens, un golf, un aéroport, 10 piscines, deux patinoires, un centre commercial de 75 boutiques, un parking souterrain de 2 000 places, des boîtes de nuit, 35 000 lits prévus... « Les deux stations de Val-Thorens-Val-Chavière constitueront un ensemble comparable à celui de Cervinia-Zermatt » ajoute Schnebelen. S'en suivent des années de conflit pour ce qui restera l'affaire de la Vanoise, l'opposition frontale de deux approches de la montagne. Finalement, la décision est tranchée en 1971 de ne pas amputer le parc mais d'autoriser toutefois l'utilisation modérée du glacier de Chavière pour du ski d'été. Deux téléskis sont réalisés en 1974 mais cessent de fonctionner en 1987 suite au recul important du glacier. En 1989, alors qu’il est temps de renouveler ces équipements, un vaste projet d’aménagement du glacier de Chavière est relancé. Nouvel affrontement entre protecteurs de la nature et aménageurs. Patrick Gabarrou, pour les antis, et Marielle Goitschel, pour Val Thorens, se retrouvent à débattre à 3 000 mètres d'altitude d'un projet finalement clos par le ministre de l'environnement.

Val Thorens, c'est aussi du ski d'été sur le glacier de Péclet à partir de juin 1973, un glacier qui semblait pourtant moribond sur des photographies prises en 1939. Un accès plus commode que pour Chavière où il fallait emprunter deux tronçons de télésiège pour rallier le glacier, une dénivellation de 500 mètres, deux pistes noires, deux rouges avec des pentes bien engagées à la différence de la plupart des autres domaines skiables exploités en été. À l'été 2019, un pan entier de l'histoire de Val Thorens se tourne avec le démontage du télésiège du Glacier, dernier vestige et témoin d'une époque désormais révolue, celle du ski d'été sur le glacier de Péclet qui avait définitivement cessé en 2001.

Val Chavière, le coup de canif sur le parc National de la Vanoise

En 1969, Pierre Schnebelen lance un vaste projet de domaine skiable sur le site actuel de Val Thorens, comprenant deux pôles : Val Thorens dans la vallée des Belleville et Val Chavière au sud côté Maurienne située sur la commune de Modane. Entre les deux, une vaste zone glaciaire, placée en plein cœur du Parc de la Vanoise, qui deviendrait la station des glaciers, le plus fabuleux complexe de loisirs été-hiver : six glaciers, 365 jours de ski par an de 2200 à 3650 mètres, plus de 150 remontées mécaniques dont 35 fonctionnent 12 mois par an, un skirail - nom pompeux pour qualifier un funiculaire - d'un débit de 7 200 personnes à l'heure pour relier à la vitesse prodigieuse de 10 mètres par seconde le centre de la station au glacier de Thorens, un golf, un aéroport, 10 piscines, deux patinoires, un centre commercial de 75 boutiques, un parking souterrain de 2 000 places, des boîtes de nuit, 35 000 lits prévus... « Les deux stations de Val-Thorens-Val-Chavière constitueront un ensemble comparable à celui de Cervinia-Zermatt » ajoute Schnebelen. Les défenseurs de l'intégrité du parc disposent d'arguments propres : les techniciens du ski et de la montagne nient toute valeur au glacier pour le ski d'été, but déclaré de l'opération. S'en suivent des années de conflit pour ce qui restera l'affaire de la Vanoise, l'opposition frontale de deux approches de la montagne. Finalement, la décision est tranchée en 1971 de ne pas amputer le parc mais d'autoriser toutefois l'utilisation modérée du glacier de Chavière pour du ski d'été. Deux téléskis sont réalisés en 1974 mais cessent de fonctionner en 1987 suite au recul important du glacier. En 1989, alors qu’il est temps de renouveler ces équipements, un vaste projet d’aménagement du glacier de Chavière est relancé. Nouvel affrontement entre protecteurs de la nature et aménageurs. Patrick Gabarrou, pour les antis, et Marielle Goitschel, pour Val Thorens, se retrouvent à débattre à 3 000 mètres d'altitude d'un projet finalement clos par le ministre de l'environnement.

