Devenir moniteur/monitrice de ski : l'avis d'un moniteur (partie 3).

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Devenir moniteur/monitrice de ski : l'avis d'un moniteur (partie 3).

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Manoushlight
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Organisation des articles.

Ayant à de nombreuse occasions entendu et lu des questions au sujet du métier de moniteur de ski, j'ai pris la décision de fournir un article très complet. Cependant vu la longueur de l'article, j'ai décidé de le découper en plusieurs parties.

1. La formation (+ international).

2. Le métier, le mode de vie (+international).

3. Mes conseils, mon parcours personnel.

Chaque partie sera détaillée et longue, mais cela devrait permettre aux personnes désirant devenir moniteur/monitrice de ski, d'être bien renseignée et de pouvoir faire un choix éclairé.

Mes conseils, mon parcours personnel.

Mon parcours.

Je vais ici décrire mon parcours individuel et il sera principalement orienté sur ma progression en ski. Je pense que j'ai suffisamment écrit concernant la formation et le métier dans les autres articles. A mes yeux, ma progression en ski est largement liée à mon expérience de moniteur et d'enseignant. Par ailleurs, j'ai un parcours particulièrement atypique, qui peut être une source d'inspiration pour certaines personnes, mais ayez conscience que ce n'est qu'un parcours parmi tant d'autres. Il ne signifie pas qu'il sera accessible à tous, ni qu'il faudrait l'imiter.

Je vais aussi tenter de préserver les organismes/sociétés auxquelles j'ai été partie prenante, j'en dirai des choses positives et négatives, mais je ne vais pas les nommer, car mon but n'est ni de faire de la pub, ni décrédibiliser ces organismes.

De 0 à moniteur de ski.

J'ai commencé le ski très très tard.

J'ai eu ma première expérience de ski un peu avant mes 30 ans. Ce fut directement un coup de foudre et j'ai présenté des facilités hors du commun (Parallèle le 1er jour, 1ere piste noire après trois jours et flèche d'argent après 3 semaines de ski). Très confiant sur mes capacités et ayant une vraie envie de continuer, j'ai eu l'envie de devenir moniteur de ski. J'ai demandé ma démission pour l'année scolaire suivante avec la ferme intention de devenir moniteur lors de l’hiver prochain.

M'étant rapidement renseigné et vu ce que j'avais achevé en 3 semaines de ski, j'étais persuadé qu'avec une saison entière, je serais bien au-delà du niveau du test technique.

Donc un peu moins d'un an après mes premières expériences, je me suis inscrit dans une préparation au test technique. Premier fait : le chemin à parcourir entre le niveau chasse neige et flèche d'argent est beaucoup plus court que celui de flèche d'argent à Test Technique. Pour faire un parallèle avec les exigences de l'eurotest ou du test technique, il est plus facile de passer de 10 secondes de trop à 1 seconde de trop, que de passer de 1 seconde de trop à la réussite.

Malgré mon évolution, j'étais encore très loin du niveau nécessaire pour espérer réussir, et, j'ai assez vite plafonné au niveau de chamois argent limite vermeil. Les entraînements ne semblaient pas vraiment m'aider : j'avais l'impression de faire du piquet toute la journée sans m'améliorer. J'ai donc décidé de quitter la formation en milieu de saison pour trouver une méthode moins coûteuse et qui me servirait plus : j'ai travaillé au club piou piou d'une ESF et j'ai demandé à pouvoir tracer sur le stade moi-même.

J'ai pratiqué différents drills, j'y reviendrai, mais ayant eu un parcours de sportif et de coach dans d'autres sports, la capacité à créer des drills pour résoudre des obstacles, m'a souvent été d'une grande aide.

Mon problème était clair : en ski libre, j'avais un niveau pas si mal comparé à la moyenne du groupe avec lequel je m’entraînais, mais une fois dans la course, ils me mettaient plusieurs secondes.

