Météo et neige : le bilan de l'hiver 2023/24 dans les Alpes

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Météo et neige : le bilan de l'hiver 2023/24 dans les Alpes

Un hiver très contrasté !
article Bulletin neige

La saison de ski alpin est désormais officiellement terminée en France. Comme chaque année nous vous proposons un retour sur les conditions météorologiques et d'enneigement de cette saison hivernale au sens "large" (d'octobre à début mai).

A l'image de l'an dernier : on développe cela en deux articles différents. Le second, présenté ici, traite des Alpes, du Nord et du Sud. Notre premier bilan, publié il y a quelques jours, évoqué lui en détails les autres massifs que sont les Pyrénées, le Massif-Central, les Vosges et le Jura.

Alpes du Nord

Du grand calme à la grande agitation (fin-septembre à début novembre) :

Ceux qui ont déjà consulté notre premier article "bilan" traîtant des autres massifs français, ou tout simplement ceux qui se rappellent du type de temps observé il y a (déjà!) plus de 7 mois ne seront pas surpris : après une fin d'été particulièrement chaude, nous avons connu un début d'automne souvent sec et très doux … jusqu'à la mi-octobre environ

La raison est simple  : l'anticyclone, aux racines subtropicales, est resté centré sur le pays avec des pressions durablement voisines des 1025 à 1030 hectopascals s'accompagnant d'une masse d'air durablement chaude notamment sur la première quinzaine d'octobre. Dans ce contexte, inutile d'envisager la moindre offensive neigeuse en altitude après le petit coup de neige jusqu'en moyenne-montagne du 23 septembre (très éphémère).

Le premier graphique ci-dessous témoigne même d'une première quinzaine d'octobre record niveau mercure sur l'ensemble du pays, mais ce constat est également valable sur l'ensemble de l'arc alpin. Les hautes-pressions s'affaiblissent, enfin, progressivement, à partir du 16 octobre. A la clef : on retrouve un flux de Sud qui ramène peu de précipitations sur les Alpes du Nord, protégées par effet de foehn. C'est surtout fin-octobre que les perturbations font leur retour sur le massif à la faveur d'un flux qui pivote à l'Ouest. Cette succession de flux de Sud, puis Sud-Ouest, puis Ouest bien chargé en humidité permet d'observer la deuxième quinzaine d'octobre la plus humide depuis le début des relevés en France comme le deuxième graphique ci-dessous en témoigne. Les conséquences sur l'enneigement sont très relatives, avec simplement un manteau neigeux qui se constitue très progressivement à haute-altitude car la douceur reste de mise. On se retrouve ainsi tout début novembre avec une situation très classique côté conditions de neige.

Beaucoup de précipitations et un enneigement abondant en haute-montagne (jusqu'à mi-janvier) :

Difficile d'envisager, lorsque le temps a subitement changé mi-octobre, que nous étions face à un changement de temps aussi durable. En effet, après plusieurs mois (voire quelques années) où les séquences de sécheresse furent régulières et parfois intenses sur le pays : c'était en fait une séquence humide remarquable, et qui allait s'inscrire dans la durée qui démarra alors … séquence qui n'est toujours pas terminée à ce jour alors que nous sommes début juin.

Le rapide courant d'Ouest s'est en effet installé fin-octobre et s'est maintenu tout au long du mois de novembre. Bien évidemment il a connu quelques "fluctuations", basculant par moments au Nord-Ouest et ramenant alors la neige jusqu'en basse-montagne avec la fraîcheur associée. Mais ces incursions neigeuses à basse-altitude sont restées furtives et brèves. Plus globalement, c'est une douceur humide qui fut de la partie avec quelques épisodes de "lessivage" des couches de neige fraîche tombées jusqu'en moyenne-montagne. Cette nouvelle variante, devenue habituelle ces dernières années, du climat alpin s'est parfois accompagnée d'une limite pluie-neige remontant jusqu'à 2500/2700 mètres fin-novembre ou début décembre entraînant des crues importantes de nos torrents et fleuves (vigilance "rouge" de sortie en vallée de l'Arve notamment). Les conséquences de ces importants épisodes pluvieux sont encore bien visibles sur les paysages de nos montagnes en cette début d'été. 
Les deux cartes ci-dessous témoignent des deux éléments évoqués :
- une pluviométrie très copieuse sur le mois de novembre, avec des pointes localisées à 500-600 mm sur les secteurs les plus exposés.
- un enneigement qui devient largement excédentaire début décembre… en haute-montagne, sur l'ensemble des Alpes du Nord. Plus bas, l'enneigement est correct sur la tranche 1500/2000 mètres mais rapidement déficitaire en-dessous en raison d'épisodes pluvieux et doux beaucoup trop fréquents par rapport aux épisodes neigeux, parfois appréciables sur la première partie du mois de décembre (on s'en rend surtout compte avec le recul quand on voit comme le reste de l'hiver a été très difficile en basse-montagne). 

