L?histoire de Tignes et de Val d?Isère (Laval de Tignes autrefois) est, à quelques détails près, la même jusqu?à la fin de la 2nde guerre mondiale.
Les deux stations étaient à leurs débuts qu?un ensemble de hameaux et la population était intégralement composée de paysans savoyards : les deux villages idéalement situés (bénéficiant d?un ensoleillement exceptionnel) exploitaient la forêt et les alpages : ils vécurent ainsi d?agro pastoralisme jusqu?au début du 20ème siècle.
Déjà, à la fin du 19ème Siècle le tourisme connaît un premier essor avec l?arrivée des premiers alpinistes notamment William Mathews qui escalade la Grande Sassière en 1860 puis le Dôme de la Sache l?année suivante. Tignes ouvre son premier hôtel en 1872, Val d?Isère n?aura le sien qu?en 1888. Toutefois ces hôtels et les autres qui suivirent furent ouverts uniquement l?été. En 1925 le premier chalet refuge accueille les randonneurs déjà nombreux dans les alpages à 2100m sur les berges du lac de Tignes.
C?est un coup de pouce de la météo qui allait lancer les deux stations dans le tourisme d?hiver : en effet durant l?hiver 1931/32 alors que Chamonix et Megève manquent cruellement de neige, il y a 90 cm de poudreuse à Tignes et Val d?Isère. Il faut dire que l?altitude élevée des deux villages y est pour beaucoup. Les premiers pionniers du ski débarquent donc dans ces deux stations et découvrent des champs de neige nombreux, étendus et remarquablement exposés. Val d?Isère et Tignes vivent leur première saison d?hiver : pour l?occasion certains hôtels ouvrent pour permettre l?hébergement des vacanciers. Charles Diebold crée dans la foulée la première école de ski à Val d?Isère.
Cependant cette activité naissante, tournée autour du ski, ne prend forme dans les deux stations qu?à partir de la saison d?hiver 1934/35 : cette année-là la première Ecole de Ski Français est créée à Tignes. Parallèlement Val d?Isère inaugure son tout premier Syndicat d?Initiative et son premier magasin de sport.
La saison suivante (1935/36) alors que Tignes ouvre à son tour son Syndicat d?Initiative, Charles Diebold et Emile Allais créent à Val d?Isère leur Ecole de Ski Français.
En février 1936 Val d?Isère met en service son premier téléski sur Solaise : le Rogoney.
Devant le succès rencontré par celui-ci, Tignes aura le sien le mois suivant : ce sera le Rhonas : à l?époque ce téléski d?une longueur de 600m et d?un dénivelé de 70m est le plus long téléski jamais réalisé !
Parallèlement les villages de Tignes et Val d?Isère se développent : outre les chalets de particuliers, sont construits de nouveaux hôtels et de nouveaux commerces pour répondre à la clientèle grandissante.
Durant l?hiver 1936/37 le conseil municipal de Tignes vote le projet de construction du téléphérique de l?Aiguille Percée. A la même période à Val d?Isère le docteur Frédéric Pétri met en place le tout premier centre médical.
Cette même année le 10 juillet 1937 la route du col de l?Iseran (2770m) reliant les vallées de la Tarentaise et de la Maurienne est officiellement ouverte par le Président de la République de l'époque Albert Lebrun.
Cet été là on skie pour la première fois sur le glacier du Pissailas! Cette route ouvrit la vallée et créa durant l?été un courant de circulation entre Bourg Saint-Maurice et l?Italie. Val d?Isère alors plus enclavée que Tignes allait profiter de cette route pour faciliter son accessibilité et stimuler son expansion.
Et dès l'hiver 1937/38, Jacques Mouflier crée la Société des Téléphériques de Val d?Isère (STVI) : cette société privée de remontées mécaniques projette d?emblée la construction du premier téléphérique de la station : celui de Solaise.
Cette même année, pour faciliter l?accès à Val d?Isère depuis Tignes, de gros travaux sont mis en ?uvre afin de réduire les risques de chutes de pierres et de glace sur la route menant à la station : le premier tunnel est creusé.
Mais la guerre stoppe net le développement des stations.
Seule Val d?Isère poursuit malgré tout l?aventure : grâce à l?acharnement de quelques passionnés tels Charles Diebold et Jacques Mouflier soutenus par le maire de l?époque Nicolas Bazile, alors même que Val d?Isère figure sur la liste des sites interdits aux skieurs, débutent en 1940 les premiers travaux d?aménagement du téléphérique de Solaise. La mise en service du dit téléphérique a lieu le 16 décembre 1942 alors que le téléphérique de l?Aiguille Percée de Tignes est toujours à l?état de projet.