Éphémères domaines d'été

L’engouement pour le ski d’été pousse certains acteurs privés ou stations à se lancer dans des équipements opportunistes dont la durée d’existence fut limitée à quelques étés.

Ski sous le Galibier

Le troquet du col du Galibier « côté Savoie » tenu par Robert Kuzniewycz décide d’installer en 1973 un télésiège deux places pour permettre à la clientèle l'accès à la table d'orientation depuis le tunnel. L’appareil très court permet aussi d’ouvrir des pistes de ski d’été ou plutôt de printemps avancé. Serre-Chevalier en fait ses choux gras dans ses dépliants en vantant le « ski d’été sur le versant Valloire du 15 juin à début août ». L'année 1976 voit la route du Galibier s’allonger pour atteindre le col topographique et faire perdre une partie de son intérêt à ce télésiège. Il sera définitivement stoppé en 1978. Pour l’anecdote, ce même monsieur Kuzniewycz avait eu l’idée de créer la station de Super Valloire dans les années 60 qui prévoyait dans ses plans du grand ski en altitude voire même sur glacier sous l’aiguille de l’épaisseur et peut-être même jusqu’au glacier Lombard.

Péclet, à tout le moins

Val Thorens et Schnebelen, c'est aussi du ski d'été sur le glacier de Péclet à partir de juin 1973, un glacier qui semblait pourtant moribond sur des photographies prises en 1939. L'accès est plus commode que pour Chavière où il fallait emprunter deux tronçons de télésiège pour rallier le glacier. Avec une dénivellation de 500 mètres, deux pistes noires, deux rouges, Péclet propose des pentes bien engagées à la différence de la plupart des autres domaines skiables exploités en été. Péclet comptera jusqu'à six remontées présentes de façon discontinue : téléskis de la face, de la pointe, du croissant et du lac Blanc, télésièges des 3300 et du glacier. À l'été 2019, un pan entier de l'histoire de Val Thorens se tourne avec le démontage du télésiège du Glacier, dernier vestige et témoin d'une époque désormais révolue, celle du ski d'été sur le glacier de Péclet qui avait définitivement cessé en 2001.

L’engouement pour le ski d’été pousse certains acteurs associatifs, privés ou stations à se lancer dans des équipements opportunistes dont la durée d’existence fut limitée à quelques étés.

Ski sous le Galibier

Le troquet du col du Galibier « côté Savoie » tenu par Robert Kuzniewycz décide d’installer en 1973 un télésiège deux places pour permettre à la clientèle l'accès à la table d'orientation depuis le tunnel. L’appareil très court permet aussi d’ouvrir des pistes de ski d’été ou plutôt de printemps avancé. Serre-Chevalier en fait ses choux gras dans ses dépliants en vantant le « ski d’été sur le versant Valloire du 15 juin à début août ». L'année 1976 voit la route du Galibier s’allonger pour atteindre le col topographique et faire perdre une partie de son intérêt à ce télésiège. Il sera définitivement stoppé en 1978. Pour l’anecdote, ce même monsieur Kuzniewycz avait eu l’idée de créer la station de Super Valloire dans les années 60 qui prévoyait dans ses plans du grand ski en altitude voire même sur glacier sous l’aiguille de l’épaisseur et peut-être même jusqu’au glacier Lombard.

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Le mystère du glacier du Varet aux Arcs

