La grande histoire du ski d'été en France : la vallée de l'Oisans

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La grande histoire du ski d'été en France : la vallée de l'Oisans

Chapitre III de notre saga du ski d'été. Direction Adèle Planchard, l'Alpe d'Huez, les 2 Alpes et la Grave.
article La saga du ski d'été
ventoux84
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cf. légendes
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INA

Le ski d'été dans la vallée de l'Oisans s'est développé en quatre temps et sur plusieurs décennies. Il y a d’abord les stages d’été du GUC Grenoble Ski au refuge Adèle Planchard à 3300 mètres. L'Alpe d'Huez prend précocement conscience du potentiel du Pic Blanc qui surplombe la station et sera relié par téléphérique en 1963. Aux Deux Alpes, l'énorme masse glaciaire du glacier du Mont-De-Lans promet à la station un avenir radieux au début des années 70. La Grave rejoint dans les années 80 ses voisines iséroises dans la course au ski d'été pour ce qui restera un coup d'épée dans l'eau.

Ski d'été au refuge Adèle Planchard

Avant l'exploitation mécanisée des glaciers d’Huez, des Deux Alpes et de la Grave, c'est au pied de la Grande Ruine, à proximité du refuge Adèle Planchard que le ski d'été a débuté en Oisans. Nous sommes en 1953 et la Société des touristes du Dauphiné met son refuge à disposition des skieurs du Grenoble Université Club comme camp de base de mai à novembre. C'est le début des stages estivaux pour la compétition dont George Joubert, entraineur en chef du GUC Grenoble Ski est le précurseur avec des programmes d’entrainement novateurs notamment avec une planification quasiment 12 mois sur 12. La fine fleur de l'équipe de France vient skier à Planchard et le GUC devient d'ailleurs le premier ski club français par le nombre de coureurs classés en séries nationales. Mais aller s'entrainer à 3 169 mètres n'a rien d'une sinécure : 1 500 mètres de d+, sept heures de marche, le matériel à porter, un refuge à mettre en ordre de marche après des mois d'hibernation. Ces stages d'été de Haute Montagne prennent fin en 1963 avec le déménagement sur Huez.

Alpe d’Huez, terre du Grenoble Université Club

Les vainqueurs incontestés de la course à l'altitude dans les années 60 sont les Huizats avec la mise en service du troisième tronçon du téléphérique des Grandes Rousses en 1963 considéré alors comme une prouesse mondiale capable de rivaliser avec l'Aiguille du Midi. L'accès au Pic Blanc, à 3 327 mètres, élargit l'espace skiable avec des pistes sportives mythiques qui feront la réputation de la station « mais un autre avantage aussi important qu'intéressant est la réelle possibilité de la pratique du ski d'été en atteignant le haut du glacier de Sarenne » commente J. Arnaud dans la revue le SKI. En juillet 1965, le ski se sédentarise sur le glacier avec l'installation de deux fils neige. On fait aussi des rotations entre le glacier de Sarenne et la gare aval du téléphérique à travers un tunnel percé l'année précédente. Le journaliste Alain Vernholes raconte son expérience en août 1968 dans les colonnes du Monde : « trois kilomètres seulement et il a fallu longtemps pour grimper jusqu'ici, accroché par un câble. Le soleil commence à découvrir la montagne. Dans quelques heures, la neige sera pleine d'eau, la chaleur formidable. Mais maintenant, la pente est encore toute gelée. Un petit tunnel troue la montagne et nous relance sur un autre flanc, vaste et long comme un mur de citadelle. Dans le ciel passe une télécabine très haut suspendue au-dessus de nous ».

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Val Chavière, le coup de canif sur le parc Vanoise

En 1969, Pierre Schnebelen lance un vaste projet de domaine skiable sur le site actuel de Val Thorens, comprenant deux pôles : Val Thorens dans la vallée des Belleville et Val Chavière au sud côté Maurienne située sur la commune de Modane. Entre les deux, une vaste zone glaciaire, placée en plein cœur du Parc de la Vanoise, qui deviendrait la station des glaciers, le plus fabuleux complexe de loisirs été-hiver : six glaciers, 365 jours de ski par an de 2200 à 3650 mètres, plus de 150 remontées mécaniques dont 35 fonctionnent 12 mois par an, un skirail - nom pompeux pour qualifier un funiculaire - d'un débit de 7 200 personnes à l'heure pour relier à la vitesse prodigieuse de 10 mètres par seconde le centre de la station au glacier de Thorens, un golf, un aéroport, 10 piscines, deux patinoires, un centre commercial de 75 boutiques, un parking souterrain de 2 000 places, des boîtes de nuit, 35 000 lits prévus... « Les deux stations de Val-Thorens-Val-Chavière constitueront un ensemble comparable à celui de Cervinia-Zermatt » ajoute Schnebelen. S'en suivent des années de conflit pour ce qui restera l'affaire de la Vanoise, l'opposition frontale de deux approches de la montagne. Finalement, la décision est tranchée en 1971 de ne pas amputer le parc mais d'autoriser toutefois l'utilisation modérée du glacier de Chavière pour du ski d'été. Deux téléskis sont réalisés en 1974 mais cessent de fonctionner en 1987 suite au recul important du glacier. En 1989, alors qu’il est temps de renouveler ces équipements, un vaste projet d’aménagement du glacier de Chavière est relancé. Nouvel affrontement entre protecteurs de la nature et aménageurs. Patrick Gabarrou, pour les antis, et Marielle Goitschel, pour Val Thorens, se retrouvent à débattre à 3 000 mètres d'altitude d'un projet finalement clos par le ministre de l'environnement.