Ainsi, après une brève accalmie autour du 15-20 décembre : on se retrouve pour la fin d'année avec une couche de neige naturelle, encore une fois (c'est devenu clairement la norme sur les 10 dernières années), totalement absente sous 1200/1400 mètres environ. Déjà la différence de conditions entre les stations de basse-montagne et celles d'altitude est présente.

Elles vont s'améliorer sensiblement à toutes altitudes mi-janvier à la faveur de l'arrivée d'une masse d'air un peu plus fraîche tandis que les perturbations elles continuent de défiler inlassablement. On a donc notre deuxième fenêtre de "bon ski" durant quelques jours sur l'ensemble des domaines skiables même ceux situés en basse-montagne. Mais, une nouvelle fois, ce ne sera que très éphémère...

Une grande douceur, parfois extrême (de mi-janvier à début-avril) :

La grande douceur va en effet faire son retour dès le 20 janvier puisqu'on retrouve notre, indéboulonnable, anticyclone aux racines subtropicales (s'accompagnant d'une masse d'air forcément hors-saison) qui vient drainer sur le pays un flux d'Ouest majoritairement anticyclonique et parfois à dominante perturbée avec une limite pluie-neige qui "fait le yoyo" mais ne descend pratiquement jamais en basse-montagne. Les journées ensoleillées entraînent très souvent un ressenti printanier alors que nous sommes au cœur même de la saison froide, là où l'enneigement est sensé être à son paroxysme sur la tranche 800-1200 mètres.

Inutile d'envisager une amélioration des conditions d'enneigement en basse-montagne en février, tandis qu'elles demeurent très correctes à bonnes au-dessus de 1800/2000 mètres grâce aux nombreux épisodes neigeux d'automne et début d'hiver. En effet, ce mois de février 2024 aura été partout sur le podium des plus doux jamais observé, et prend même par endroits la première place sur certains postes de mesure de la région. Cette anomalie de températures par rapport à la moyenne, largement positive, a de toute façon été généralisée sur le pays tout au long du mois mais on voit bien via la première carte ci-dessous qu'elle fut particulièrement marquée sur la façade orientale de l'hexagone. Bref, le printemps est déjà là en février (conditions de neige dignes de mars/avril, absence de neige jusqu'à 1600/2000 mètres par endroits en versants Sud) et les stations de ski de basse-altitude manquent cruellement de neige. 
Le graphique de gauche ci-dessous témoigne en effet d'un enneigement autour des records bas pour la période à 1325 mètres en Chartreuse au début des vacances de février, mais ce constat est le même sur l'ensemble du massif alpin à ces altitudes. 