La station d'Arc Pierre Blanche, rebaptisée ensuite Arc 1600, vient à peine d'être créée en 1968 que le ski d'été est déjà un argument marketing pour ses concepteurs. Charles Vanhecke décrit en effet dans le Monde datée du 19 janvier 1970 la concurrence féroce que se mènent les stations intégrées pour capter un marché considérable, « avec son futur golf à dix-huit trous, son ski d'été (sur les glaciers du Mont-Pourri, la Tarentaise offrant ailleurs ceux de la Grande-Motte et du Pissaillas), Arc-1600 pourra rivaliser avec les villes balnéaires et devenir une station vivante, animée, une station "toutes saisons" ». Le Mont-Pourri se sera finalement pas anthropisé. Dans les années 80, les Arcs veulent toujours rejoindre le cercle fermé des stations organisant du ski d’été. Les plans des pistes de l’époque dessinent les remontées mécaniques projetées pour équiper le petit glacier du Varet situé sur les hauteurs de la station Arc 2000 démarrée en 1979. Le téléphérique de l’Aiguille Rouge construit en 1981 permet de concrétiser cette idée qui attendra l’année 1988 pour ressortir des cartons. Le conseil municipal envisage de doubler son axe sommital et décide enfin l’installation d’un téléski au Varet. Janvier 1989, le projet se double d’un télésiège. Le 6 juillet 1989, la presse régionale titre sur le ski d’été aux Arcs … mais les équipements n’ont pas été réalisés et les skieurs étrennent le ski d’été en profitant de rotation sous le téléphérique. L’épisode tourne court avec une canicule précoce et un cocasse accident puisqu'un skieur fait une chute sans gravité dans une crevasse. 1990, la station est prête à relancer son grand projet. Les brochures titrent déjà sur le retour du ski d’été. Las, l’expérience tourne court et de ski d’été il n’y aura plus ou il n’y en a jamais eu d’ailleurs.

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Stages d'été dans les Pyrénées

À la fin de l’été caniculaire 2023, deux glaciers pyrénéens – Boum et Portillon – ont été déclarés morts, sortis de l’inventaire des glaciologues réalisés par l’association Moraine. L’information est passée presque inaperçue, emportée par la vague généralisée du réchauffement climatique. Cette double disparition témoigne cependant du grand péril glaciaire qui menace les Pyrénées : des montagnes sans glace. Malgré cette triste décroissance des glaciers Pyrénéens, le massif a connu également sa période "ski d'été" ! La première trace date de juillet 1938 avec l'organisation d'un concours à la brèche de Rolland rapporté, image à l'appui, par l'Indépendant des Basses-Pyrénées. Le ski d'été mécanisée a colonisé ensuite deux secteurs : le Vignemale et le Luchonnais. Sur le glacier des Oulettes, dans le massif du Vignemale, en début d'été, le ski club Lourdais avait installé un petit téléski démontable dans les années 70 pour ses entraînements. Plus à l'est de la chaîne, la revue de Comminges et des Pyrénées Centrales, dans un article sur les glaciers du Luchonnais, raconte qu' « aux environs du Maupas, dans les années 1960-1970, il existait un embryon de station de ski. En effet, à partir du refuge situé à 2 430 mètres, on pratiquait le ski de piste puisqu'un fil à neige avait été installé. On skiait alors jusqu'à plus de 2 800 mètres et des itinéraires passaient sur le glacier de Boum. Dans la vallée de Luchon, on fut donc précurseur en ski d'été sur glacier ! ». L'inauguration du fil-neige eut lieu exactement le 31 juillet 1966 ...sur 20 cm de neige fraîche. André Sacome, une figure des Pyrénées Centrales et moniteur National de ski, se souvient de « l’installation d’un fil-neige à l'initiative conjointe Ski club de Luchon et du LHM (Luchon Haute Montagne) sur le glacier Ouest du Maupas ou au col de Boum selon l'enneigement, un équipement facile à déplacer qui permit l’organisation de stages d’entrainement en juillet et à la Toussaint pour les candidats à l'ENSA ». Dans les années 80, le Ski club de Luchon Superbagnères relança le ski d'été dans le Luchonnais en achetant un nouveau fil-neige pour organiser des stages d'été et éviter de coûteux allers et retours dans les Alpes à ses jeunes licenciés. Yves Masson, moniteur et entraineur au club, a participé aux trois campagnes de 1985 à 1987, « nous utilisions le petit téléphérique EDF pour hisser les skis, les sacs, les chaussures...Les enfants montaient à pied au refuge de Maupas, notre camp de base. Il y avait 1h30 de marche ensuite pour rejoindre le front du glacier. Les enfants avaient 10 à 12 ans, ils étaient petits. C’était dur pour eux mais il finissaient le stage en pétant la forme. On laissait les skis dans un cabanon que l’on avait montait au départ du fil neige. Ce fil-neige nous causait des soucis sans arrêt, cela marchait bien deux ou trois jours. On mettait de la neige pour que cela gèle dans la nuit. Parfois, il déraillait sur la poulie de retour en haut, c’était un bordel pour la remettre ». Aujourd'hui, Yves Masson garde précieusement dans ses archives l'article du 24 juillet 1986 de la Dépêche du Midi, en se lamentant qu'il n'y ait plus aucune trace de glace, 37 ans plus tard.

