Risque d'avalanche et lecture du BERA

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Risque d'avalanche et lecture du BERA

Demain mardi 7 mars, la majorité des massifs des Alpes passent en risque 4 "fort" sur l'échelle européenne du risque d'avalanche
article Sécurité
KillaWhale
Texte :
Photos :
Pisteurs secouristes de Val d'Isère

Les chutes de neige se succèdent sur les massifs français depuis désormais une semaine, et de nombreux signes d'instabilité du manteau neigeux nous sont parvenus lors des derniers jours. Le risque d'avalanche, déjà élevé, va encore augmenter cet après-midi, ce soir et cette nuit avec de nouvelles chutes de neige abondantes accompagnées de vent fort, surtout en altitude. La majorité des massifs des Alpes seront en risque d'avalanche de niveau 4, "fort", le niveau le plus élevé concernant le déclenchement skieur. 

Une activité avalancheuse en hausse

C'est quelque chose de "normal" après des chutes de neige : le risque d'avalanche augmente, surtout lorsque ces dernières sont accompagnées ou suivies de vent. C'est ce qui s'est passé cette semaine, avec un risque "marqué" (3/5 sur l'échelle européenne de risque) dans une grande partie des massifs, notamment en altitude.

Durant cette semaine, nous avons vu se succéder plusieurs chutes de neige sur les massifs français, chacune avec ses spécificités, privilégiant chaque fois certains massifs par rapport à d'autres. Les pertubations sont arrivées tout d'abord dans un flux d'ouest, suivies d'un redoux avant une configuration un peu différente à l'approche du weekend avec un vent de sud et un effet de retour d'est samedi sur les régions frontalières de l'Italie. La dernière perturbation, aujourd'hui et demain, change d'axe au fur et à mesure de l'épisode : sud-ouest, puis ouest et enfin nord-ouest.

Les nivoses de Météo France ci-dessous montrent bien les différents cumuls de neige à différentes altitudes des Alpes, ainsi que le vent qui a accompagné les chutes. On distingue également le redoux du 3 mars sur la courbe des températures :   

Si nous insistons autant sur l'axe des perturbations et sur le sens des vents, c'est parce que celui-ci conditionne directement la formation des fameuses "plaques", susceptibles de se décrocher et provoquer une avalanche : c'est le déplacement de neige par le vent qui provoque la cohésion du manteau à l'origine des plaques. Nous simplifions car nous y reviendrons, en attendant Alain Duclos de data-avalanche.org (expert nivologue) explique bien le phénomène de déclenchement d'une avalanche sur sa chaine Youtube (avec une belle conclusion) : 

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Pour savoir quelles sont les orientations qui peuvent être dangereuses et la nature des déclenchements possibles, la lecture du BERA, le Bulletin d'Estimation du Risque d'Avalanche (ou plus communément BNA, Bulletin Neige et Avalanche) est indispensable avant toute sortie en dehors des pistes balisées. Et quand on dit de regarder le BERA, il ne s'agit pas de regarder seulement le chiffre en haut (ou désormais le pictogramme, après une uniformisation à l'échelle européenne progressivement mise en place), mais bien de lire le texte entier du bulletin : c'est lui qui contient les précieuses informations à retenir pour notre sortie.  

Avec les différents vents des derniers jours, dans de nombreux cas ce sont toutes les orientations qui sont concernées (figurées en noir sur la rose des vents) par le transport et l'accumulation de neige propices à la création de plaques, comme ici dans le BERA du Beaufortain pour demain, mardi 7 mars : 

Ne pas se focaliser sur le niveau de risque

Même si nous faisons cet article à l'occasion du passage de nombreux massifs en risque 4, il est important de ne pas seulement s'en tenir au seul chiffre du niveau de risque, erreur couramment commise : que ce soient des novices ou des pratiquants confirmés, beaucoup s'arrêtent à cette seule donnée de l'équation, alors que le plus intéressant se trouve dans le contenu du bulletin comme nous le disions ci-dessus, particulièrement en ce qui concerne le risque 3 (ce niveau de risque englobe de nombreux types différents de déclenchements d'avalanche, notamment des situations nivologiques dangereuses mais difficiles à déceler)

Voici les conseils de Météo France en ce qui concerne la lecture et l'utilisation du BRA :

"Ce qu’il ne faut absolument pas faire : se fixer un seuil chiffré de niveau de risque d’avalanche pour unique critère de décision et se dire : « En 2, je vais partout. En 4, je ne sors pas ».
Ce qu’il est recommandé de faire : prendre connaissance de l’intégralité du BRA et ne pas s’en tenir au seul indice chiffré.
Limites d’utilisation
[...] L’enseignement retiré du bulletin dépend bien évidemment de l’expérience et de la connaissance du milieu montagnard de chaque utilisateur.
Avant la sortie, les informations contenues dans le bulletin sont utiles pour choisir le secteur, repérer les passages délicats. Pour les conditions en hors-piste, renseignez-vous également auprès des professionnels de la station.
Pendant la sortie, il est nécessaire de confronter ces informations à celles observées sur le terrain, afin d’adapter au mieux l’itinéraire et le déplacement du groupe. Selon son expérience, le pratiquant de la montagne enneigée pourra ainsi maintenir, modifier voire annuler le hors-piste ou la randonnée projetés.
Le BRA ne constitue ni un feu vert ni un feu rouge.
"

