BDTV Episode 3 : Une simple machine

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BDTV Episode 3 : Une simple machine

Le téléphérique de La Grave : un avenir tout tracé ?

article La grave

BDTV est le nouveau projet vidéo de Black Diamond, une websérie de trois épisodes diffusés cet automne. Après un premier épisode qui nous a emmenés en Norvège et un deuxième dans l'Utah, ce troisième et dernier épisode est consacré au fameux téléphérique de la Grave. C'est l'occasion de revenir sur la situation là-bas, sept mois après la coupure de la RD1091 au niveau du lac du Chambon et trois mois après notre premier article sur le sujet.   

BDTV S1 - Episode 3 : Une simple machine


C’est le matin. D’épais flocons de neige mouillée s’accumulent sans bruit devant la gare de départ du téléphérique de La Grave. Juste au-dessus, l’énorme poulie jaune est silencieuse, et le léger grincement des machines est imperceptible dans cette atmosphère ouatée. Suspendues au câble, les cinq cabines du téléphérique sont immobiles ; leurs silhouettes colorées contrastent vivement avec le décor hivernal. Silencieux également, les moteurs de 400 chevaux en sous-sol attendent le top départ. Voici comment débute, depuis près de 40 ans, chaque journée d’hiver à La Grave.

Malheureusement, cette harmonie a été rompue au printemps dernier en raison de l’effondrement d’un tunnel sur l’axe routier principal qui mène à ce petit village de montagne. L’accès a brutalement été bloqué, sous la menace d’un glissement de terrain de plus grande ampleur. Si le terme mythique surgit souvent à l’évocation de La Grave, c’est qu’il est justifié. Affirmer que ce site est unique n’est pas une exagération. Tous les matins, lorsque les employés s’apprêtent à démarrer le câble, vous pouvez sentir une certaine excitation dans l’air, une ambiance à la fois paisible et euphorique. Et, au terminus d’une montée de 40 minutes sur 1750 mètres, un impressionnant domaine de ski grandeur nature accueille les riders sans une seule dameuse en vue.


Sur ces pentes vierges, la main de l’homme n’a pas posé d’artifice. Pas de personnel pour contrôler les descentes non plus. Un domaine vaste et sauvage, entièrement naturel et d’une beauté époustouflante. Chacun y skie à ses propres risques et périls, suit son propre itinéraire et sans l’autorisation de quiconque. Le téléphérique est seulement un moyen de transport - la Société des Téléphériques des Glaciers de la Meije qui le gère n’est plus responsable à partir du moment où le passager sort de la benne. La plupart des stations de ski ont remodelé et développé la montagne pour répondre aux attentes de ceux qui y skient. Mais à La Grave, c’est l’inverse : c’est la montagne qui décide. 

Le Téléphérique des Glaciers de la Meije a été construit en 1976 et conçu par Denis Creissels. Prendre le téléphérique, c’est comme visiter un musée de la culture. Les vieilles bennes, qui n’ont pas changé depuis 1976, colorent le versant de la montagne : six groupes de cinq cabines, des taches jaunes, oranges et rouges sur fond blanc. La machine en elle-même est simple, comme il y a 40 ans au moment de sa construction. “Le téléphérique peut rester tel qu’il est” affirme Régis Jouffrey, un employé passionné et dévoué de longue date au téléphérique. “Si nous l’entretenons aussi bien que jusqu’à présent, il peut durer aussi longtemps que la tour Eiffel.”


Ce téléphérique est la ressource principale de La Grave, une source vitale qui alimente le village et ses habitants pendant plusieurs mois. Il ne passe pas un jour sans qu’un employé ne travaille sur une pièce mécanique, sur une cabine ou sur le câble. L’activité et l’action sont continuelles, l’entretien du téléphérique est constant. La majorité des quinze hommes et femmes qui constituent le personnel sont des locaux qui travaillent au téléphérique depuis une quinzaine ou une trentaine d’années. Pour eux, le téléphérique est comme une entreprise familiale ; ils prennent soin de cette machine comme s’il s’agissait de leur progéniture.

“L’équipe connait la machine de l’intérieur. Ça fait 30 ans que la plupart d’entre eux travaillent ici et qu’ils écoutent chacune de ses respirations” précise David Le Guen, le directeur commercial du téléphérique. “Ils connaissent ses petits bruits, ses mouvements, et repèrent immédiatement si quelque chose est anormal. Nous apprenons et évoluons avec notre téléphérique. Il est notre bébé.”



Du sommet du téléphérique, on repère facilement La Grave tout en bas. Ce village du 12ème siècle est resté un bourg paisible — pas de discothèque, et des enseignes lumineuses rares et espacées. Comme dans chaque petit village de France, des cafés, des restaurants et des bars agrémentent ses ruelles, mais il ne s’est en aucun cas adapté aux touristes. Il mène sa propre existence, et si vous venez à lui en tant que visiteur, essentiellement pour prendre le téléphérique et pour profiter du ski, il faudra vous adapter.