J'ai donc créé des parcours ayant pour but d'améliorer mes trajectoires, je précise cependant que je n'avais aucune idée à l'époque, de ce qu'était une bonne trajectoire. Je savais juste que je n'arrivais pas à prendre bien une double, une triple ou une banane (figure en slalom) au milieu d'un slalom. Et que juste les rater au milieu d'un slalom, me baissaient ma confiance, sans pour autant m'aider à mieux les appréhender. J'ai donc créé des parcours spéciaux pour systématiser les figures qui me posaient problème et dans les rythmes qui me mettaient en difficulté.

Ça s'est très vite avéré payant, j'ai dû gagner entre 8 sec et 10 sec en moins d'un mois. Je ne me suis pas inscrit au test technique, car je sentais que j'avais encore besoin de plus de marge, et personnellement, j'aime mieux me sentir préparé avant de tenter un test extrêmement compliqué, plutôt qu'espérer un coup de chance énorme.

La saison suivante, comme j'avais été déçu par les entraînements en France, j'ai décidé de faire un stage de course en Autriche. J'avais beaucoup drillé et compris des choses par moi-même, mais je voulais avoir l'avis de vrais pros. De fait, ce stage en Autriche m'a énormément aidé, grâce à ça, je suis revenu en confiance pour faire mon test et je l'ai réussi de très peu, mais en première manche. (il y a beaucoup de pression lorsque l'on doit réussir en 2e manche)

C'est peu de temps après que j'ai pu entrer dans la profession et j'en parlerai plus en détail dans la partie consacré à mon parcours professionnel. Concernant le ski, j'étais au sommet du monde, et je pensais que ma technique était au point. Après ma préfo et une saison en France, je suis parti en Autriche, car je me suis dit que j'y progresserais plus et me préparerais mieux pour l'Eurotest. Au final, pour des raisons professionnelles, j'ai décidé de continuer ma formation là-bas et de commencer la filière entraîneur qui est relativement différente de celle de moniteur.

En Autriche, le ski de bosses est très important durant la formation, le niveau d'exigences est très élevé, et, malgré mon test technique, j'ai appris dans la douleur que j'étais complètement nul en bosse.

Le topo était clair, j'étais assez bon en carving et virage court sur piste, mais j'étais vraiment très faible en hors-piste et bosses. J'ai réussi mes tests in extremis, mais très clairement mes notes montraient que les bosses étaient ma bête noire. J'ai fini ma saison avec la satisfaction d'avoir réussir le Landes 2 Autrichien et le d-trainer, mais en ayant identifié clairement de grosse lacunes. L'année suivante, j'ai été en Suisse, et j'ai appris à connaître le système Suisse. Si en Autriche, j'ai appris à améliorer ma méthodologie avec mes élèves tout en l'appliquant à moi-même, ma compréhension du ski s'est vraiment améliorée en Suisse.

En France et en Autriche, on m'a beaucoup parlé du haut du corps, des épaules, du regard, etc. En France on fonctionnait beaucoup avec les mouvements de flexion et extension, en Autriche, on travaillait plus sur la flexion. Même si parfois ces idées m'aidaient, voilà ce que j'ai observé à l'époque : skier me paraissait de moins en moins naturel, je pensais énormément en skiant et je perdrais le plaisir qui l'accompagne. D'autre part, je constatais que ce qu'on m'enseignait ne correspondait pas à ce que je voyais en coupe du monde et cela ne me semblait pas logique.

Le système Suisse m'a tout de suite séduit, on y parlait beaucoup des mouvements des pieds dans les chaussures, de la compréhension de l'effet du ski sur la neige et le modèle essayait d'utiliser la même logique tout au long de l'apprentissage.

Ainsi les mêmes mouvements clef sont en œuvre à un niveau coupe du monde qu'en chasse-neige.

Si j'étais loin d'avoir stagné en ski jusque-là, ma première saison en Suisse m'a fait évoluer de manière fulgurante. Je retrouvais du toucher, de l'instinct et du plaisir à skier. Mais tout faisait sens d'un point de vue technique, l'enseignement devenait donc encore plus logique. Par contre j'ai gardé dans mes outils la méthodologie Autrichienne, car c'était une dimension moins présente en Suisse.

J'ai fini ma première saison en Suisse (donc 4e au total) en étant en confort dans les champs de bosses, en hors-piste et en m'étant malgré tout bien amélioré sur piste.