Pour aller plus loin, un article complet de l'ANENA sur la détermination de l'indice de risque :

"Le nombre de victimes potentielles par avalanche n’est pas un critère dans le choix de l’indice, c’est la probabilité de départs spontanés ou de déclenchements provoqués qui est déterminante. Ainsi, la survenue d’une avalanche accidentelle isolée très meurtrière est donc tout à fait compatible avec un niveau de risque limité (niveau 2), voire faible (niveau 1). De même, une seule grosse avalanche est possible par risque seulement marqué (niveau 3). A contrario, l’échelle européenne s’adressant avant tout au randonneur hivernal, des situations à risque fort (niveau 4) sans la moindre avalanche spontanée sont possibles.
Il n’est pas inutile de le rappeler : le risque faible (niveau 1) n’est pas un risque nul ! Des accidents se sont déjà produits par ce niveau de risque, ce qui est cohérent avec la définition de ce niveau de risque donnée dans l’échelle européenne. Le risque limité (niveau 2) est donc d’autant moins sûr… comme l’oublient souvent un grand nombre de pratiquants !"

Un BERA complet pour demain mardi 7 mars, celui de la Haute-Maurienne, qui contient bien plus qu'un simple chiffre :

Ajoutez des photos (2020px)

Comme vous pouvez le voir ci-dessus, le BERA ne contient pas qu'une description du risque d'avalanche mais également de nombreuses informations nivologiques et météorologiques qui peuvent être très utiles : quantités de neige fraîche passées et prévues (la plupart du temps précises et justes), météo prévue, enneigement en fonction des versants et de l'altitude, et depuis cette année de beaux graphiques indiquant l'évolution des conditions nivo-météo des 7 derniers jours (avec l'altitude de l'isotherme 0°C, l'altitude de la limite pluie-neige, les vents à différentes altitudes, l'historique du risque et des quantités de neige en fonction de l'altitude). 

Des signes d'instabilité déjà nombreux

Sur data-avalanche.org déjà cité précédemment, 10 phénomènes d'avalanche ont été recensés lors des 5 derniers jours. Il y en a eu évidemment beaucoup plus en pratique, mais ces dix cas sont listés précisément par l'équipe d'Alain Duclos : altitude, orientation, localisation exacte, BERA du jour, circonstances, photos, etc. C'est une base très intéressante et utile pour toute personne qui souhaite s'aventurer en montagne durant l'hiver : 

Les PIDA (Plan d'Intervention de Déclenchement des Avalanches) des pisteurs secouristes sont également un bon indice de l'activité avalancheuse : cette semaine, les tirs se sont généralement révélés positifs, et parfois de grande ampleur comme aux Arcs jeudi 2 mars (vidéo des Pisteurs secouristes des Arcs) : 


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Plusieurs accidents d'avalanche ont été recensés la semaine dernière et ce weekend, dont un mortel à Courmayeur. Du côté de La Plagne, vendredi 3 mars, c'est un skieur hors-piste qui a eu beaucoup de chance après avoir été emporté par une avalanche. Il s'en est sorti avec une grosse frayeur et de la perte de matériel. La plaque, d'une épaisseur de 40cm sur 40m de large, s'est déclenchée sur le secteur de Montchavin, aux environs de 2200m :


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Plusieurs couches fragiles au sein du manteau neigeux

Aujourd'hui et demain, la neige fraîche se dépose donc sur un manteau neigeux déjà instable, comprenant parfois plusieurs couches fragiles. Ces dernières sont les "châteaux de cartes" qui en s'effondrant sont à l'origine de la mise en mouvement des plaques. 

A titre d'exemple (car sa structure change d'un massif à l'autre, d'un vallon à l'autre voire au sein d'une même pente), les Pisteurs secouristes des Arcs ont mis en ligne sur leur page Facebook une note détaillant la dernière coupe du manteau neigeux qu'ils ont effectuée hier (ces coupes leur permettent d'estimer le risque d'avalanche sur leur domaine, et ils les transmettent à Météo France qui s'en sert pour l'élaboration des BERA). Il s'agit d'un graphique détaillant les caractéristiques du manteau neigeux : température, résistance, densité, types de grains, le tout en fonction de son épaisseur :