Ski d'été dans le Vercors

Le 3 juillet 1970, un journaliste du Dauphiné Libéré rendait visite à des skieurs s'entrainant sur le névé de la Moucherolle dans le Vercors à ... 1 990 mètres : « une quinzaine de jeunes sont rassemblés pour une semaine. Déjà habitués aux compétitions, ils perfectionnent leur technique sur des pentes propices à l'étude des virages serrés. L'inclinaison du névé, surtout dans sa partie supérieure est impressionnante ». « Ce sont bien des photos de juillet et c'est de la vraie neige » avait écrit alors en substance notre journaliste dans son article façon billet "d'étonnement”. L'expérience contée dans le journal dura une dizaine d'années. Patrick "Mario" Barra, ancien entraineur du club Ski Alpin Villard de Lans, se souvient de cette expérience unique à l’ombre des 2 284 mètres de la Grande Moucherolle : « le stage durait entre 7 et 10 jours. Un fil neige à moteur essence avait été installé pour les rotations. Nous montions avec une douzaine de coureurs environ, deux entraineurs et un parent pour nous assister en cuisine. Nous occupions un petit refuge de 15 places et un ravitaillement était fait à mi-séjour à dos d'hommes. Nous nous levions à 5h30 pour être à 6h00 au pied du névé où nous laissions les skis. Nous enchainions 10 à 12 passages jusqu'à 10h30 et l'après midi nous faisions des balades de l'escalade ou de la spéléo. Pour communiquer avec les parents, nous faisions de grand feu et, sur les derniers stages, on utilisa les premiers talkies ». Oh, la belle vie des stages de ski !

La coupe Émile Marullaz sur le névé d'Arare

Depuis 1958, Avoriaz célèbre sur le névé d'Arare la mémoire d’Émile Marullaz, un des trois premiers moniteurs Chablaisins et pionnier de la station décédé pendant la seconde guerre mondiale. Organisée mi-juillet puis plus récemment au mois de juin, la coupe Émile Marullaz voit s'affronter les meilleurs slalomeurs du Chablais. Pour sa première édition, le 20 juillet 1958, Jean Vuarnet, alors au firmament de sa carrière, avait honoré de sa présence l'évènement. En juillet 1995, le télésiège du lac Intrets qui permet d'accéder au lieu de course avait même ouvert au grand public pour poursuivre une saison faste.

Le Parlement européen, organe parlementaire de l'Union européenne, avait songé en 1991 à interdire l'aménagement de glaciers pour le ski d'été, entre autres propositions coercitives pour limiter les atteintes aux habitats naturels dans les Alpes. D'interdiction, il n'y a pas eu, mais 30 ans plus tard, c'est le réchauffement climatique qui impose des conditions nouvelles. « En haute montagne, le recul des glaciers remet en cause la pratique du ski d’été » estimait la cour des comptes dans son rapport de 2018. Pour poursuivre dans le jeu de mots littéraire, ils partirent à 14 et se retrouvèrent à trois et demi (Tignes, les Deux Alpes, Val d'Isère et la Grave où le ski d'été débute de façon météorologique) à continuer à offrir du ski d'été mais pour combien de temps encore ?  Si l'offre de ski d'été s'est considérablement réduite à cause du retrait glaciaire, le ski d'été est aujourd'hui à la jonction des effets du réchauffement climatique et de l'évolution sociétale. « Ce qui était présenté dans les années 1960-1970 comme l’horizon du développement du ski en double saisonnalité se trouve réduit à la portion congrue, et la fréquentation des sites concernés n’a cessé de chuter depuis cette date. Il s’agit donc d’une activité en suspens, une survivance d’un produit touristique affiché comme moteur dans les années 1970, et par ailleurs largement remis en cause » disait justement Lionel Laslaz en 2009 dans les cahiers de géographie. Contrairement aux stations Autrichiennes comme Mölltal ou Hintertux, les stations françaises n'ont pas fait le pari précoce d'installer des canons à neige sur les glaciers pour aider artificiellement à leur régénération. Le ski d'été n'a plus la côte et se heurte aujourd'hui à des considérations environnementales nouvelles et à une diversification de l'offre estivale en montagne. La promesse des stations ouvertes 365 jours par an doit faire face également à un autre paramètre et non des moindres, des glaciers en grande souffrance, "figures symboles" des signaux de modification des conditions climatiques. Si à certains endroits, la pratique du ski d'été a été rendue définitivement impossible, à Tignes ou aux Deux Alpes, les domaines sont amputés en grande partie et n'ont plus rien à voir avec la pratique des années 70 et 80. « Nous nous entrainions sur le secteur du télésiège du Jandri IV. Le télésiège n'existe plus aujourd'hui. Pour avoir passé du temps sans fréquenter régulièrement le glacier, je ne retrouve plus sur le glacier la même configuration des pistes telles qu’elles ont existé quand je montais là-haut en 95. L’échine de la Chèvre, le Signal, le dôme...le glacier des Deux Alpes a complètement changé de physionomie, pleins de rochers sont apparents » nous raconte Dorothée Fournier, ancienne membre de l'équipe de France de snowboard. 