Toujours dans la douceur, le contexte météorologique va évoluer sensiblement début-mars. Les conséquences ne seront par partout perceptibles dans les Alpes du Nord (à l'inverse des Alpes du Sud, nous le verrons en seconde partie de cet article). Pour quelles raisons ? Car on va alors très souvent se retrouver, durant une bonne partie de ce mois de mars, sous des flux de Sud à Sud-Est pilotés par des dépressions qui vont défiler entre le golfe de Gascogne/péninsule-ibérique et la partie occidentale du bassin méditerranéen. Ces flux de Sud sont souvent peu actifs de la Haute-Savoie au Nord de la Savoie, où l'effet de foehn bat son plein et assèche la masse d'air, mais peuvent apporter d'importantes précipitations par moments sur une partie de l'Isère (Oisans notamment) et surtout sur l'extrême Sud-Est de la Savoie par "retour d'Est" si nos centres d'actions (dépressions et anticyclones) sont calés à la perfection. Et ce fut le cas entre le 2 et le 4 mars où un épisode neigeux intense viendra apporter près d'un mètre 50 de neige en moins de 48h, voire localement 2 mètres au-dessus de 2400 mètres en bordure immédiate de la frontière italienne côté Haute-Maurienne. Haute-Maurienne un peu située à l'abri des épisodes perturbés d'Ouest de début d'hiver et qui rattrape donc brutalement son relatif retard d'enneigement en haute-montagne comme le premier graphique ci-dessous en témoigne. 
D'autres retours d'Est, moins intense, vont se produire durant ce mois de mars sur la Haute-Maurienne tandis qu'ailleurs les conditions d'enneigement évoluent très peu (toujours ces effets de foehn fréquentes) hormis dans l'Oisans où l'enneigement à haute-altitude devient là-aussi important à la fin du mois. 

Puis arrive avril. Ultime sursaut de l'hiver ou renforcement des conditions printanières ? Et bien ce mois se déroulera un peu "à l'envers". En effet la première quinzaine fut globalement très douce avec même des épisodes de chaleurs records deux week-end d'affilés. Les +30 degrés sont atteints en plaines, et l'on observe parfois jusqu'à +25 degrés vers 1000 mètres… des valeurs dignes d'un plein été ! Avec, en plus, la présence de sable dans l'atmosphère : la fonte s'accentue, pratiquement à toutes altitudes cette fois, et les limites d'enneigement ont souvent un mois d'avance avec une pratique du ski qui devient vite partout impossible sous 1600/1800 mètres ! 

Une bonne arrière saison : 

Mais, on vous l'a dit : ce mois d'avril 2024 est étonnant. Après une première quinzaine exceptionnellement chaude, c'est une deuxième quinzaine remarquablement (sans être exceptionnelle) fraîche qui va être de mise. Pour quelle raison ? Et bien tout simplement, on va se retrouver durant près de deux semaines avec un flux de Nord tout droit dirigé sur les Alpes du Nord. Flux de Nord, qui ramène de l'air frais et humide en provenance de Scandinavie et Atlantique Nord, qui nous aura pourtant fait cruellement défaut tout au long de l'hiver... et qui donc n'arrive que maintenant. 
Sans être jamais vraiment abondant, les épisodes neigeux se succèdent en moyenne et haute-montagne et les températures ne décollent pas. Jusqu'en fin de mois on retrouve ainsi de très bon créneaux de ski, au cœur d'une couche de neige qui n'évoluent pas en journées… fait assez remarquable pour la période. 

Ainsi, l'épaisseur de neige repart à la hausse en haute-montagne. Durant le mois de mai, qui s'avèrera très humide, peu ensoleillé et sous des températures de saison (voire même un peu "frais" par endroits) : ce manteau neigeux à haute-altitude ne fond pas et l'on se retrouve alors mi-mai avec un enneigement particulièrement important pour la période au-dessus de 2600/2800 mètres comme le deuxième graphique ci-dessous en témoigne. 

Déneigement du Refuge Robert Blanc (2750m) au sud du Massif du Mont-Blanc mi-mai, avec des hauteurs de neige remarquables.

Ajoutez des photos (2020px)

Nous sommes, déjà, début juin et les photos de déneigement de cols qui ne cessent de nous parvenir depuis plusieurs jours comme le fait de pouvoir poursuivre le ski au-dessus de 2600/3000 mètres témoignent également de ce printemps humide et aux accents parfois encore hivernaux à très haute-altitude. Il neigeait d'ailleurs le 31 mai jusqu'à 1500/1600 mètres pour l'anecdote… rien d'exceptionnel quand on jette un oeil dans le rétroviseur et qu'on voit qu'il neigeait dès 700 mètres le 1er juin 2011 avec 40 cm de neige tombés dans la journée à Courchevel à 1800 mètres d'altitude. Nous avions simplement perdu l'habitude de ces printemps humides et relativement frais. Mais, sans remonter bien loin : 2013 et 2016 étaient bien pires ! 

