Ambages

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Ambages

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Wyssfly
Texte :
Cet article est issu du mag communautaire skipass.com, dans lequel les membres de notre communauté peuvent partager librement leurs plus belles histoires de montagne. Publiez la votre !

 Ambages,



A la source, il y a la neige et elle. Non, à la source de la source, il y a la montagne et l'amour. Ou plutôt, l'amour de la montagne et d'elle. Oui, c'est cela, la montagne enneigée et son sourire, de ces sourires sur lesquels on peut échafauder des mondes. La montagne et elle dis-je, les reliant d'un ET liant plutôt que d'un OU exclusif. Pourtant, ce n'est pas la même histoire, ou peut-être bien que si.

Peu de permanence dans sa vie aventureuse. De ces gens qui ne croient pas l'aventure dangereuse, et craignent la routine mortelle. D'en faire un mantra expose cependant à la fuite, et il faut bien de la chance pour que quelques permanences viennent vous tenir debout. Ici se conte l'histoire de constances singulières que la passion lie entre elles, qui ont fait routes parallèles prés de trois décennies durant.


Disjonction,


Mon regard

Reste hagard,

Ce mot d'Edgar,

Le mettre au placard ?


De deux pôles d'attraction,

Seule compte la liaison.

ET plutôt que OU,

C'est là que tout se joue.


Séparer l’inséparable,

Une vision fatale,

Nous rendant incapable,

Exposant au risque létal.


Le corps et l'esprit,

Quel parti pris !

Ils sont unis

dans un unique vernis.


Physique ou mental ?

Erreur monumentale !

Explore la jonction

De ces deux dimensions.


Théorie ou pratique ?

Là, c'est le pompon !

Qu'importe l'optique,

Seule compte l'action.


Je pense, j'agis

Dit Léonard de Vinci.

Ainsi se construit

L'évolution de l’apprenti.


Je pense autrement,

J'agis différemment.

C'est dans l'alternance

Que tu avances.


Percevoir le complexe,

Voilà qui est sain.

Tu es perplexe ?

Lis donc Morin.



Lui aime la montagne. Une affinité particulière pour la montagne enneigée. Loin des massifs, il croit pouvoir s'absenter chaque samedi. C'est oublier que la générosité parentale se heurte parfois aux exigences de l’éducation nationale. La prochaine absence non justifiée vous sera notifiée ! Non justifiée ? Monsieur, il y a des priorités ! La neige me gratifie de ses textures, la glisse me nourrit, je dois absolument perfectionner mon parallèle. L'absence suivante conduira à l'exclusion de notre établissement. La générosité parentale s'adapte, ne reste plus que les vacances pour aller batifoler dans les neiges pyrénéennes. Ah ! Les neiges pyrénéennes …


Cent mots pour dire la neige,


Il n'y a pas que les Eskimos,

Qui disent la neige par cent mots !

En Pyrénées, la neige aime se transformer,

Son plaisir, c'est de changer !


Il faut recruter toute l'ANENA,

Voir peut-être, avoir télémarké l'Etna,

Pour en prendre la mesure.

Cela n'a rien d'une sinécure !


En Pyrénées Orientales,

La chose est même phénoménale !

Dés que le soleil pointe le nez,

Les faces sud prennent un air printanier.


Croûteuse, moelleuse ou poudreuse,

La dame est toujours heureuse

De mettre sous vos spatules,

La palette complète de ses particules.



A l'université, les massifs se sont rapprochés. De la ville rose, quand le vent d'Otan fait rage et que le flux de Sud foehn tout le versant français, la chaîne s'illumine, on croit pouvoir toucher la neige juste en tendant le bras par les lucarnes de l’amphithéâtre. La soirée étudiante du jeudi ne le retient pas, lui file déjà vers en bas pour, plus vite, atteindre les hauteurs. De la générosité parentale il ne s’embarrasse plus, pas plus que des remarques insistantes qui ponctuent les absences du vendredi. Il y a des priorités ! La neige appelle encore et encore. Ses skis, puis, se figeant, ses piolets et crampons. Il croit aimer déjà toutes ses formes, il les embrasse, les parcourt, vallons et cols, pentes douces et abruptes.