Val Thorens, c'est aussi du ski d'été sur le glacier de Péclet à partir de juin 1973, un glacier qui semblait pourtant moribond sur des photographies prises en 1939. Un accès plus commode que pour Chavière où il fallait emprunter deux tronçons de télésiège pour rallier le glacier, une dénivellation de 500 mètres, deux pistes noires, deux rouges avec des pentes bien engagées à la différence de la plupart des autres domaines skiables exploités en été. À l'été 2019, un pan entier de l'histoire de Val Thorens se tourne avec le démontage du télésiège du Glacier, dernier vestige et témoin d'une époque désormais révolue, celle du ski d'été sur le glacier de Péclet qui avait définitivement cessé en 2001.

C'est aussi la période où le Grenoble Université Club, célèbre club omnisports de la cuvette dont Jean Vuarnet est l'un des athlètes phares, déménage ses stages d'été du refuge Adèle Planchard au glacier de Sarenne.

À l’arrivée à la gare supérieure du téléphérique du Pic Blanc, la répartition des provisions dans et sur les sacs à dos avant de descendre à ski jusqu’au chalet du GUC. Le départ matinal pour profiter d’une bonne neige. L’initiation à l’usage du fil neige.

Jérôme Bordier

En 1969, l'Alpe d'Huez inaugure son télésiège du glacier avec l'objectif de populariser le ski d'été sur un glacier « sans crevasse ». Le Dauphiné Libéré détaille encore : « si la pratique du ski de glacier était jusqu'alors réservée à l'élite des skieurs et souvent des skieurs de compétition avec l'aménagement du glacier de Sarenne, cette discipline sportive est désormais offerte à tous ». La presse locale n'hésite pas à désigner l'Alpe d'Huez comme la Mecque du ski d'été. La transition entre l'insouciance climatique et la réalité du pergélisol se fera au début des années 90. Si en 1984, l'installation du téléski du refuge permet de tripler le domaine skiable d'été de la station dauphinoise, six ans plus tard c'est la désillusion avec l'impossibilité d'ouvrir le glacier. Ce dernier perd tellement de volume que l'on démonte un à un les téléskis entre 1988 et 1993. Jadis orgueil, le ski d'été s'achève en catimini même si en 2004 le maire de l'époque s'imagine redynamiser le ski d’altitude de la Toussaint et garantir un ski d’été de qualité avec l'installation de deux télésièges. Édile de mauvais augure...

Les Deux Alpes, il comprensorio sciistico estivo più grande

Le ski d'été arrive aux Deux Alpes en 1972 avec la réalisation de la télécabine du glacier (renommée par la suite Jandri 3). « Super Deux Alpes : Ski hautes neiges toutes saisons grâce au nouveau télécabine du glacier (3200 m.) », titre Le Dauphiné Libéré. Le ski d'été se cantonne le premier été au secteur de la Toura skiable jusqu'à fin juillet. En 1973, il s'enracine sur le glacier du Mont-de-Lans avec les premières remontées de Roche Mantel et du Jandri. En 1976, la station s'enorgueillit d'être la seule à garantir du ski d'été alors qu'un épisode exceptionnel de canicule étouffe la France : « Seul le glacier du Jandri aux Deux-Alpes a su résister aux assauts de la canicule. La neige est encore poudreuse tôt le matin », affirme son directeur de l'office du tourisme. L'équipement s'accélère alors et les téléskis piquettent la calotte glaciaire ; celui de la Lauze permet d'atteindre en 1984 la partie haute du glacier du Mont de Lans à 3 525 mètres. Dans les années 80, le ski d'été transforme la station notamment par l'arrivée d'une clientèle italienne assidue sous l'impulsion du champion Piero Gros et de moniteurs Piémontais. Les Deux Alpes se targue de disposer du plus grand glacier skiable d'Europe. « La station est devenue la première station pour le ski d'été. A tel point que des hôtels ont été loués par des équipes italiennes venues en stages estivaux » écrit Gabrielle Sentis en 1985 dans son livre consacré à l'histoire de la station. « Notre clientèle est à 70% composée d’Italiens » explique Jo Martin, fondateur de la station, à Christian Deville dans la revue Aménagement et Montagne en 1990. « Leurs désirs correspondent totalement à nos produits. Ce sont des fous de compétition. Ils veulent bouffer du piquet. Et que peut-on faire d’autre sur un glacier sinon parfaire sa technique sur des pentes relativement douces ? ». « Du 14 juillet au 18 août, les 28 000 lits de la station sont pleins », précise Emmanuelle Masson de l’office de tourisme. On bichonne alors la poule aux œufs d'or : « Durant les deux mois d’été, huit machines lissent tous les jours à 13 heures l’ensemble des pistes après la fermeture. En fin de saison, au mois de septembre, une monstrueuse pelle de 38 tonnes monte sur le glacier et sculpte les pistes en forme de berceau pour qu’elles retiennent plus de neige dès les premières précipitations en vue de la future saison d’hiver » détaille encore Jean Pierre Devaux, responsable du damage.