Et il n?est pas près de voir le jour, ce projet ! En effet, en 1941, les habitants de Tignes prennent connaissance d?un autre projet vieux de 1929 : celui de la construction d?un gigantesque barrage de 181m de haut au sommet des gorges des Boisses qui submergerait tout le vallon de Tignes, ses habitations, ses prés, ses champs et ses cultures.
Il est à noter que la Société des Forces Motrices du Rhône d?abord, puis Electricité De France ensuite, après la nationalisation de la production hydroélectrique, hésitèrent longuement entre le verrou glaciaire des Boisses (revenant à noyer le vallon de Tignes) et le verrou glaciaire de la Daille en amont (revenant à noyer le vallon de Val d?Isère) pour construire ce barrage.
Or à la fin de la guerre, Val d?Isère devient réellement opérationnelle et est prête à accueillir des clients venus du monde entier. Les infrastructures sont là ; les paysans sont devenus hôteliers ou commerçants et le petit village s?est transformé en une station de sports d?hiver tout en gardant ses hameaux et ses traditions. Ce qui n?est pas du tout le cas de Tignes dont le développement a été stoppé net par la guerre.
Ainsi l?avance décisive en matière de sports d?hiver prise par Val d?Isère allait être déterminante dans le choix de Tignes pour la construction du barrage.
Le 10 mai 1946 un décret signé du ministre de la production industrielle tombe et statue froidement « l?utilité publique et l?urgence des travaux d?aménagement de la chute des Brévières sur l?Isère » : le chantier peut alors commencer :
Val d?Isère qui avant la guerre était bien moins connue que Tignes allait bâtir peu à peu sa notoriété internationale pendant que Tignes luttait pour sa survie : très vite les 400 habitants menacés d?expulsion tentent d?empêcher le bon déroulement des travaux : actions devant les tribunaux administratifs régionaux et le Conseil d?Etat, échange de coups de poings, sabotages des installations sur le chantier, campagnes de presse (notamment dans Paris-Match), rien n?y fait.
A Val d?Isère, pendant ce temps là, débutent le 2 avril 1951 les travaux d?un deuxième téléphérique (celui de Bellevarde) qui sera inauguré le 4 janvier 1952.
Les habitants de Tignes quant à eux, bien que déterminés jusqu?au bout à ne pas quitter les lieux et à se battre pour conserver leur patrimoine et leur mémoire, furent pourtant expulsés manu militari par les CRS de leur terre ; on exhuma leurs morts, on brûla et on dynamita leurs maisons et leur église.
Le 26 mars 1952, sur ordre préfectoral, après 7 années de lutte, le village de Tignes est noyé lentement mais sûrement par les eaux de l?Isère retenues par les 181 m de haut du barrage du Chevril.
Ironie du sort, les sept années du chantier allaient sensiblement améliorer la route menant à Bourg Saint-Maurice la rendant plus sure et praticable et c?est Val d?Isère qui allait en profiter !
Deux remarques sont à noter à propos de ce barrage : il est inauguré le 4 juillet 1953 par le Président de la République de l?époque Vincent Auriol et son tablier est recouvert d?une fresque de 18000 m² représentant Hercule signée Jean-Marie Pierret en 1989.
Désarroi et dispersion sont alors le lot de la plupart des tignards : sur les 400 habitants, seuls une centaine restera sur les terres de la commune s?installant d?abord aux Boisses.
Mais Tignes va renaître : « Tignes semper vivens » comme dit la devise.
Dès 1953 la « route de l?avenir », la nouvelle route des Boisses au lac naturel de Tignes, est ouverte.
A cette époque quelques tignards (une quinzaine tout au plus), pionniers de la glisse, s?installent alors à 2100m d?altitude au bord du lac naturel de Tignes. Ils tentent d?assurer leur avenir grâce aux recettes économiques espérées du tourisme d?hiver : le téléski du Chardonnet est construit sur les pentes de Palafour.
Mais les débuts de la station sont difficiles et les problèmes rencontrés nombreux.
Notons que Val d?Isère, à la même époque, compte déjà 2 téléphériques (ceux de Solaise et de Bellevarde) et 4 téléskis (sur Solaise).
L?architecte « moderne » Raymond Pantz conçoit en collaboration avec le ministère de l?urbanisme le projet de « station intégrée » et construit les premières résidences de l?unité touristique de Tignes : la première construction, au lac, sera le HLM « Renouveau » permettant de regrouper les expulsés de la vallée noyée. L?altitude élevée de la station, son enneigement important et les risques d?avalanches expliquent le choix initial d?un urbanisme concentré. Autour de l?unité touristique sont disposés les quartiers résidentiels moins denses : les Almes, le Crouze et le Rosset.