Cependant, ces derniers temps, une ombre plane sur le petit village. Depuis le 10 avril de cette année, La Grave est confrontée à une série de problèmes. D’une manière inopinée, l’accès au village a brutalement été coupé lorsque l’unique route départementale venant de Grenoble a été fermée à la circulation. En raison d’un éboulement important survenu sur le tunnel du Chambon situé au-dessus du barrage du même nom, et sous la menace d’un glissement de terrain de plus grande ampleur, personne ne sait lorsque la RD 1091 sera ouverte de nouveau. Le village étant accessible uniquement par la route de Briançon, La Grave s’est transformé en impasse, privée d’un accès routier vital et isolée du reste du monde.


La situation est catastrophique. Nombreux sont ceux qui travaillent de l’autre côté de la route fermée, et les élèves ne peuvent pas se rendre à leur collège. En raison des risques d’éboulement, les navettes lacustres mises en place sur le barrage ne peuvent pas toujours circuler, et un hélicoptère prend temporairement le relais pour le transfert de personnes, sous réserve des conditions météorologiques. La seule autre option est un sentier de montagne raide qui permet de passer à pied par-dessus le flanc de la montagne en une quarantaine de minutes. À La Grave, les commerces doivent faire face à de lourdes pertes économiques. Le Premier Ministre Manuel Valls s’est finalement rendu sur place en juillet pour affirmer son soutien aux habitants en plein désarroi et l’état de catastrophe naturelle a été déclaré. Il a été envisagé de creuser un nouveau tunnel routier, plus profondément dans la montagne, où le rocher est plus stable, avec une ouverture prévue d’ici deux ans [NDLR : avec ouverture provisoire/partielle prévue pour décembre 2016, définitive pour décembre 2017, ce tunnel partira du milieu du grand tunnel du Chambon pour rejoindre le petit tunnel du Chambon].


Pour l’heure, une route de secours, qui doit ouvrir courant novembre, est en cours de construction sur la rive opposée du lac du Chambon. Mais les pentes y sont abruptes et avalancheuses. Il subsiste de nombreuses questions quant à l’utilisation de la route à l’approche de l’hiver [NDLR : à ce jour on attend encore une date d'ouverture et les modalités de circulation, et son ouverture l'hiver sera surement dépendante d'un déclenchement PIDA par hélicoptère]. Pour l’activité touristique liée au ski, qui est essentielle à La Grave, et donc pour les accès depuis Grenoble, Lyon et au-delà, cette route doit permettre de circuler de manière fluide et facile, ce qui est loin d'être gagné.

Ouverture de l'éperon rocheux et recalibrage de la piste de secours, images CG38 

En outre, dans moins de deux ans, la concession du téléphérique arrive à son terme. Avec toutes les difficultés d’accès actuelles, la question complexe du contrat de concession est passée au second plan. De fait, personne ne sait qui reprendra le flambeau et de quoi l’avenir sera fait. Et personne ne peut affirmer quand, ni même si, la situation redeviendra normale à La Grave.

Quel que soit le devenir de la route ou de la concession du téléphérique, les deux prochains hivers à La Grave devraient nous faire revenir aux jours heureux du début des années 1990, à l’époque où les pentes n’étaient pas immédiatement ravagées par les traces après la moindre chute de neige. Un hiver pour les skieurs authentiques et passionnés, désireux d’emprunter un itinéraire plus long pour accéder à l’un des domaines skiables les plus magiques de la planète. Cela en vaut sûrement le détour et tout skieur enthousiaste est le bienvenu pour aider à la survie de la communauté.


Ainsi, tout espoir n’est pas perdu pour les habitants de La Grave et pour les skieurs qui ont fait l’expérience de son esprit unique. La Grave - nous le pensons - gardera son identité longtemps après la réouverture de la route et le règlement des problèmes de concession. Dans un monde idéal, le téléphérique restera immobile seulement dans le calme du petit matin, et continuera de servir les mordus de ski pour qui il est un ticket pour le septième ciel. Pourtant, un vent d’espoir ne suffira pas et il faudra des efforts importants, une part de chance et surtout un repreneur - une personne ou une société -, quelqu’un qui soit conscient de l’importance de préserver ce bijou rare et précieux qu’est La Grave.

4 Commentaires

Daddy RAXOR Selon moi, la meilleure façon de sauver ce village, c'est bien de le faire vivre ! Donc que tous ceux qui veulent sauver ce coin montent les pneus neige, les chaines et viennent passer leur vacances de ski !
Vous connaissez le free-ride : rammenez votre meute !
Vous ne connaissez pas : les rouges sont là !
Vous ne skiez pas : Le rouge est là (pour vous tenir chaud) !
 

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le roy "un impressionnant domaine de ski grandeur nature accueille les riders sans une seule dameuse en vue"...

C'est pas complètement vrai, il y en a une ;) et on est d'ailleurs plutôt contents qu'elle soit là !
 

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