BDTV Episode 2 : Le nivologue

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BDTV Episode 2 : Le nivologue

Drew Hardesty est nivologue pour le Centre de Prévision des Risques d'Avalanche de l'Utah

article Black diamond

BDTV est le nouveau projet vidéo de Black Diamond, une websérie de trois épisodes diffusés cet automne. Le premier épisode suivait Henrik Westling dans son défi de skier les 178 sommets du massif du Sylarna. Ce deuxième épisode part à la rencontre de Drew Hardesty, nivologue pour le Centre de Prévision des Risques d'Avalanche de l'Utah. 

BDTV S1 - Episode 2 : Le nivologue


Drew Hardesty attrape ses skis à l’arrière de son pickup, son visage barbu éclairé par le plafonnier lui donnant un air de vieux sage. Le geste est rapide, efficace. On voit à ses mouvements qu’il s’agit d’une séquence répétée, devenue une habitude. Il vérifie : les skis, les bâtons, le sac. Drew jette un coup d’œil au parking qui se remplit déjà de voitures, à cette heure qui précède le lever du jour, et se dirige vers le départ du sentier. Clic, clac, il chausse ses skis.

La musique rythmée et feutrée de ses skis sur la neige s’interrompt régulièrement lorsque Drew s’arrête pour inspecter le manteau neigeux. Sa voix mélodieuse se fait basse tandis qu’il réfléchit à ses observations, son timbre tranquille s’accordant parfaitement à l’ambiance matinale. D’un geste de la main, il montre la montagne, contemplant ce qu’il s’apprête à trouver plus haut. Puis il repart. Quand on regarde Drew monter la pente, on imaginerait facilement qu’il se déplace sur du plat tant ses foulées sont rapides et précises. Au moment où Drew atteint le sommet de Toledo Bowl, avant que le soleil ne se soit complètement levé, il montre le Mont Superior. On voit un groupe d’héliskieurs qui s’est fait déposer là-haut, et un skieur en train de descendre la face vierge en solo.

Malgré le silence du matin, Drew n’est pas tout seul en montagne. Personne ne l’est vraiment, et la présence de ce skieur rend cette réalité encore plus tangible. En dehors des pistes balisées, nous acceptons tous un risque partagé, que ce soit consciemment ou non - Drew le sait probablement mieux que quiconque. Tandis que le skieur sur le Mont Superior poursuit sa descente, Drew ne peut savoir si celui-ci a suivi l’évolution du manteau neigeux au cours de cette saison, s’il est conscient de la présence des autres skieurs en aval et en amont, ni même s’il a allumé son DVA.

Pendant que Drew suit le skieur du regard, un large sourire fait plisser ses yeux bleus et il éclate de rire car au fond, il aime passionnément la montagne et le ski. Cette passion de Drew pour la montagne l’a incité à développer et à défendre une nouvelle éthique du ski hors-piste. Comme chaque année le nombre d’utilisateurs en terrain non balisé est en hausse sensible, le niveau du risque augmente de manière exponentielle. Et Drew sait que nous sommes au bord du gouffre. De son point de vue, il est impératif de définir un ensemble clair de règles pour l’avenir du ski hors-piste moderne. À ce titre, son mode de vie, et sa vie même, en dépendent.

La première fois que Drew a fait du ski, c’était dans le Kentucky. “J’étais étonné de ne m’être rien cassé,” se souvient-il. Les planches étaient celles que son père avait au lycée, et ce jour-là, le père et le fils s’étaient amusés à skier tractés par le cheval appartenant à la famille. “A l’époque, nous ne savions pas que cela s’appelait du ski joëring. Nous pensions que c’était seulement une bonne façon de s’amuser.”

Drew n’a pas été immédiatement séduit par le ski lors de cette première expérience dans le Kentucky. Il faudra attendre le lycée pour qu’il découvre sa passion pour la glisse et la montagne. Aujourd’hui, Drew vit au rythme du manteau neigeux, attentif dès les premières chutes de l’automne puis tout au long de l’hiver et jusqu’à la fonte des neiges. Pour le reste, il passe tous ses étés dans les montagnes du Wyoming, où il travaille en tant que Ranger au lac Jenny, au cœur du parc du Grand Teton. Chaque hiver, il retourne dans l’Utah et ses monts Wasatch pour travailler en tant que nivologue au Centre de prévisions des risques d’avalanche de l’Utah, l’un des premiers centres de ce type en Amérique du Nord. Pour Drew, qui a trouvé sa voie comme on trouve l’âme sœur, pas question d’abandonner ce mode de vie. “C’est une vie en harmonie avec la montagne qui me correspond profondément. Je ne pourrais pas imaginer vivre autrement sans être en montagne toute l’année.”