Cependant, une incomplétude l'assaille, la glisse est rugueuse, la glace cassante, il croit aimer, il veut dire son amour. Adoucir la relation peut-être ? Souvenir du peau à peau maternel, visage immaculé d'elle, il se chausse de cuire, étranges souliers à becs. Soucieux d'alléger l'étreinte, il trouve quelques fines lattes, à peine plus de deux doigts sous le pied, mais une belle longueur, et spatules élancées. Le peau à peau encore, les peaux sous la semelle, il faut adoucir la relation, lui dire son amour. Dans les hauts de Luchon, la combe est poudreuse et profonde. Il marche. Machado lui a soufflé :


Voyageur, le chemin

C'est les traces de tes pas

C'est tout ; voyageur,

Il n'y a pas de chemin,

Le chemin se fait en marchant

Le chemin se fait en marchant

Et quand tu regardes en arrière

Tu vois le sentier que jamais

Tu ne dois à nouveau fouler.



Vous êtes égaré en pleine profonde jeune homme ? Je ne sais pas. Où allez vous avec cet équipement préhistorique ? En haut peut-être ... Il faudra en descendre savez-vous ? Et fixer votre talon ! Mon talon ? Peut être embrasserai-je la neige à chaque courbe ? Elle saura alors comment je l'aime. Seulement la caresser, fouler ses formes. Où allez-vous chercher cela ? Oh ! Deux ingrédients suffisent : le premier est à porté de tous, le second est d'une rareté et d'un préciosité infinie. Deux ingrédients dis-je : Un peu de temps et beaucoup d'elle. De qui parlez-vous ? Ah oui, la question se pose … mais qu'importe, je suis Cyrano et vais lui dire comment je l'aime !


Dites un peu comment vous m'aimez ?


Neige : L'air est doux. Asseyons nous. Parlez, j'écoute.

Lui : Je vous aime.

Neige : Oui, parlez moi d'amour

Lui : Je t'aime.

Neige : C'est le thème. Brodez, brodez.

Lui : Je vous …

Neige : Brodez !

Lui : Je t'aime tant.

Neige : Sans doute. Et puis ?

Lui : Et puis … je serais si content si vous m'aimiez ! Dis moi Neige que tu m'aimes !

Neige : Vous m'offrez du brouet quand j’espérais des crèmes ! Dites un peu comment vous m'aimez ?

Lui : Mais ...beaucoup …

Neige : Oh ! … Délabyrintez vos sentiments !

Lui : Ton col ! Je voudrais le télémarquer !

Neige : Allons !

Lui : Je t'aime !

Neige : Encore !

Lui : Non ! Je ne t'aime pas !

Neige : C'est heureux !

Lui : Je t'adore !

Neige : Oh !

Lui : Oui … je deviens sot !

Neige : Et cela me déplaît ! Comme il me déplairait que vous devinssiez laid.

Lui : Mais …

Neige : Allez rassembler votre éloquence en fuite !

Lui : Je …

Neige : Vous m'aimez, je sais. Adieu.

Lui : Pas tout de suite ! Je vous dirai …

Neige : Que vous m'adorez ...oui je sais. Non ! Non ! Allez vous en !

Lui : Mais je ...


Cette conversation mal assurée (il faut ici préciser que l'homme avait répondu par la négative à la proposition, pourtant bien alléchante, de Cyrano :  Dis, veux tu sentir passer de mon pourpoint de buffle, dans ton pourpoint brodé, l'âme que je t'insuffle ? Peut-être ne l'avait-il pas bien comprise ?), ses réparties déplorables donc, l'engagent dans la pente dépité, il s'y débat à grand coup de conversions déséquilibrées. Le vallon s'adoucit, Neige lui laisse un peu de répit, il ose une trace directe pour fuir au plus vite cette incapacité à dire l'Amour. La chose est de courte durée, ses gestes peinent à suivre les mouvements du terrain, l’équilibre antéro-postérieur est malmené, la compression succède à la congère, lui gère sans succès, la chute est imminente, il fait un pas en avant malgré lui, la pression le contraint à la génuflexion, le miracle se produit. Bras en éventail, cherchant l'envol, corps entier emporté par le déséquilibre de sa jambe fléchie, à peine retenu par l'autre tendue, il entre dans la courbe. Instant extatique, suspendu, il croit pouvoir se relever de ce magique déséquilibre et faire un pas qui enverrait son corps de l'autre côté. C'est bien trop osé pour cette première découverte fortuite, il chute de tout son long, embrasse la neige tant aimée. Une seconde, une éternité, rêve ou réalité ? Dans l'immobilité, il se ressaisi et chantonne Zazie !


