Aomori - bain de poudreuse

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Aomori - bain de poudreuse

Seulement 10 kilomètres séparent les embruns de la mer du Japon d'Aomori Spring, l'une des stations de ski les plus maritimes de Honshu, premier stop de notre séjour à Tohoku.
article Tohoku 2023
ventoux84
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Pour ce premier jour de ski, nos mines affichent un brin d’excitation en regardant par la fenêtre les gros flocons qui tournoient dans un ciel anthracite. Guillaume n’a pas encore débuté sa saison quand j’ai péniblement effectué deux sorties sur une neige lustrée à Villard-de-Lans. Seul Jérémy en stakhanoviste du ski a déjà aéré ses planches larges sur les pentes des 3 Vallées et des Bauges à la poursuite des 14 sommets de 2 000 mètres. Nous sommes donc dans l’effervescence d’un début de saison … un 1er février.

Aomori Spring en hiver

D’Aomori Spring (prononcez Aomoli), nous n’avions vu la veille que le vaste bâtiment éclairé du Rockwood Hotel dans une nuit de tourmente. Nichée au pied du volcan Iwaki, la station, qui se résume à ce seul édifice, est située au cœur de la région japonaise du Tohoku et est véritablement loin des sentiers battus. En dehors de quelques petits stades de neige locaux, elle est la station la plus au nord de l’île principale d’Honshu. Tout l’hiver, un continuum de chutes de neige se déverse par blocage orographique sur les pentes du cratère, situées à la conjonction des entrées maritimes de la mer du Japon et des descentes d’air polaire arrivant tout droit de Sibérie. D’ailleurs, ce matin-là, il neige abondamment sous un fort vent latéral. Journée classique d’hiver à Aomori Spring.

Tomo Yasuda nous rejoint pour le petit-déjeuner. Après le rendez-vous manqué de la veille, nous sommes sagement attablés devant un café avec 30 minutes d’avance sur le rendez-vous. Il se présente comme le « Resort Operation Manager » d’Aomori. Tomo, qui est passé par Niseko et Arai Lotte, nous explique que skier fait partie de son job et il se propose de nous accompagner pour les premières descentes. Le programme est simple : quelques montées en télésiège pour se mettre en jambe mais surtout la découverte du backcountry du secteur Diamond.

Diamond Peak

La télécabine, remontée principale du petit domaine qui en compte cinq, est fermée ce matin car il y a trop de vent à son sommet. Son fonctionnement est plutôt aléatoire puisque Tomo nous indique qu’elle n’a pas ouvert lors de la précédente saison. Au départ du premier télésiège, on retrouve les gestes apprêtés de balayette effectués par les opérateurs sur les sièges pour nous garantir un fessier au sec le temps de la montée. 

Sur le trajet en musique des haut-parleurs, Tomo indique que « sa » station est la propriété d’un Coréo-Américain depuis huit ans. Elle a été rachetée à Prince Hôtels d’où la grande barre d’immeuble en front de neige typique de cette chaine hôtelière au Japon. Le patron est un fan de freestyle et les murs des couloirs du Rockwood sont d'ailleurs tapissés des stars (Kelly Sildaru, Chloé Kim, David Wise, Kelly Clark...) venues profiter du Superpipe, probablement le seul de la région. On n'est pas venu pour ça, on passe notre tour.

Le second étage de la station est accessible par un sympathique deux places où les skis touchent le sol. Une fois le secteur sous le télésiège scarifié, c’est avec les peaux ou les raquettes (Japanese style) que cela se passe. Après 45 minutes d’ascension sur un parcours balisé par des rubans roses accrochés aux arbres, nous arrivons au Diamond Peak d’où partent plusieurs bowls, de larges dépressions de forme circulaire créées naturellement par l’érosion des sols volcaniques. Le vent est violent sur la ligne de crête et quelques cassures de surface nous indiquent d’y aller précautionneusement malgré l’envie de tout lâcher. 