L'année suivante, je n'avais plus vraiment de grosse bête noire et j'avais du plaisir à skier partout, par contre, j'ai travaillé sur la finesse des mouvements et de la compréhension. L'analyse m'a été d'une grande aide, mais j'ai aussi eu la chance de skier avec beaucoup de très bon.ne.s skieurs/skieuses, les nombreux échanges que l'on a eu m'ont fait passer un autre cap.

Aujourd'hui, ça fait 5 saisons que je suis en Suisse et le système Suisse est mon préféré. Très exigeant à la fin, mais abordable au début, très profond et malin.

Lors de mon parcours personnel, ma formation en sport m'a beaucoup aidé, en effet, j'ai une formation en préparation physique et j'ai d'assez bonnes connaissances en anatomie et biomécanique. Cela m'a souvent permis de trier dans les infos qui m'étaient donné, j'ai vécu des bonnes et mauvaises expériences avec le coaching, c'est pourquoi le prochain paragraphe y est consacré.

Un bon coaching.

Je pense qu'il est assez important d'être conscient d'une chose, le ski ne cesse d'évoluer et la théorie qui l’entoure également. Cela paraît étrange quand on ne fait pas partie de ce monde, mais il peut souvent arriver qu'un coach ou un moniteur soit à côté de la plaque. Ma formation en sport et mes connaissances sur le sujet m'ont aidé à utiliser ma propre analyse et à la relier à mes ressentis.

Ce que dit un coach, peu importe s'il dit vrai ou pas, doit vous aider à évoluer. Il se peut donc qu'il dise des choses très vraies, mais qui ne vous parlent pas ou que vous n'arrivez pas à ressentir et donc qui ne marche pas sur vous. Il se peut qu'il dise des choses pas tout à fait juste, mais qui fonctionnent sur vous, le coach est aussi un vulgarisateur technique et comme dans toutes les vulgarisations, il y a une diminution de la justesse lors du processus.

J'ai un exemple qui me parait parlant dans un autre sport : la boxe. Dans l'inter round le coach a une minute pour parler à son boxeur, celui-ci est peut-être fatigué, sonné, déprimé, etc. C'est à ce moment-là que le coach doit pouvoir dire les mots exacts qui vont permettre à son boxeur de capter un maximum. De très bons coachs, ayant une connaissance super profonde de la boxe vont parfois dire : "Fonce, ses coups ne te font pas mal !" Même si la phrase n'est pas exacte, ces coachs utilisent cette phrase, car elle parle à leur boxeur dans ce moment précis. Si cette phrase suffit à déclencher les bonnes actions pour le boxeur, le coaching est juste. Bien entendu, à tête reposée, après le match, il pourra donner des avis techniques tactiques plus précis, mais le coach doit tenir compte de la situation présente.

En ski, on jongle avec des émotions, des peurs, des capacités cognitives, un potentiel physique, etc. Un bon coach doit être capable d'adapter ses propos et son entraînement à votre état et vos capacités.

A l'inverse, certains coach sont carrément à côté de la plaque techniquement. Sans entrer dans trop de détails à ce niveau, il m'est très souvent arrivé qu'un coach me parle de mon haut du corps ou de mouvement de flexion/extension, alors que c'était soit faut, soit secondaire. De manière générale, je fais plus confiance aux coachs qui parlent de mes skis et mon bas du corps en premier lieu.

Normalement, lorsque vous êtes bien coaché vous sentez directement la différence, et votre corps comprends la théorie.

Ce qui me parait aussi important, c'est de comprendre qu'il n'y a pas de raison que les meilleurs skieurs du monde fassent totalement différemment de vous. Il m'a souvent été dit que les skieurs de coupe du monde avaient de telles capacités physiques, qu'ils ne suivaient pas les standards techniques. Ayant eu la chance de m'entraîner avec des skieurs de très haut niveau (coupe du monde y compris), je sais maintenant avec certitude, que leurs capacités physiques sont excellente, mais qu'ils sont soumis aux mêmes problèmes que les autres mortels. C'est sur leur technique et leur toucher qu'ils font la différences.