Rodéo,


T'es tombé dans le piège,

Le nez dans la neige,

En route vers le paradis,

Tu parles d'un héros,

Fauché en plein galop,

Et dire que tout le monde applaudit !


Rodéo

C'est la vie, pas le paradis

Rodéo

C'est la vie, pas le paradis



Nouvelle vie pour lui. Avec cette merveilleuse technique, il saura dire son amour de manière poétique ! Peut-être même être aimé ? Oublié à jamais le talon accroché. C'est en Télémark qu'il parcourt les montagnes enneigées. Depuis presque trois décennies, jamais rassasié, il foule Alpes, Himalaya et Pyrénées. Explorer la forte pente, hisser ses spatules à sept mille cinq cent mètres d'altitude, de novembre à mai, effleurer les cent noms de la neige, monter bien souvent au rythme du randonneur, ne pas dédaigner les remontées mécaniques lorsque la montagne s'orne de sa robe magique. Oui tout cela, car, depuis son inoubliable chute, Neige fredonne aussi les mots de Zazie et, un jour, lui a dit ceci.


Mets toi tout nu si t'es un homme,

Histoire de voir où nous en sommes !


Au début, il a cru au défit. Mais, la corniche lui a un jour rappelé qu'il faut choisir son heure, ne pas se laisser emporter. Puis la banquette de fraîche suspendue sur sa tête la ensevelit quelques longues secondes, avant d'à nouveau lui donner à voir le ciel et le soleil. Alors, il a compris, qu'il ne s'agissait en rien d'un défi. Mets toi tu nu si t'es un homme, donne toi dans ton entièreté, toute ta sincérité et ta profonde humilité, et je saurai t'aimer. Il est si surprenant de voir comme la masculinité peut pousser le mâle à interpréter. Abandonne toi à moi dans ta complétude et nous saurons où nous en sommes mon amour.


Complétude,


Dans les méandres de la vie,

Dans ses recoins, ses infimes parties,

Se nichent des variations infinies.


Trouver son équilibre,

Se sentir libre,

Avoir le corps qui vibre.


Heureux de ce que j'ai ?

Toujours investi et engagé ?

Parfois submergé ?


Je ressentais son absence,

A la recherche d'une congruence,

Elle m'honore de sa présence.



Il y a presque trois décennies, la vie lui fut si généreuse qu'elle lui offrit la génuflexion pour dire son amour à Neige ET le sourire de Reine. Ah non ! Ne vous laissez pas usurper, « Libérée, délivrée ... », non rien de cela, la chose est autrement plus féerique, poétique, magique, sublime, incommensurable, oui vraiment ! Il a cherché des réponses que seul l’éprouvé peut insensiblement esquisser, il n'a guère pu s'attacher à aucune femme parce qu’à travers toutes les autres, il continuais à la chercher, il a trouvé ces mots de Jon Kalman Stefansson et cette question, qui, de fait, supplante toutes les autres : Et maintenant que je t'ai vu sourire, que va-t-il advenir de moi ?

Mais de qui parlez-vous ? Ah oui … la question se pose …


Chamboulements,


Ai-je déjà vécu un tel chamboulement ?

Tu oses le singulier ! Choisis plutôt le pluriel !

Ah oui, je crois que tu as raison là vraiment,

Ce n'est pas un, non soyons clair, c'est une kyrielle !


Allons bon ! Et peut-on avoir des pistes ?

Chamboulements, le mot semble un peu fort …

Je crains que ce ne soit une trop longue liste,

Et que bien trop de phrases, je doive dire encore et encore.


Alors, il te faut aller à l'essentiel !

Facile à dire ! En quelques lignes, comment faire ?

Convoque, mers, montagnes et ciel !

Recrute toutes les ressources de la terre !


Ah oui, cela semble facile !

Peut-être commencer par regarder à l'intérieur ?

Voilà qu'il se détourne … Mais le choix est habile !

C'est très simple, tout ce qu'elle est tourbillonne sans cesse mon cœur !



Mais avec qui parlez-vous donc ? Ah oui … la question se pose …

C'est l'histoire de constances singulières que la passion lie entre elles, qui ont fait routes parallèles prés de trois décennies durant.

Neige, Reine, qu'importe, je lui dis sans ambages, je t'aime.

Un commentaire

Wyssfly Bonjour,
Tous mes remerciements à la rédaction.
Cette mise en lumière de mon petit texte m'honore, et votre coup de coeur touche le mien.
Eric
 

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