En 1955 la société E.S.T.(Equipement Sportif de Tignes) chargée de l'exploitation des remontées mécaniques de Tignes est créée et dès l'hiver de cette même année le télébenne des Brévières est mis en service entre les Brévières et les Boisses.
Pendant ce temps là, à Val d?Isère, le 17 décembre 1955, 55 skieurs prennent le départ du tout premier « Critérium de la Première Neige ». Cette course qui n?était à l?époque qu?une épreuve franco-française organisée par le club des sports de Val d?Isère pour conclure l?entraînement d?automne devint à partir de 1968 l?ouverture de la Coupe du Monde de ski alpin.
L?année suivante, en 1956, Raymond Pantz, toujours lui, construit le « Paquebot des Neiges », un immeuble en arc de cercle autour du lac de Tignes afin de privilégier la vue à 360°.
Le projet de station de sports d?hiver ne prend vraiment forme qu?à partir de cette année là :
de nouvelles remontées mécaniques sont construites : voient ainsi le jour la télécabine de Tovière et le téléski des Tommeuses (afin d?établir une liaison avec Val d?Isère)en 1957 puis les téléskis privés du Millonex et des Almes en 1958.
En 1960 la S.R.M.T. (Société des Remontées Mécaniques de Tignes) dont les actionnaires sont la commune de Tignes, le département de la Savoie, le Club Méditerranée et les anciens associés de l'E.S.T. remplace l'E.S.T. alors en grande difficulté au niveau financier.
Vers 1960 la station ne compte qu?une dizaine de remontées mécaniques dont la télécabine du Marais (1961), le téléski de l'Aiguille Rouge (1961), le téléski du Merle Blanc (1963), le téléski de l'Aiguille Percée (1963), le télésiège de Palafour (1964) et le téléski du Rosset (1964) mais des tignards sont revenus et ont investi dans la station en créant des commerces et des hôtels.
Notons que Val d?Isère de son côté renforce son développement sur Solaise (téléskis du 3000 et du Glacier), sur Bellevarde (téléskis des Marmottes, du Mont Blanc et du Borsat) et sur le glacier du Pissaillas (télésiège du Grand Pissaillas).
Dans les années 1960/1970 le promoteur immobilier Pierre Schnebelen débarque avec ses concepts de « station intégrée » et de « station skis aux pieds » : il crée le Lavachet (1965/1974) puis le Val Claret (1968/1969 puis 1970/1984) avec essentiellement des constructions en hauteur du fait de l?espace limité. Parallèlement, en 1967, il équipe en remontées mécaniques le glacier de la Grande Motte (télécabine de la Grande Motte, téléski du 3500) et le secteur Balme/Palet (téléskis de Balme et du Col du Palet en 1968).
Il renforce également en remontées mécaniques les liaisons avec Val d?Isère (téléski de la Combe Folle en 1967). La liaison entre les deux domaines ne sera effective qu?à partir de 1971 suite à un accord entre les sociétés des remontées mécaniques de Tignes et de Val d'Isère : le premier forfait commun Tignes/Val d'Isère voit le jour!
Toujours en 1967 la S.T.G.M. (Société des Téléphériques de la Grande Motte) remplace la S.R.M.T. à son tour en grande difficulté au niveau financier.
L'année suivante (1968) la liaison Boisses-Brévières-Lac devient une réalité : la télécabine des Boisses, le télésiège des Brévières et le téléski du Marais sont mis en service.
En 1975 Pierre Schnebelen, encore lui, compte réaliser une station sans voiture (Val Tovière) dans le vallon de Tovière sur le plateau des Tommeuses : le projet sera finalement abandonné car la construction de la route montant depuis la Daille coûtait trop cher.
Val d?Isère, n?échappe pas non plus, à cette époque au modèle de « station intégrée » : ainsi les premiers immeubles à toits plats ou inversés et à larges baies vitrées desservant des balcons bien exposés sont construits : ainsi successivement sortent de terre le Crêt (1961), le Grand Cocor (1962), l?Iseran 2000 (1963), le Plein Sud (1964) et le Portillo (1965).
Notons juste, parallèlement à toutes ces constructions, la création du Parc National de la Vanoise le 6 juillet 1963.
Suite à l?ouverture de la télécabine de la Daille en 1967, Val d?Isère a même droit à son « Paquebot des Neiges » (1968/1978) signé Jean-Claude Bernard dans le quartier de la Daille : le fonctionnalisme triomphe autour de la pratique du ski !