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L’ambiance est japonisante dans une magnifique forêt de hêtres bien espacés – les buna tree – dont les troncs se tordent et génèrent des craquements secs. La neige est dense mais porte bien, nous plongeant dans l’emblématique AOC Cipango. 15h00, la tempête s'intensifie et on se réfugie à l’hôtel pour manger un bout, se réhydrater au son des Kampai (santé!), regarder les premières images du voyage avant de finir de se réchauffer au rotenburo (onsen extérieur) de l'hôtel.

Gondola vibes

Le vent a changé de sens pour ce deuxième jour à Aomori Spring mais il souffle cependant toujours aussi fort, véritable leitmotiv du lieu. Paradoxalement, la télécabine fonctionne. Sur le parking de la station, des bus déversent de petits écoliers alignés comme pour un défilé du 14 juillet. C’est également le ballet des pelles mécaniques pour déblayer la chute de la nuit alors que les prévisions météorologiques indiquaient la veille des précipitations inexistantes. Tandis que le Pays a conservé ses pompistes et guichetiers du péage, la nivologie nippone se cherche encore un horizon professionnel tant la neige japonaise reste un mystère insondable. La météo ne veut d’ailleurs pas choisir son orientation et parfois, quelques rayons de soleil transpercent les carreaux. 

Tomo n’est pas là pour nous guider aujourd’hui mais il nous a griffonné sur un plan des pistes les secteurs intéressants à crayonner et accessibles par gravité. Les bons plans du local ! La ligne sous la télécabine est la principale attraction de notre matinée pour les trois affamés que nous sommes. Les hors-pistes de proximité sont rayés avant la pause méridienne. Le temps de se rasséréner d’un porc au curry et nous sommes repartis pour aller chercher les belles lignes vierges du secteur Diamond. 

Balcon sur la mer du Japon

Même cheminement que la veille. Nous sautons sur notre ascenseur à deux places et engageons à son terminus les premières conversions en ski de randonnée. La montée est vite avalée en tirant au plus court. Le sommet est une longue ligne de crête dentelée. Tout est skiable. Le terrain est escarpé avec de multiples ondulations qui explosent de neige jusqu'aux globes oculaires. La descente est courte, peut-être 300 mètres de dénivelé négatif, mais c'est du pur ski de poudreuse du début à la fin.

Perchés sur notre lançoir pour la dernière incursion, « Dame nature » nous accorde même une éclaircie illuminant un horizon au design typiquement asiatique avec tableau vue sur mer du Japon. Skier avec les flots en toile de fond, une sensation incroyable.

une belle journée de ski au Japon, finie bien après la fermeture vers 17h00, de retour de notre petit coin à champignons tout vierge que l'on se sera avalé d'une traite. Trois traces dans le spot, les nôtres. Ça a l'air de rien dit comme ça, mais même seulement 300 m de D- dans une forêt japonaise vierge avec la bonne pente et la bonne neige, ça crée des souvenirs.

Guillaume

Mt. Iwaki dans la brume

Au troisième jour de présence à Aomori Spring, nous n’avons toujours pas aperçu le Mont Iwaki, également appelé Tsugaru Fuji car sa forme symétrique est ressemblante au célébrissime mont Fuji.

On sait juste que sa masse conique se dresse au-dessus de nous tel un cairn. C’est notre objectif invisible du jour. Pour nous accompagner, Tomo a sollicité Kenji Nokada, guide officiel de la station et membre de la « Japan Mountain Guide Association ». Nous faisons sa connaissance dans le hall de l’hôtel.

Kenji étale une carte sur la table ; on suit son doigt sur le plan, de l’arrivée de la télécabine jusqu’au sommet à 1 625 mètres. Le dénivelé est raisonnable mais il y a une forme de désaccord entre la vue de la fenêtre et les paroles réjouissantes de notre guide. On veut toutefois y croire et cocher littéralement, cette « montagne de pierres et d'arbres » à notre tableau de réussite.