Dans quelques années, le ski d'été ne sera sans doute plus qu'un souvenir et on se dira "tiens, tu te souviens des sports d'hiver que l'on pratiquait toute l'année ?".

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La Plagne, dernière arrivée dans la cours des grands

Roche de Mio démarré en 1974 et ouvert en 1975, Bellecôte en 1978, quatre années de travaux et trois tronçons auront été nécessaires pour relier, par télécabine, la station de Belle Plagne aux glaciers situés à l'aplomb du sommet de Bellecôte. Dès l'été suivant, la Chiaupe et Bellecôte sont équipés pour le ski d'été. Le Cul du Nant, situé sur le versant sud du sommet de Bellecôte est déjà dans le viseur affichant le potentiel le plus intéressant et surtout la possibilité de venir flirter avec les 3 416 mètres sommitaux. La Société d'Aménagement de la Plagne a blindé son affaire en commandant en 1973 auprès du service de géophysique de l’Université de Grenoble une étude très complète sur la dynamique et la composition de ces glaciers pour déterminer le comportement probable des masses glaciaires. « Cette étude a pour but de constater s'il est rentable ou non de construire les équipements lourds nécessaires à la pratique du ski d'été sur ces glaciers. On ne veut donc pas faire de tels investissements avant d'être sûrs que les deux petits glaciers ne vont pas disparaître d'ici quelques années » peut-on lire dans un article du Monde titrant sur « les glaciologues et la pratique du ski d'été ». Avec des épaisseurs de 45 à 75 mètres de glace et de neige, un blanc-seing est donné pour valider l'investissement. « 4 télésièges et 6 téléskis permettront de desservir un domaine skiable où la pratique du ski sera possible 10 mois sur 12 » annonce la station qui s'entiche d'un nouveau slogan « le ski des 4 saisons ». Des intentions initiales, les années 80 sont le temps des remises à plat et le cul du Nant reste inviolé. La sécheresse impacte aussi de plus en plus le fonctionnement du ski d'été faisant envisager à André Martzolf, directeur des pistes, l'installation de canons à neige pour garantir l'exploitation. « La Chiaupe a vu sa masse fondre de 10 % depuis 1983. L'eau que produit le glacier serait suffisante pour réaliser un enneigement artificiel en hiver et au printemps, permettant de recharger et d'exploiter notre glacier dans des conditions parfaites » raconte Martzolf aux journalistes du monde en juillet 1990. En 2005, le ski d'été est définitivement abandonné après deux années de quasi-arrêt.

Tous les épisodes

Poursuivez votre lecture avec les autres articles de notre saga du ski d'été :

Intro : Pour qui sonne le glas(cier) ? : anthologie du ski d'été en France

Chapitre I : l'avènement du ski d’été et premiers domaines sur les hauteurs de Chamonix

Chapitre II : les années 70, la course aux 3000 et aux neiges éternelles, les ski 365 jours par an

Chapitre III : le ski d'été dans la Vallée de l'Oisans : le refuge Adèle Planchard, l'Alpe d'Huez, les 2 Alpes et la Grave

Chapitre IV : sur la ligne frontière, domaines skiables entre la France et l’Italie

Chapitre V : utopies, fugacités et perspectives : Val Thorens et autres lieux singuliers

ventoux84
Texte Maxime Petre
Cette montagne que l'on découvre...Au loin de toutes parts est presque toujours devant nos yeux

8 Commentaires

le roy Transition toute trouvée pour le nouvel axe éditorial... l'été on passe au "vert" ? ;)
Super intéressant à lire, belle collection d'images... merci pour le partage !
 

