Geto Kogen, aux sources du Japow

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Geto Kogen, aux sources du Japow

Les mauvaises années, il ne tombe qu'une vingtaine de mètres de neige à Geto. Une chance, cette année, les punaises marbrées, annonciatrices de neige, étaient de sortie pour notre plus grand bonheur.
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ventoux84
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Japow est l'abréviation de « Japan Powder ». C’est l’expression qui singularise les neiges Japonaises par rapport aux autres neiges du monde, celle qui célèbre une neige subtile, immaculée, profonde, picturale ! Geto Kogen est le petit secret bien gardé du Japow ! Relativement peu connue, la station affiche pour la saison 2021/2022 un cumul impressionnant de quasiment 27 mètres. Autant dire que nous étions relativement excités de voir si nous allions toucher le Graal. D’ailleurs, la légende dit que « la poudreuse de Geto ne meurt jamais, elle renaît ».

Nous quittons au petit matin la monotone Daisen qui nous a servi de ville étape. Sans surprise, il neige. Depuis notre arrivée, et en dehors de Tokyo, il n’y a pas eu un jour sans chute. Pourtant, passé un long tunnel autoroutier sur la Akita Expressway, un soleil généreux fait son apparition en forme de soulèvement du ciel. Il ne nous quittera pas de la journée.

Le parking en semaine. Le Week-end, il est plein. Vous voilà prévenus.

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L’arrivée sur Geto se fait un peu après 9h00. Un vaste parking fait face à un énorme bâtiment semi-enterré aux allures de base scientifique polaire faisant office de front de neige. Nous sommes rapidement accueillis par le patron Sadahide Sugawara, affairé avec des clients, qui nous tend nos trois forfaits en nous donnant rendez-vous le soir pour approfondir la rencontre.

Comme Ani Ski ou Aomori, Geto Kogen est une station de taille moyenne avec cinq remontées mécaniques et un dénivelé négatif raisonnable de 430 mètres. La station est située sur un courant d’air Sibérien qui vient butter sur les Monts Chokai, à l’avant du complexe, avec à la clé des vents tourbillonnants et des chutes de neige mémorables.

Voilà à quoi ressemble un "jour sans neige" à Geto... Y'a toujours moyen de bricoler...

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Cependant, nous arrivons entre deux tempêtes et avec un petit redoux qui ne nous permet pas d'exploiter le terrain à son plein potentiel. Ce mardi, c'est donc repérage tranquille et il reste de quoi faire sur les expositions protégées en partant de la crête sommitale. Outre le soleil, le ciel s’orne en plus d’un magnifique vol d’oies sauvages pendant nos pérégrinations près du sommet de l’Usagimori.

Guillaume stoppe après la pause déjeuner dans une immense cafétéria quand avec Jérémy, nous en profitons pour tester les « tree zones », des parcours variés et graduels dans la forêt accessibles par des portes et faire également un peu de cruising sur les pistes impeccablement damées pour se rappeler qu’il n’y a pas que la poudreuse dans le ski.

Ambiance backpackers au Geto Camp

Nous déambulons avec nos skis sur le dos dans les couloirs frigorifiques de la station quand Guillaume nous rejoint tel une poule ayant trouvé une cuillère « J’ai rencontré un Français à la réception ». Nous faisons ainsi la connaissance de Corentin, très vite sobriqué Coco, tout aussi étonné de croiser des compatriotes, mais ayant oublié que le Japon sortait d’une période de fermeture drastique digne de l’époque Edo.

Coco travaille pour la station et s’occupe du « Geto camp », un lieu de vie original composé de dortoirs et de capsules où nous sommes hébergés pour la nuit. Il est possible de réserver un dortoir de 4 ou 6 avec ses potes, ce qui est un très bon plan puisque cela vous reviendra dans les 50 euros / tête avec diner (simple) et petit déjeuner. Et encore moins cher dans le dortoir commun!