Sondage Nivologique du 05 mars 2017 - 10h

Réalisé sur le site des Plagnettes, Arc 2000 - altitude 2250m

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"Test de pelle à la compression : Positif à 139 cm avec 7 frappes de main, à 125 cm avec 9 frappes de main puis à 100 cm avec 10 frappes de main.
Test de pelle au cisaillement : Positif à 70 cm assez facile puis difficile à 040.
Test de pelle à la propagation : Facile à 139 cm puis un peu plus difficile sur les autres ruptures.
Observations :
Le graphique se lit du haut vers le bas. Les 15 premiers centimètres de neige fraîche et roulée reposent sur une fine croûte. Puis plusieurs plaques de grains fins sans résistance se succèdent jusqu’à 100 cm où se trouve une couche fragile. Et pour finir des faces planes avec peu de résistance jusqu’à 60 cm. A 40 cm on retrouve de superbes gobelets qui servent de dernières couches fragiles.
Analyse:
Le manteau neigeux est piégeux, les résistances ont fortement diminué. Un skieur peut facilement faire partir les couches supérieures de neige qui feront ensuite glisser le reste du manteau neigeux en "marches d’escalier".
Les prochaines chutes de neige vont être très abondantes: jusqu’à mardi soir, on attend 80 cm à 1 mètre de neige.
A partir de demain, le risque 4 (fort) pourra peut-être évoluer en risque 5 dans la nuit de lundi à mardi.
Faites preuve de sagesse les prochains jours en montagne.
Les Pisteurs des Arcs."

Risque important sur les Alpes

Une majorité de massifs des Alpes françaises seront en risque 4 "fort" demain mardi 7 mars, le niveau de risque le plus élevé concernant le déclenchement d'avalanche par des skieurs (le risque 5 concerne le déclenchement spontané d'avalanches). Ce niveau sera probablement maintenu durant la journée de mercredi, qui verra les températures remonter avec l'arrivée du redoux sur la fin de la semaine. Pour lire le BERA de votre massif sur Météo France, c'est par ici.

Cette hausse du risque est due aux chutes importantes en cours dans la plupart des massifs. Des cumuls approchant le mètre sont attendus en altitude sur certains secteurs à la fin de l'épisode. Malheureusement, et surtout cet après-midi, ces chutes ont été accompagnées d'un vent fort voire très fort.  

 

Soyez prudents, sachez renoncer

Nous ne pouvons pas vous empêcher d'aller tâter la poudreuse demain et les jours suivants. Si vous souhaitez vraiment le faire, assurez-vous d'avoir toutes les chances de votre côté : sachez quelles zones vous devez éviter (en gros, tout ce qui fait de près ou de loin 30° ou plus, ça en fait beaucoup sur une montagne), soyez équipés, ne sortez pas seul, etc. Pour ce qui est de pratiquer le ski hors-piste, nous avions tenté de résumer tout ce qu'il y a à faire et savoir dans cet article, jetez-y un oeil, ça fait toujours du bien. 

N'oubliez pas les facteurs humains, qui peuvent biaiser votre prise de décision : le facteur "poudre" (on ne vous fait pas un dessin), le facteur "rareté" (à cause d'un hiver avare en chutes de neige), le facteur "groupe" (la pression du groupe, le manque de communication, l'aura de l'expert, etc.) et enfin le facteur "confiance" ("Je sors souvent en risque 4, il suffit de savoir où aller"). 

Pour cet hiver 2016-2017, l'ANENA dénombre 23 accidents d'avalanche pour 10 décès au total. 

Déclenchement préventif aux Arcs samedi 4 mars, les "Bosses de Plagnette", photo des Pisteurs Secouristes des Arcs

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11 Commentaires

fluojer vous avez remarqué, le skieur qui s'en sort dans l'article à la plagne ? Il avait une gopro. Je dis ça je dis rien ...
Darth Slovas C'est pour ça que je skie sans camera hors piste, c'est moins dangereux, les avalanches ne cherchent pas à faire des images...
 

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NobruDude Difficile d'être plus complet, bravo !!
Je rajouterais juste que, puisqu'on n'est pas tous des experts en nivologie, un truc assez simple à relever dans le BERA, c'est l'intensité du vent et sa direction les jours précédents : en gros, si par exemple ça soufflait fort de NO, on sera très très méfiant sur les pentes SE.
 

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Hellsass

Merci pour l'analyse.
Question naïve: qu'est ce qui explique la différence d'appréciation du risque entre France (fort pour aujourd'hui) et Suisse (seulement marqué sur tout le territoire) ?slf.ch

KillaWhale

J'ai eu la réponse hier à cette question en écrivant cet article dans le lien de l'ANENA que j'ai mis à un moment ("Détermination de l’indice du risque d’avalanche dans le BRA" : anena.org ) :

"=> Dans certains pays ou régions (en Suisse, par exemple), le niveau de risque fort (niveau 4) est indissociable d’une activité avalancheuse spontanée. Dans des situations à fort risque purement accidentel (sans avalanche spontanée), le niveau 4 n’est donc pas utilisé, contrairement à la pratique française."

Un peu comme nous avec le risque 5.

Loïc (Redac)

fluojer Les suisses sont de vrais montagnards, et ils connaissent mieux la montagne, alors ils ont pas besoin de gros chiffre d'avalanche, un 3 suffit pour eux. Pour les frouzes, c'est plus compliqué, avec les parisiens.
Hellsass @Killa: merci
@fluojer: les suisses ont également les bourbines, les mâcheurs de gravier, les schnabeguetzes :-)
 

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