Multiples tests DVA au départ et à l’arrivée de la cabine, signature d’une décharge, messages de prévention, la rigueur sécuritaire de Kenji intrigue un peu Jérémy mais on sourit de cette discipline japonaise somme toute bienveillante.

Dès la sortie de la télécabine, nous nous enfonçons dans les contreforts de l’Iwaki. L’ambiance est cotonneuse et silencieuse. Les arbres accrochent la neige formant des accumulations sur les branches à l’image des sapins de noël artificiels. Les agents atmosphériques ont eu tout faux une nouvelle fois. Alors que la météo n’annonçait rien de neuf sur le champ des prévisions, Kenji fait la trace dans 40 centimètres de neige tandis que la tourmente continue.

Nous atteignons rapidement une clairière où Kenji réalise une coupe du manteau neigeux. Accompagnée par son bras, sa sonde avalanche s’arrête à quatre mètres de profondeur sans toucher le sol. Il transperce une fine couche de gel à un mètre 30, témoin de l'épisode de pluie du 14 janvier, évènement rare et nouveau mais « symptomatique » nous dit-il du réchauffement climatique qui n’ignore pas le Japon malgré ses hivers de rudesse et le cycle immuable des saisons. Nous voyons de notre côté le verre à moitié plein imaginant cette couche de neige neuve d’un mètre 30 à transpercer avec nos skis.

L’itinéraire grimpe à travers de magnifiques forêts de hêtres, jusqu'aux flancs inférieurs du volcan. Nous sortons de la forêt et l’inclinaison moyenne s’accentue. La neige n’a plus la souplesse du début du parcours et laisse la place à des zones soufflées et friables. Nous atteignons un pic mineur le Saihoji-mori et Kenji sonne la retraite actant de l’impossibilité de tenter le sommet dans ces conditions dantesques.

Les skis repassés en monde descente, Kenji dégaine le premier et nous fait descendre un par un au son de son sifflet d’arbitre de la sécurité. Guillaume engage sa descente le dernier, au même moment qu’une bourrasque éteint le bruit du signal sonore, et se retrouve à basculer sous une corniche. Après quelques minutes de combat avec la neige pulvérulente, il réapparait, pris d’une grosse suée, devant nos mines ébahies et soulagées. Il en sera quitte pour un téléphone à pomme - en mode avion - échappé de sa poche ouverte et logé maintenant dans des mètres de neige fraiche.

Le Shinrin-yoku ou les bienfaits d'un « bain de forêt »

Nous skions encore le fond d’un ravin sur quelques centaines de mètres avant de traverser un pont de neige pour entamer la remontée vers le sommet excentré du Diamond Peak. Les dénivelés ne sont jamais extraordinaires au Japon mais cette pente sensuelle que nous remontons attire notre convoitise. Nous demandons à Kenji de profiter de cette ambiance et d’inscrire nos skis dans ce paysage. Nous nous souviendrons longtemps de ce versant parfait finalement skié trois fois pour notre plus grand bonheur avant de rejoindre le domaine skiable. « Rien que du blanc à songer » pour paraphraser Rimbaud : un terrain vaste et immaculé, une neige fondante, une forêt ouverte et un Jérémy transformé en étrave.

Avec l'Iwaki, on était vraiment dans le backcountry loin de la station. C'était sauvage. On a fait du très bon ski. Toujours des runs de 30 à 40 minutes de peaux avec de belles lignes en forêt.

Jérémy

Gochisôsama deshita

Gochisôsama deshita peut se traduire par « merci pour le délicieux repas ! ». Les mets défilent, en effet, devant nos yeux pour ce dernier soir. Aomori se termine par un happy end savoureux et instructif. Tomo nous fait l’agréable surprise de nous convier à un repas traditionnel, un Kaiseki, qui propose successivement un nombre important de petits plats dans un ordre relativement codifié et dans une vaisselle à l’esthétisme soigné. 