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le roy Et si à l'occas' tu as besoin de photos des installations du Sommeiller (en cours de démantèlement) je dois pouvoir te retrouver ça au fond d'un disque dur et en faire don à la science ;)
 

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steve_winwood Effectivement, peu de mention du domaine du Sommeiller dans cette (néanmoins superbe) série : sa mythique route d’accès - la plus haute jamais construite dans les Alpes! - , son refuge et ses remontées emportées par les avalanches etc... !
ventoux84 C'est un parti pris personnel que d'avoir exclu les glaciers du Sommeiller à Bramans et du Géant à Courmayeur...Je ne me suis intéressé qu'aux domaine français. Pour moi, Col Sommeiller et Col Géant ne sont pas des stations françaises. Même si les deux glaciers sont sur le sol français, ils n'étaient pas gérés par des exploitants français et les conditions d'accès étaient grandement facilitées côté Italien. Je ne suis pas certain que Chamonix ait vu beaucoup de skieurs embarquer au TPH de l'Aiguille du Midi pour aller skier au col du Géant... mais finalement, avec l'histoire de Val Ruitor, je me dis que l'on aurait pu rajouter une page "ski d'été Franco-Italien". A suivre alors ;).
ventoux84 Une version augmentée est en préparation avec un cinquième article sur le ski Franco-italien intégrant Sommeiller et Courmayeur...et pleins d’autres surprises comme du ski d’été dans le Vercors dans les années 70 ????
 

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chin@ill Merci, Maxime, pour cette remarquable série en forme d'oraison funèbre d'une pratique d'un autre temps ;)
 

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chin@ill Merci Maxime non seulement pour ton formidable travail d'archivage et de compilation sur le fond mais aussi, je me dois de te le dire, pour ta prose recherchée!
Dans les années 1970 les glaciologues ont commencé à analyser la paléoatmosphère prise au piège dans des carottes de glaces vieilles de plusieurs centaines de milliers d'années: mises en parallèles avec les pollens retrouvés dans ces mêmes glaces, il ont constaté un lien entre la teneur en CO2 et la présence de pollens de plantes de climats chauds...la température moyenne plus élevée de l'air enrichi en CO2, déjà connue in vitro, se retrouvait donc à l'échelle de l'atmosphère toute entière!
Dumont en 1974 puis Tazieff en 1979 ont ensuite relayé...mais dans le vide!
A partir de 1988 le GIEC n'a cessé de confirmer ces craintes, élaboré des modèles déjà très précis dans les années 1990 mais...toujours rien!
En 2023, on s'aperçoit enfin que les modèles du GIEC ne rendaient compte que d'une moyenne sans tenir compte de phénomènes locaux susceptibles d'être encore bien plus puissants à leur échelle: on en élabore donc de nouveaux dont les premières conclusions font, si j'ose dire, froid dans le dos du moins en ce qui concerne l'Europe...
La fin du ski d'été est donc actée...avant celle du ski tout court plus tôt que prévu par les modèles globaux les plus pessimistes?
 

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zoom Il y eu aussi dans les années 70-80 un projet de station de ski d'altitude sur les pentes de l'Aneto, en Aragon (Espagne) au-dessus de la ville de Benasque. Assez ambitieux, avec plusieurs immeubles (on est en Espagne où l'on aime construire !) et du ski jusqu'à plus de 3300 m d'altitude sur un glacier qui était à l'époque assez vaste. Le projet a capoté, car la route d'accès prévue depuis la France s'est trouvée impossible à construire et entretenir... Il n'en reste (restait ?) qu'une maquette et quelques prospectus à la mairie de Benasque. Aujourd'hui le glacier de l'Aneto a presque complètement disparu...
 

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