Les Ecrins mi-avril 2024 : il est encore largement possible de chausser sous 2000m à ce moment de la saison.

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Au final une saison (encore) très hétérogène, souvent difficile en basse-montagne :

Alors globalement il était comment cet hiver ? Déjà, quel hiver ? Beaucoup d'entre vous ont eu, à juste titre, l'impression de traverser une alternance constante d'un interminable automne, avec des incursions printanières, entre fin-octobre et fin-mai. Clairement, ce ressenti est validé par les données. 
Cette saison 2023/2024 aura été particulièrement humide, avec des records de précipitations sur 2 à 3 mois glissants fréquemment observés entre fin-octobre et le mois de janvier. Mais, réchauffement climatique oblige : ces hivers très humides, à l'image de 2019/2020 ou même 2013/2014 ne sont plus du tout favorables aux stations de basse-montagne qui préfèrent désormais observer des hivers frais mais peu humides. En effet, la pluie s'est plus souvent invitée que la neige sous 1800 mètres durant ces 6 mois et l'enneigement ne s'est jamais durablement constitué sous 1300/1500 mètres. C'est clairement LE fait marquant de cette saison. Rien d'étonnant lorsqu'on voit que par endroits l'hiver au sens strict (mois de décembre/janvier/février) fut par endroits le plus chaud jamais observé depuis le début des relevés comme on le voit sur le graphique ci-dessous du côté d'Annecy. 

A l'inverse cette saison a été plutôt favorable aux stations de haute-altitude qui ont pu faire le plein de neige, surtout en début de saison, avec même des bonnes conditions d'enneigement qui se sont maintenus jusqu'à fin-avril/début-mai. Ces stations ne paient, pour l'instant, pas encore les conséquences du réchauffement climatique. Une saison qui est d'ailleurs bien représentative, côté enneigement, de ce qui était attendu dans les projections climatiques et de ce qui nous attend de manière très fréquente dans un futur proche. Mais l'on vivra aussi des saisons encore plus douces et moins enneigées en basse/moyenne-montagne...

Alpes du Sud

Plutôt calme puis de l'agitation en début de saison :

Le blocage anticyclonique ancré sur la France a des conséquences claire sur le temps dans les Alpes du Sud jusqu'à la mi-octobre : il fait chaud pour la période avec des températures largement supérieures aux moyennes de saison. Dans ce contexte aucune chute de neige n'est à espérer sur le massif et plus globalement aucune précipitations n'est observée. 
Après deux saisons particulièrement peu enneigées, on se dit alors que la récurrence va se poursuivre et que la saison risque d'être une nouvelle fois délicate car les traditionnelles remontées humides de Méditerranée d'automne se font attendre. Mais, comme on l'a vu précédemment, le contexte météo à grande échelle va sensiblement évoluer à partir de la mi-octobre et cette fois ce changement sera favorable à la survenue de précipitations dans les Alpes. En effet, à la faveur d'un abaissement des dépressions sur le proche-Atlantique : le flux va souvent s'orienter au Sud à Sud-Ouest et sera favorable à la mise en place de nombreux épisodes précipitants sur le massif en seconde quinzaine d'octobre. 
Ainsi, au final et comme la carte ci-dessous en atteste : le mois d'octobre connaîtra un cumul de précipitations tout à fait correct sur les Alpes du Sud à l'image de celui observé sur les Alpes du Nord, le Massif-Central ou encore les Vosges et le Jura. A la vue de la masse d'air associée (et après tout nous ne sommes "que" en octobre) : le manteau neigeux ne se constitue en revanche pas hormis à très haute-altitude, mais c'est bien le signe que cette année peut-être la sécheresse ne sera pas de mise dans le coin...

La synoptique n'évolue pas sensiblement à grande échelle pour le mois de novembre, et les températures retrouvent généralement un niveau de saison durant cet avant-dernier mois de l'année. 

