- Leur obsession c'est la queue. Les Américains ont résolu le problème en créant des animations. Perchés sur de hautes chaises, des étudiants ou des chômeurs ont pour seule tâche de faire passer le temps aux skieurs qui attendent leur tour aux remonte-pentes, tire-fesses ou télécabines. Dans certaines stations de sports d'hiver outre-Atlantique, un «bateleur» est également présent pour «rationaliser» le voyage vers le haut des cimes, en veillant notamment à ne jamais laisser vacante une place sur un télésiège.
Avant d'en arriver comme aux Etats-Unis à créer des files spéciales «personnes seules» (pour les rassembler sur un même télésiège), les exploitants français préfèrent accélérer la rotation du stock «skieur». La mode du flux tendu fait des ravages même dans les montagnes. A l'époque des vaches grasses, les stations de sports d'hiver pouvaient compter sur l'ouverture de nouvelles pistes pour diminuer l'attente aux remontées. Aujourd'hui, finie l'expansion. On gère l'existant. En cherchant auprès des constructeurs comment lui substituer sans trop de frais l'installation qui permettra à Courchevel, Tignes ou L'Alpe d'Huez d'appâter le chaland sur le thème: «Viens chez moi, mon débit est plus rapide.»
Le tire-fesses n'a plus la cote. Le temps est certes révolu où l'on poireautait une bonne heure devant un maigre téléski qui conduisait au sommet d'une piste redescendue en moins de cinq minutes. Les Pomagalski, Montagner et Gimar Montaz en ont même oublié les ancêtres, le téléluge tiré par un treuil sur lequel s'asseyaient face à face une vingtaine de skieurs téméraires ou bien le fil neige appelé aussi mange-mitaine pour sa capacité à broyer les gants. Pour les fabricants de remontées mécaniques, l'histoire, la vraie, commence au milieu des années 60, début de la grande ruée vers l'or blanc. En trente ans, le nombre d'installations a été multiplié par 10: passant de 400 à 4.150 pour 3.093 km, soit pour ceux qui aiment les comparaisons imagées la distance aérienne entre Paris et Le Caire. Dans ce total, c'est le téléski (3.053 installations) qui se taille la part du lion. C'est l'incontournable, le basique. Du moins c'était. Car on en revient. Aux dires des constructeurs comme des exploitants, le téléski n'a plus la cote. Et si elles en avaient les moyens, les stations le supprimeraient volontiers. Le tire-fesses est en effet un nid à problèmes. C'est la seule remontée mécanique sur laquelle le skieur ait un quelconque pouvoir, puisqu'il conserve en permanence un contact avec le sol. Alors il se casse la figure, slalome quand il ne faudrait pas slalomer, lâche la perche au mauvais moment, bloque la machine... Et les files en bas s'allongent. Pire, à une époque où il faut se contenter du champ de neige existant, il prend de la place. Il coupe les pistes et présente un danger pour les skieurs qui descendent. Le seul intérêt du tire-fesses sur ses concurrents serait de pouvoir faire des coudes. Avantage bien maigre au regard de ses inconvénients. Ce n'est pas faute pourtant d'avoir essayé de s'adapter. Au fil des années, le téléski a beaucoup progressé. Les Français sont fiers de leur tire-fesses débrayable qu'ils opposent à la lenteur du téléski à enrouleur, spécialité de leurs voisins européens, qui avance à la vitesse d'une limace. «Le nôtre peut absorber jusqu'à 900 skieurs par heure», dit-on au Syndicat national des téléphériques et téléskis de France. Avant d'annoncer la facture, grassouillette: 2 millions de francs pour une installation de 200 mètres de dénivelé. 3.000 skieurs à l'heure. Du haut de sa superbe et d'un surplomb qui peut parfois dépasser les 15 mètres, le télésiège qui, lui, reste en vogue, regarde ces chiffres avec un mépris teinté d'ironie. Son prix peut grimper jusqu'à 20 millions de francs selon la taille. Mais dans tous les cas de figure, son débit est supérieur. Les stations comme Avoriaz vantent leur 3.000 personnes à l'heure. Un record encore inégalé. Comparé aux 600 à 700 personnes à l'heure des années 60, le progrès est effectivement significatif. Mais la comparaison s'arrête là. Même si ça n'est pas évident aux yeux d'un skieur non averti, le télésiège d'aujourd'hui n'a plus qu'un lointain rapport avec celui des débuts. D'abord sa capacité. On est passé du télésiège une place, puis deux, puis trois, puis quatre et maintenant six. Sa flexibilité ensuite. Le télésiège fixe tend progressivement à céder la place au télésiège débrayable. Le premier - qui existe encore largement - se reconnaît à sa capacité à broyer les tibias au moment de l'embarquement. Car si on le freine pour permettre aux skieurs de s'installer confortablement, c'est toute la ligne qui est freinée et le débit ralenti. Avec leur tapis roulant, certaines stations ont tenté d'améliorer les choses. Mais les classes de neige, avec leurs lots de bambins en quête de flocon, ne sont pas satisfaites. Les télésièges débrayent. Le débrayable est de loin la solution la plus avantageuse. A l'arrivée dans les gares, la pince du siège débraye du câble donnant ainsi au skieur la possibilité de s'asseoir sur un fauteuil qui ne bouge pas ou si peu. Résultat, quand, en ligne, le premier ne peut dépasser une vitesse de croisière de 2,50 mètres seconde, le second peut atteindre les 4 mètres. «On tend aujourd'hui à modifier tous nos sièges à pinces fixes», explique Jean-Louis Léger, directeur de l'office du tourisme de L'Alpe d'Huez. Dans cette station, l'une des plus anciennes de France, on mise sur le débrayable. Ou les oeufs, plus chers, mais à plus gros débit encore. Le must en la matière est à Courchevel. Une cabine à huit places assises dont les formes, spécialement étudiées par les ingénieurs de Pomagalski, permettent de réduire la distance entre deux cabines successives et... d'augmenter le débit.
Malgré tous leurs efforts pour tenter de diminuer l'embouteillage aux remontées mécaniques, les exploitants de stations ont bien du mal à organiser la fluidité. «On a beau signaler aux skieurs qu'il existe, pour parvenir au même but, une autre remontée moins utilisée, ils se dirigent toujours vers les mêmes», déplore Jean-Louis Léger. Il faut croire que les skieurs ont leurs habitudes. A moins qu'ils ne privilégient aussi le confort de telle ou telle installation. Et de ce point de vue, on pourrait longtemps gloser sur les vertus comparées du téléski, du télésiège, des télécabines, voire du téléphérique ou du funiculaire. Inépuisable sujet de discussion dès lors que l'on skie en groupe.
voili voilou ma petite thèse sur ces géants du transport...
inscrit le 14/09/08
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