Les constructions s?enchaînent alors un peu partout dans la vallée mais le 10 février 1970 une avalanche détruit une partie du chalet UCPA de Val d?Isère et fait 39 morts. C?est à la suite de cette catastrophe qu?est créée en octobre 1971 l?ANENA (Association Nationale pour l?Etude de la Neige et des Avalanches).
A partir de 1972 le domaine skiable de l?Iseran au Fornet s?agrandit avec l?installation de 6 nouveaux téléskis, de 2 nouveaux télésièges (dont la plupart sur le glacier) et du téléphérique du Fornet (1973).
A partir des années 1980 l?urbanisme change et un nouveau style de construction dit « néo régional » utilisant la pierre, les lauzes et les mélèzes apparaît : ainsi sortent de terre entre autres les deux chalets UCPA à Tignes (1982/1984), les petits immeubles des quartiers de la Legettaz, des Carrats et du nouveau Fornet à Val d?Isère. Ce nouveau style visant désormais à améliorer l?urbanisme allait s?affirmer au fil du temps jusqu?à aujourd?hui : le centre de Val d?Isère est rénové (1987), la rue principale, toujours à Val d?Isère, est entièrement réaménagée (1998), la place de Tignes est repensée (1999) et la Maison d?Accueil au lac est construite (2000). Les parkings deviennent souterrains et les liaisons à skis entre les différents quartiers sont désormais assurées.
En parallèle les remontées mécaniques se modernisent : au début des années 1980 les télésièges remplacent peu à peu les téléskis devenus obsolètes : à Tignes les 3 téléskis des Tommeuses sont remplacés par 2 télésièges (1980) ; à Val d?Isère les 2 téléskis du Glacier, les 2 téléskis des Marmottes ainsi que les 2 téléskis du Mont Blanc sont successivement remplacés par un télésiège (1980 et 1981).
En 1987 Val d?Isère met en service son métro des neiges : le Funival. Tignes lui réplique en 1993 avec celui de la Grande Motte. En 1989 Val d?Isère construit son premier télésiège débrayable : le Santel Express (actuel Bellevarde Express) puis son premier télésiège débrayable à bulles en 1990 : le Solaise Express. Tignes n?aura les siens qu?en 1993 (Lanches et Vanoise).
On peut remarquer que depuis la construction du barrage Val d?Isère a toujours gardé une longueur d?avance sur Tignes et ce n?est pas prêt de changer : en effet, même si l?urbanisme s?est nettement amélioré, Tignes lourdement handicapé par ses constructions modernes qui s?intègrent mal dans le paysage ne pourra jamais rivaliser avec Val d?Isère qui restera, malgré certaines constructions hasardeuses, le charmant petit village savoyard que l?on connaît.
En matière de sports d?hiver, aux Jeux Olympiques d?Albertville (1992) Val d?Isère accueille les épreuves reines de ski alpin hommes (sauf le slalom) alors que Tignes se contente des épreuves de ski acrobatique malgré tout moins prestigieuses.
En 2002 Val d?Isère met en service son nouveau téléphérique débrayable (3S) l?Olympique pendant que Tignes sort son nouveau télésiège débrayable 8 places des Tommeuses.
Enfin, en 2004 Val d?Isère obtient l?organisation des Championnats du Monde de ski alpin de 2009. Tignes va avoir du mal à réagir?
Pourtant, à partir de 1993, Tignes et son métro des neiges permettant un accès rapide et facile à son glacier en 6 minutes pensait bien en matière de ski d?été damer le pion à Val d?Isère qui sur ce plan ne pouvait rivaliser : le réchauffement climatique et la disparition progressive des glaciers sont en train de réduire à néant tous les efforts faits par Tignes en ce domaine.
Cependant Tignes n?est évidemment pas à plaindre... Tignes et Val d?Isère ont aujourd?hui leur clientèle propre et font partie des stations les mieux équipées au monde.

-NB1 : les photos 1 à 21 sont tirées de ''Lift World''.

-NB2 : Cliquez sur les liens suivants pour voir d'autres anciennes photos des villages de Tignes et de Val d'Isère :
http://tignes.ifrance.com/histoire.htm
http://www.rolandguerre.org/Tignes_Histoire.html
http://pierre.gidon.free.fr/compare-images/tignes/index.html
http://www.sabaudia.org/v2/ville.php?arond=&id=315&let=t
http://www.sabaudia.org/v2/archivescommunales/eglises/eglise-tignes.php
http://www.sabaudia.org/v2/ville.php?arond=&id=325&let=v
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