L'anticyclone reste en effet en retrait et les dépressions continuent de circuler à proximité du pays... mais un peu plus au Nord. Et ce petit détail va faire toute la différence puisque le flux (sens du vent en altitude) va changer de direction. Il va fréquemment s'orienter à l'Ouest voire au Nord-Ouest. Dans cet article que vous connaissez nécessairement par cœur à présent (et qui traite du type de temps qu'il faut pour enneiger chaque massif français) on sait bien que ce n'est pas le flux idéal pour enneiger les Alpes du Sud, hormis par séquence la partie la plus septentrionale du massif où des offensives neigeuses seront alors bel et bien observées par séquence. Mais globalement on reste un peu en marge des nombreuses et copieuses séquences perturbées observées ailleurs sur le pays où des inondations sont d'ores et déjà observées. Le courant d'Ouest, puis Nord à Nord-Est, adopte même une courbure majoritairement anticyclonique en seconde quinzaine de novembre et le temps s'assèche. On se retrouve alors autour du 30 novembre avec un enneigement bien maigre pour la période.
Brutale évolution pour la bascule dans le premier mois de l'hiver météorologique, à savoir le 1er décembre. Le courant pivote au Sud-Ouest, très dynamique. L'apport en humidité est important sur une très large moitié Nord du massif avec une masse d'air chargée en instabilité apportée par la Méditerrannée. Les précipitations sur 48h sont remarquables, parfois exceptionnelles notamment sur les Hautes-Alpes avec des pointes à 200 mm sur les Ecrins où l'ascendance orographique est à son paroxysme comme la carte ci-dessous en témoigne. Ces fortes précipitations, associées à une limite pluie-neige relativement élevée pour la période, entraîne d'importantes réactions des cours d'eaux provoquant des dégâts dans les vallées. A haute-altitude l'enneigement s'accroit et devient notable autour des Ecrins qui ont bénéficié du flux d'Ouest de novembre puis du flux de Sud-Ouest de ce début décembre. Notons que les Alpes-Maritimes restent, à ce moment-là, un peu en marge du "gros temps".

La situation météorologique reste assez bonne jusqu'à la mi-décembre avec une succession de flux de Sud-Ouest à l'avant des systèmes dépressionnaires (chutes de neige à la clef, modérées, sur une bonne partie du massif en moyenne et haute-montagne) puis de flux de Nord à Nord-Ouest ramenant un peu de fraîcheur, sous un temps généralement sec, permettant le maintien de la couche de neige tombée durant les dernières semaines. 
A quelques jours du début des vacances de fin d'année la situation n'est donc pas trop mal … hormis à basse-altitude où, comme un peu partout, la pluie aura été largement majoritaire par rapport aux épisodes neigeux.

Douceur et manque de neige en cœur de saison (mi-décembre à fin-février) :

Mais, comme toujours, rien n'est acquis et les espoirs de pré-saison ne vont pas être convertis en cœur de saison. 

Les hautes-pressions (champ de pressions grimpant parfois jusqu'à 1040 hectopascals!) font leur retour sur le pays, notamment la partie Sud, autour du 17 décembre et s'installent. Elles sont associées à des températures élevées en altitude, tandis que les inversions de températures sont de mise dans les vallées. Dans ce contexte, vous en avez l'habitude si vous êtes de fidèles lecteurs de nos articles tout au long de la saison : le manteau neigeux évolue peu à cette période de l'année en versants Nord, mais subit une fonte en pentes Sud avec des limites d'enneigement qui remontent progressivement. 

Le courant de Nord-Ouest garde une courbure anticyclonique pour la fin du mois de décembre et le tout début du mois de janvier avec à la clef les mêmes conséquences sur le manteau neigeux. 

Il faudra attendre le 5-6 janvier pour voir les précipitations faire leur retour sur le massif, améliorant nécessairement un peu les conditions d'enneigement... de manière généralisée puisqu'un petit retour d'Est prend également place (touchant alors le Mercantour et le Queyras, parfois épargnés par les autres type de flux) à la suite de cette descente d'air humide et froid. On assiste alors, jusqu'à mi-janvier, à la période la plus froid de la saison. Elle prendra fin avec un épisode de neige de redoux vers le 17 janvier. Fin-janvier, on est alors plutôt pas mal avec un enneigement relativement correct et du temps sec et ensoleillé à la clef à la faveur d'une nouvelle poussée anticyclonique. Mais la douceur est telle que c'est déjà le printemps et les conditions d'enneigement se dégradent très rapidement pour la période (tant en terme de quantité que de qualité) au début du mois de février même si la neige reste présent en bonne épaisseur vers les Ecrins grâce aux perturbations d'automne/début d'hiver. 

