Ne dramatisons pas:
Les maires de banlieue relativisent les risques de violences urbaines
LE MONDE | 04.05.07 | 13h12 • Mis à jour le 04.05.07 | 15h17
Les maires de la banlieue parisienne estiment que le sursaut civique du premier tour limite les risques de violences dans les cités sensibles en cas de victoire de Nicolas Sarkozy dimanche 6 mai. Quelques-uns ont néanmoins prévu de mobiliser élus, travailleurs sociaux voire police municipale pour prévenir des troubles éventuels.
La situation n'est pas comparable avec la période des émeutes de 2005, assurent les élus locaux. "C'est toujours difficile de sentir le climat mais je ne crois pas à des incidents. Il peut toujours y avoir des têtes brûlées, notamment parmi les plus jeunes, mais le premier tour a montré qu'il y avait beaucoup d'attente et d'espoir", relève Manuel Valls, maire (PS) d'Evry (Essonne). L'élu a cependant demandé aux travailleurs sociaux et à la police municipale d'être "très mobilisés" dimanche soir.
"Les inscriptions massives sur les listes électorales et la participation élevée au premier tour témoignent d'une prise de conscience politique : c'est l'expression par le bulletin de vote qui est aujourd'hui privilégiée", ajoute Claude Pernès, maire (UDF) de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), président de l'Association des maires d'Ile-de-France. L'élu a tout de même prévu d'avoir "un peu de monde disponible", en cas de heurts. Cette "nouvelle conscience politique" est également mise en avant par Gilbert Roger, maire (PS) de Bondy (Seine-Saint-Denis) : "Il y a une très haute envie de changement avec l'élection mais je ne vois pas cela se traduire par un mouvement social spontané." Ce proche de Ségolène Royal a organisé une diffusion publique, sur écran géant, du débat télévisé entre les deux candidats : "J'essaie de les amener au débat politique pour leur montrer qu'il y aura aussi des moments de résistance, si Sarkozy gagne, avec les législatives et les municipales."
Si certains élus redoutaient encore voilà quelques jours des tensions possibles dans les cités de Saint-Denis, le maire (PCF), Didier Paillard, n'y croit pas : "En cas de victoire de M. Sarkozy, les gens seront assommés, mais le 22 avril, ils ont fait un geste politique en votant massivement. On a décanté le temps des révoltes. Je ne veux pas faire peur aux bourgeois."
Pierre Cardo, maire (UMP) de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), qualifie de "bonne" l'ambiance dans les quartiers. "Malgré les bruits qui courent, il n'y a rien de particulier. Personne n'a intérêt à ce que ça déborde, ni la droite, ni la gauche", indique l'élu. Ce sentiment de confiance est partagé par Michel Bourgain, maire (Verts) de L'Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) qui "ne sent rien venir".
"VICTOIRE ARROGANTE"
Le maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) se veut plus prudent. "Nous avons eu des signes qui incitent à la vigilance. Les jeunes sont effectivement remontés comme des pendules contre Sarkozy", explique Jean-Pierre Brard (app. communiste). L'édile a donc activé ses réseaux pour parer à tout débordement : gardiens d'immeubles, services municipaux et médiateurs sont appelés à signaler le moindre incident. "Si Sarkozy a la victoire arrogante, il y aura une réaction automatique", s'inquiète aussi Jacques Maheas, maire (PS) de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). L'élu a renforcé la garde autour des équipements collectifs.
Pour les responsables policiers, le dispositif prévu pour la soirée électorale est typique d'un 14-Juillet ou d'une Saint-Sylvestre. "Nous aurons les mêmes moyens que ceux mobilisés au cours des grandes dates de l'année", assure-t-on au ministère de l'intérieur. Au total, 79 unités de forces mobiles seront mobilisées, dont 43 à Paris et dans la petite couronne, soit près de 8 000 CRS et gendarmes. A cela s'ajoute une disponibilité particulière réclamée à la sécurité publique : près de 12 000 policiers seront sollicités pendant la journée et la soirée.
Les responsables policiers s'efforcent de dédramatiser cette échéance, réfutant un risque d'embrasement des quartiers sensibles. Selon les renseignements généraux, aucune remontée inquiétante d'information ne le laisse présager. Deux objectifs prioritaires ont été fixés aux policiers. Le premier est l'encadrement, dans Paris, des probables rassemblements festifs - sans doute place de la Concorde ou à la Bastille. "On commence à connaître ce phénomène d'exactions commis par de petits groupes, sans parler des gens avinés", explique-t-on au ministère de l'intérieur. Le second objectif consiste à prévenir une multiplication des voitures brûlées. "Chaque jour en France, 140 voitures en moyenne sont brûlées et des policiers agressés, souligne Joaquin Masanet, du syndicat UNSA-Police (gauche). Mais je ne vois pas ce qu'il y aura de particulier le 6 mai."
Luc Bronner, Piotr Smolar et Sylvia Zappi
inscrit le 09/09/03
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