De chasse-neige à coupe du monde, il y a un continuum technique et il n'y a aucune raison d'avoir une technique à part.

Si vous voulez évoluer, regardez ce qui se fait en coupe du monde et essayez de vous inspirer de leur technique.

Quelques conseils pour la formation

Aujourd'hui, si je devais coacher quelqu'un pour le test technique, je ne commencerais absolument pas par le piquet. Je passerais du temps à travailler la finesse technique, les bosses, le hors-piste, etc. . En Piquet, je ne travaillerais que les lignes (les trajectoires). En effet, j'ai réussi mon test technique alors que ma technique était loin d'être super bonne, mais en ayant de bonnes trajectoires. Cependant, avoir une mauvaise technique fait que l'on a peu d'options en terme de lignes et je pense que cela consolide des erreurs techniques (et des erreurs de lignes) si l'on commence le slalom avant d'avoir un minimum de marge de manœuvre.

Au final, je pense que pour avoir un bon parcours, il vaut mieux chercher un environnement riche avant de se lancer dans la formation. Être entouré de bons skieurs, de personnes qui nous soutiennent dans l'apprentissage, me parait l'un des meilleurs moyens de progresser. Rusher pour passer le test technique le plus rapidement possible n'est pas toujours payant, car plus tard, on peut se retrouver face à un mur. Réussir le test technique n'est que le début. Pour ma part, je me suis habitué à certaines erreurs techniques lorsque j'ai préparé mon test technique et il m'a fallut beaucoup plus de temps de travail pour les effacer que si je ne les avais jamais commises.

Quelques mythes

- Le diplôme français n'est pas particulièrement mieux reconnu que les autres à l'étranger (il est bien considéré, mais pas bien reconnu).

- On skie avec les pieds, pas les épaules, bouger plus les pieds fixe mieux les épaules que bouger moins les épaules. (je sais que ça parait contradictoire)

- La bosse, le freestyle, la course et le freeride feront de vous des meilleur.e.s skieurs/skieuses. Si vous voulez être fort.e en slalom ne négligez pas le reste. (pareil dans l'autre sens)

- Il n'y a pas que des moniteurs heureux, j'en connais qui comptent leurs heures.

- Ce n'est ni le temps, ni les km qui font les bons skieurs. C'est l'expérience et le réajustement technique, une personne faisant des variantes de virage coupé sur 200 m obtiendra probablement plus d'expérience que quelqu'un qui fait des grands virages dérapé sur 30 km.

5 conseils avant de vous lancer.

1. N'écoutez pas les gens qui vous disent que c'est impossible, c'est extrêmement difficile, mais c'est possible pour la majorité.

2. Essayez d'avoir une expérience proche du métier avant de vous lancer à 100 %. Il est possible par exemple d'être animateur.ice.s dans un club piou piou, d'avoir une première expérience à l'étranger là où l'accès à la profession est plus simple ou même de travailler comme skiman dans un shop.

3. Écoutez vos coachs, mais n'ayez pas une confiance aveugle. Si votre coach vous donne un conseil et que ce conseil ne vous aide pas pour vous améliorer, abandonnez le conseil, il est de votre responsabilité d'apprendre à faire le tri.

4. Trouver un chemin qui vous convienne. Il n'existe pas de parcours fluide et non-accidenté, et chaque personne accède à la profession par ses propres moyens.

5. Multipliez les sources d'apprentissages. En changeant de sources d'apprentissage, vous aurez l'occasion d'apprendre de nouvelles choses et de trier ce qui marche sur vous ou pas.

Un commentaire

Matiouf "Ce que dit un coach, peu importe s'il dit vrai ou pas, doit vous aider à évoluer. Il se peut donc qu'il dise des choses très vraies, mais qui ne vous parlent pas ou que vous n'arrivez pas à ressentir et donc qui ne marche pas sur vous. Il se peut qu'il dise des choses pas tout à fait juste, mais qui fonctionnent sur vous, le coach est aussi un vulgarisateur technique et comme dans toutes les vulgarisations, il y a une diminution de la justesse lors du processus" : tout à fait.
 

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