Petite faiblesse de l'anticyclone autour du 8-12 février. Le retour de la neige, toujours en quantités très limitées en basse-montagne, fait alors du bien alors que démarrent les vacances scolaires. Mais cela n'est qu'éphémère. Temps sec et douceur s'installent alors à nouveau jusqu'au 21-22 février environ. 

On rappelle d'ailleurs, et les Alpes du Sud n'y ont pas échappé, que c'est l'ensemble de l'hiver (mois de décembre, janvier et février) qui a été exceptionnellement doux sur le pays. La réanalyse de la température à l'air libre (c'est à dire sans l'influence des inversions de températures etc...) témoigne d'ailleurs de l'hiver le plus doux en altitude depuis le début des relevés dans l'hexagone comme la carte ci-dessous en témoigne.

Mais fin février qui rythme parfois avec installation du printemps et dégradation des conditions d'enneigement en montagne, surtout les années précédentes, va cette fois être synonyme de relance claire de la saison dans ce massif !

Une excellente arrière saison (mars-avril) : 

En effet, le contexte météorologique va évoluer de manière sensible et durable autour du 22-23 février. On va voir les hautes-pressions (anticyclone) s'effacer. Les systèmes dépressionnaires vont, durant plusieurs semaines défiler :

- entre les îles-britanniques et le proche-Atantique voire le centre de la France, pilotant à l'avant un flux de Sud-Ouest chargé en humidité.
- mais également autour du bassin méditerranéen occidental, entraînant des flux de Sud voire des retour d'Est parfois actifs.
Bref, tous les ingrédients nécessaires à la survenue de fréquents épisodes perturbés, sur l'ensemble du massif, sont réunis entre fin février et début mars. L'enneigement devient alors partout très bon pour le 10 mars et les vacances scolaires se terminent ainsi sous de très bonnes conditions de neige alors que c'est parfois bien compliqués dans d'autres nombreux massifs français. 

Le courant perturbé marque une petite pause en coeur de mois de mars. Le printemps s'installe en basse-montagne, la neige fond très progressivement en moyenne-montagne mais reste présente en quantités très importantes en haute-montagne. La couche de neige devient même remarquablement épaisse à haute-altitude fin-mars/début avril alors qu'un dynamique courant de Sud perturbé fait son retour, et vient apporter de nouveaux épisodes neigeux tandis que les Alpes du Nord, par exemple, subissent elles douceur et effet de foehn de l'autre côté des Ecrins. 

Les deux cartes ci-dessous témoignent d'ailleurs, sur l'ensemble du mois de mars, bien de cela à savoir :
- une douceur un peu moins marquée que partout ailleurs dans les Alpes du Sud.
- un cumul de précipitations bien plus important ici que dans les Alpes du Nord. 
A la clef, le différentiel d'enneigement début avril et à la faveur de ces Alpes du Sud… une "anomalie" relative (mais qui peut arriver selon le type de temps observé) de la climatologie classique des massifs français.

Mais, comme partout ailleurs, les Alpes du Sud n'échappent aux incroyables coups de chalumeaux (deux consécutifs) observés début avril avec la remontée de cette masse d'air d'origine saharienne (accompagnée, en plus, de sable dans l'atmosphère) mettant à mal le manteau neigeux. La saison prend alors fin en moyenne-montagne tandis qu'elle se poursuit aisément en haute-montagne tant il y avait de marge pour attaquer ce mois d'avril à la première quinzaine digne d'une fin-mai/début-juin.