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La Grave et les crevasses de la Girose

La Grave est la dernière-née des stations françaises de ski d’été. Lorsque Denis Creissels, père du célèbre télépulsé, reprend en main les destinées de la station en 1987, il met dans la balance pour rentabiliser son investissement le nécessaire équipement du glacier de la Girose pour du ski d’été et la liaison avec des Deux Alpes. Le cabinet Creissels est à la baguette pour construire le double téléski des Trifides et de la Girose, un appareil embryonnaire qui permet de rejoindre le Dôme de la Lauze et basculer chez le grand voisin isérois. Annoncé en grande pompe en 1988, le téléski n’entrera en service qu’en 1989 pour une exploitation estivale qui s’achèvera un 26 juillet. Une mauvaise météo dira-t-on. « La Girose, un glacier de versant fortement crevassé » indiquait pourtant en 1970 Robert Vivian, futur éminent glaciologue dans son travail de doctorat. La station déchante très vite ! Si le défi technique est relevé en survolant le glacier plutôt que de planter des pylônes fixes, la pilule de 9,1 millions de francs est dure à avaler pour une exploitation aussi ramassée. En 1991, si Luc Alphand, à l’aube de sa grande carrière, est là pour quelques virages, la situation ne s’est pas arrangée. Les crevasses strient la montée du téléski obligeant la poste de grille façon échelles suspendues, les dameuses se coincent dans des trous béants, le tassement du manteau glaciaire fait s’envoler les skieurs sur la ligne de montée. Cinq petites années et le ski d’été Gravarot tire sa révérence en 1994 ou avant car personne n’est bien sûr que le téléski ait encore fonctionné en mode estival après l’épique été 91. Ces dernières années, le glacier réouvre en juin pour les entrainements des clubs Haut-Alpins…comme un clin d’œil au passé.

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Tous les épisodes

Poursuivez votre lecture avec les autres articles de notre saga du ski d'été :

Intro : Pour qui sonne le glas(cier) ? : anthologie du ski d'été en France

Chapitre I : l'avènement du ski d’été et premiers domaines sur les hauteurs de Chamonix

Chapitre II : les années 70, la course aux 3000 et aux neiges éternelles, les ski 365 jours par an

Chapitre III : le ski d'été dans la Vallée de l'Oisans : le refuge Adèle Planchard, l'Alpe d'Huez, les 2 Alpes et la Grave

Chapitre IV : sur la ligne frontière, domaines skiables entre la France et l’Italie

Chapitre V : utopies, fugacités et perspectives : Val Thorens et autres lieux singuliers

ventoux84
Texte Maxime Petre
Cette montagne que l'on découvre...Au loin de toutes parts est presque toujours devant nos yeux

5 Commentaires

tcsa Superbe document. Je n'en mettrais pas ma main à couper, mais il me semble que sur les photos du glacier de Sarennes, on y voit buberto, un ancien skipasseurs.
 

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Cool-Attack Franchement zappé le snowpark aux 2 Alpes, qui à toujours été d'une qualité exceptionnelle et à largement participé au succés du glacier de manière d'autant plus intéressante que la clientèle y monte juste quand les bouffeurs de piquets descendent...
 

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Martiiin Vous remarquerez que c'est la même poulette en maillot de bain à fleurs sur la pub des deuz, de tignes et val d'isère!!!
 

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vaujany2023 Super article. Merci. Ou avez vous trouvez la carte topographique du troisième tronçon de téléphérique de l'Alpe d'Huez? Je souhaiterais en faire une impression grand format.
 

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