L'occasion aussi de découvrir de nouveaux plats, comme le Shirako, un délice dont on vous laisse découvrir la composition.

Ajoutez des photos (2020px)

Je veux changer le regard sur le ski hors-piste au Japon car notre clientèle composée à 80 % de clients locaux ne va pas dans la poudreuse

Tomo

Le monde étant petit, Kévin Fogolin, le spécialiste américain des avalanches, dont la carrière a été mise en lumière par le film « Snowman » de Mike Douglas prend place à la table avec nous. Tomo et Kévin se sont connus à Lotte Arai, une des rares stations japonaises à avoir une vraie culture de la sécurité, entretenue par la présence de pisteurs canadiens dans ses effectifs. Kévin gère la société « Dynamic Avalanche Consulting » et accompagne Aomori dans une démarche similaire. « Je veux changer le regard sur le ski hors-piste au Japon » nous dit Tomo avec assurance car « notre clientèle composée à 80 % de clients locaux ne va pas dans la poudreuse et s’intéresse plutôt au ski démo sur des pistes larges et planes ». Et de renchérir, « je veux importer à Aomori des concepts qui fonctionnent déjà bien à Hakuba Cortina, Madarao et Geto Kogen avec les tree zones et Kévin est là pour accompagner ce changement de paradigme, développer la connaissance des risques, nous aider à sécuriser des zones… ». De ce que nous avons vu en trois jours, Aomori est le terrain parfait pour développer ses idées novatrices avec un environnement idéal. Tomo est heureux de nous partager ses desseins même s’il reconnait que « la culture japonaise est incroyablement lente à faire évoluer ». Le saké coule à flot sous le signe de la convivialité à deviser d’un grand avenir pour Aomori Spring.

Dans le prochain épisode...

Après ces quelques jours magiques, nous prenons la direction d'Hakkoda.

Si vous êtes arrivé sur cet article par hasard, ne ratez pas les 5 autres consacrés à notre périple ski dans le Tohoku.

Côté pratique

Un immense merci à Aomori Resorts Co. Ltd et à Tomo Yasuda pour l'accueil

- Aomori Spring : s'y rendre, plan des pistes, forfait journée à 6 200 Yen japonais (environ 39 euros)

- Pour dormir : Rockwood Hotel & Spa

- Pour connaitre et suivre la météo

- Pour louer une voiture, faire traduire votre permis, la connexion 4G sur place mais aussi louer un appartement sur Tokyo au retour (le bon plan si vous êtes un petit groupe), une seule adresse : l'agence française Japan Experience, spécialiste du Japon depuis 40 ans !

Les images qui bougent

Ce qui est bien avec Jeremy Prevost, c'est qu'en plus de skier, il filme. Il a aussi un oeil photographique très sûr mais on ne va pas le dire trop fort de peur de se faire remplacer s'il décide en plus de se mettre à écrire. Un athlète complet en somme. Bref, voilà sa vidéo du trip et elle est cool!


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ventoux84
Texte Maxime Petre
Cette montagne que l'on découvre...Au loin de toutes parts est presque toujours devant nos yeux
Staff
G
Photos Guillaume Lahure
fondateur de skipass.com | inventeur du slogan In Tartiflette We Trust, ce qui avouons le pose un homme | 📷 Photographe de choses neigeuses et rouillées, du Vercors au Japon et entre les deux.

3 Commentaires

malybuman De ma maison de convalescence après une opération des croisés avec une vue sur les alpes de hautes provence bien sèche, comment dire.......
merci pour ce superbe reportage. même si ça avait l'air bien trafollé ;-)
 

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le roy Je n'ai qu'une chose à dire... C'est inhumain de tout mettre en ligne d'un coup, comme ça, sans prévenir, en plein milieu d'un blocage anticyclonique !
 

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Cmh Ça fait mal de voir toute cette poudre alors que depuis 10 jours en France les pisteurs redescendent en barquettes les blessés sur neige béton 😰
 

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