Et cette sous-couche présente en altitude sera la bienvenue puisque la fraîcheur va, comme partout ailleurs là-aussi, faire son retour pour la deuxième quinzaine du mois d'avril. Cela est lié à une descente des masses d'air d'origine polaire sur la façade occidentale de l'Europe. Par moments, le flux pivote au Nord-Nord-Ouest dynamique (avec à la clef de petites chutes de neige sur la partie la plus septentrionale du massif) et, parfois, à l'Est-Nord-Est lorsque les basses-pressions viennent se caler entre Sardaigne et Nord de l'Italie... entraînant alors les ultimes retours d'Est neigeux de la saison sur l'Est du Queyras et le Mercantour. 
Bref, on se retrouve alors début mai avec de très bonnes conditions d'enneigement en haute-montagne où le ski se poursuit. L'été n'étant pas pressé de s'installer cette année, l'enneigement reste remarquable en ce début juin au-dessus de 2500 mètres entre Galibier et Ecrins… parfois au plus haut depuis près d'un quart de siècle.

Au final une bonne saison ici ?

Oui, clairement. Dans ce contexte de réchauffement climatique, et comparativement aux autres massifs français voire même aux saisons précédentes, c'est plutôt une bonne saison côté enneigement sur le massif que ce cru 2023/2024.

Mais ce constat global cache évidemment des disparités :
- en terme d'altitude, évidemment : en basse-montagne (sous 1300/1500 mètres en gros), la douceur de l'hiver a empêché, à l'image de ce qui a été évoqué ailleurs, la constitution d'une couche de neige durable.
- en terme de chronologie : c'est le premier graphique ci-dessous qui va nous permettre de mettre en valeur. On voit bien que la saison ne démarre pas trop mal, avec un relatif bon enneigement autour du 10 décembre qui deviendra assez classique (avec la haute-montagne qui tire largement la moyenne vers le haut, alors que le manque de neige est flagrant sous 1500 mètres) ensuite et passera même légèrement sous les normes au 1er janvier. Enfin, on voit clairement sur ce graphique la bascule observée fin-février où les épisodes neigeux deviendront très fréquents et parfois abondants avec un très bon enneigement pour débuter le mois d'avril... et toujours observé donc en altitude en ce début juin.
- en terme de localisation : si l'enneigement a été partout bon en haute-montagne, il a clairement été excellent autour des Ecrins (Valgaudemar, Vallouise en particulier) et ce tout au long de la saison ce qui n'a pas parfois pas été le cas à l'extrême Sud du massif où la première moitié de saison fut délicate. La raison est simple : ces parties des Ecrins ont pu tirer profit de tous les types de temps observés entre fin-octobre et mi-mai (les courants d'Ouest à Nord-Ouest dynamiques, les flux de Sud-Ouest très actifs du 1er décembre puis de fin-février/mars notamment). Le deuxième graphique ci-dessous montre bien que sur cette nivose des Ecrins, à 2970 mètres (quand même...) 2023/2024 aura trusté tout du long les premières places depuis le début des relevés… et c'est encore le cas donc à ce jour début juin.

Cela en est donc terminé pour ces bilans de saison, et plus généralement de nos articles météo/neige pour cette saison.

On vous donne rendez-vous dès l'automne 2024 pour la reprise des bulletins neige… on espère le plus tôt possible ! 

Merci de votre fidélité tout au long de la saison cette année encore et à très vite.

Thomas.Blanchard
Texte Thomas Blanchard
Rédacteur bulletins et infos météo/neige sur Skipass depuis quelques années déjà !

6 Commentaires

BOOZ Top bilan. Et belle Grande Casse vue de sous le Grand Bec ;)
BOOZ Nan mais là c'est triché je connais bien.
Je suis une bille au jeu des sommets en vrai 😅
letapir1997 J'suis quand même bien impressionné parce qu'on la voit depuis tellement de coins. Je crois que c'était pris juste à la bascule entre le glacier de Troquairou vers Becca Motta.
Je vais me prendre à imaginer que tu as été gardien au Plan des Gouilles
BOOZ Non, j'ai fait le grand bec, et pas mal vadrouillé par là, c'est tout ;)
 

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freeryan Encore une saison avec des bulletins très complets, précis, pédagogiques, ce bilan de la saison ne déroge pas à la règle ;)
Merci Thomas pour ces rédactions que nous attendons avec assiduité ..
Et comme écrit j’espère aussi que le retour des bulletins sera dans pas si longtemps ;)
 

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