Mais son travail ne concerne pas uniquement des lignes de neige vierge et des portraits de héros. “L’erreur n’est pas permise,” insiste Drew. “Le métier que j’exerce est dangereux.” Les nivologues sortent tous les jours, quelles que soient les conditions. Drew s’est fait emporter par plusieurs coulées, comme beaucoup de professionnels des avalanches. “L’objectif est de revenir sain et sauf à la voiture et de retrouver ma famille à la fin de la journée.”


Drew habite une maison à deux étages modeste et confortable, située un peu en retrait de la rue. En entrant, les visiteurs sont immédiatement accueillis par l’immense carte de l’Alaska affichée sur le mur, une région chère à Drew car c’est là-bas qu’il a démarré sa carrière de nivologue. Par les fenêtres, on peut apercevoir les Monts Wasatch. Sur le réfrigérateur et les murs, les signes extérieurs du père de famille ne manquent pas : des photos de Drew et de son fils, Wyatt, en raft sur la Green River, des gribouillages de l’école maternelle un peu abîmés aux coins, le tract d’un match de foot. Wyatt est le fils unique de Drew. Il a 13 ans, un âge charnière.

“Je suis favorable à une éducation parentale qui permet aux enfants de se salir les mains et de s’égratigner les genoux, à une éducation par l’expérience,” affirme Drew. “J’ai emmené Wyatt à la rencontre des rivières, des déserts et des montagnes afin qu’il en tire toutes les leçons. Quelquefois, cela n’est pas immédiatement apparent. Mais le résultat peut se trouver enfoui au fond de soi.”


Avant les deux ans de Wyatt, Drew avait fixé une paire de skis Rossignol aux petites bottes de neige de son fils. Ensemble, ils se promenaient des matinées entières et glissaient doucement sur les liserés des pistes damées de la station d’Alta, à deux pas des sommets non balisés que Drew inspecte durant l’hiver. Il n’a pas épargné ses efforts ni les nombreux chocolats chauds. À présent, les préoccupations sont d’un autre ordre.

Face au nombre croissant d’usagers de la montagne en terrain non balisé, les professionnels notent une augmentation sensible du nombre d’accidents mortels et non mortels en haute montagne. “Nous ne sommes plus seuls en haute montagne.” constate Drew. “Nous partageons cette passion avec toutes les personnes qui évoluent hors des pistes balisées. La moindre erreur de l’un d’entre nous a donc des répercussions importantes sur les communautés au sens large.”

Afin de répondre à cette tendance, Drew déploie son énergie à défendre une nouvelle éthique en matière de ski hors-piste moderne. Cette nouvelle éthique repose sur trois principes fondamentaux : connaissance, sensibilisation et responsabilité. Drew soutient que les pratiquants en terrain non balisé doivent s’informer des conditions nivologiques du jour et doivent savoir comment organiser leur propre sauvetage. Ils doivent être sensibilisés à la présence d’autres groupes d’usagers, aux cordées de skieurs-alpinistes, aux skieurs en aval, aux randonneurs en raquettes dans le versant en contrebas et aux nombreux véhicules qui circulent le long de la route située directement sous cette descente. Enfin, et peut-être le plus important, les pratiquants hors-piste doivent avoir la sagesse de savoir si oui ou non ils font courir un risque à d’autres personnes.

“Si nous n’agissons pas pour infléchir la tendance à la hausse des accidents en montagne, lorsqu’un skieur déclenche une avalanche, que cette avalanche traverse une route ouverte à la circulation et qu’elle emporte un bus scolaire rempli d’enfants dans le ravin - si nous n’avons rien fait - alors que pourrons-nous dire ?”

À la fin de chaque journée ou presque passée à établir ses prévisions, Drew descend en stop de Big Cottonwood, retrouve sa voiture puis sa famille. “C’est très gratifiant pour moi de m’engager à ce point dans des actions qui, je pense, sont utiles aux communautés d’usagers de la montagne,” ajoute-t-il. Il a conscience que son travail permet seulement de fournir des informations aux usagers dont la prise de décision finale s’opère de manière émotionnelle, et non logique. Des usagers qui ont un niveau d’acceptation du risque différent du sien. Drew ne peut pas maîtriser la façon dont ils utilisent son bulletin de prévisions. Cependant, même ainsi, cela en vaut la peine.

5 Commentaires

Daddy RAXOR Je crois bien qu'on arrive à un tournant dans le film de ski, déja avec onekotan, jumbo wild... on sort de la série "carte postale" pour des thématiques plus profondes, plus humaines.
jamrek Je n'aurais pas dit mieux :)
 

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