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Notre espace de sommeil, aux allures de camp de vacances, est partagé avec quelques punaises virevoltantes. L’inquiétude liée à la présence de ces insectes odorants est vite effacée quand Coco nous explique qu’« elles sortent quand la neige arrive ». Nous profitons du onsen extérieur avant de retrouver nos hôtes pour le repas partagé dans une vaste pièce où nous mangeons assis à même le sol.

Le dortoir m’a rappelé les colonies de vacances mais une colonie à la japonaise car c’est un bordel bien organisé. À Geto, il faut rester 10 jours et regarder les punaises qui volent pour savoir quand la neige va arriver.

Jérémy

Une vie à déneiger

L’espace salon est animé ce soir. Geto est un « melting pot » de skieurs. À côté de nous, des Taiwanais, des Australiens et quelques « anciens » qui viennent profiter du couvert avant de retourner dormir dans la promiscuité de leur voiture sur le parking. « Notre voisin de table s’appelle Sugawara Masami, il a 73 ans et vit dans une minuscule Honda Vamos tout l’hiver. Il se lave au onsen, fait chauffer ses nouilles au micro-onde et parfois prend un repas complet comme ce soir. Nous sommes très loin du 'Car Danshi' chasseur de poudre qui vit dans une camionnette à la poursuite des grosses chutes » nous explique Coco qui est content de délier son français en vantant l’histoire de ce troisième âge passionné.

Coco est un gars de l’océan, natif de Saint-Nazaire. Le Japon, il l’a d’abord découvert par procuration avec sa femme rencontrée chez les Aussies puis véritablement en venant s’installer dans la région de Kitakami dont elle est originaire. Il nous parle indifféremment de sa découverte de la neige de Geto, des étés tropicaux avec les fougères géantes et les températures brutales, de sa maison qu’il a double-isolé à contre-courant de la tendance japonaise et de son boulot annexe de déménageur de maisons abandonnées.

« La neige est une belle dinguerie au Japon » nous dit Coco. « J’habite à une dizaine de kilomètres en amont de Geto. Chez moi, nous avons normalement 30 % de neige en moins qu’à la station. La première année, où nous sommes installés, j’ai perdu sept kilos. Les collègues du boulot s'inquiétaient pour moi. Il fallait déneiger tout le temps autour de la maison et sur le toit pour qu’il ne s’affaisse pas. Celle de mon voisin, qui était abandonnée, n’était plus qu’une grosse boule blanche » explique Coco qui reconnait avoir investi rapidement dans une machine professionnelle. Le déneigement ne manque pas d'histoires risibles ici, et, d’enchainer, « un jour je suis arrivé au boulot à midi, il y avait 20 cm sur le parking. Le soir, il n’y avait que la moitié haute du pare-brise qui dépassait. J’ai dû déneiger sur dix mètres un couloir pour atteindre la porte. Ici, l’hiver tu n’as pas de vie. Ta vie, c’est déneiger ». Nous sommes hilares et perplexes à la fois en apprenant que « cette année est plutôt quelconque avec de nombreux épisodes de redoux ».

Sadahide (IdeSan pour les intimes que nous sommes vite devenus après une tournée d’Asahi) lui c’est Monsieur boss, comme tout le monde l’appelle à Geto mais « un boss cool » nous dit Coco qui voue une reconnaissance affichée à son mentor. IdeSan a 47 ans et a été semi-professionnel en ski de bosses. Aussi, quand on cite « Edgard Grospiron ou Jean-Luc Brassard », son visage s’illumine. Arrivé de Sun Alpina Sanosaka, voisine de l'internationale Happo One, il est aujourd’hui le patron d’une station publique gérée par la grande ville voisine de Kitakami. Pas de costumes trois pièces pour le PDG. IdeSan porte toujours sa veste de Ski Patrol : « ça lui permet d’aller de partout et d’être reconnu par les employés qui le respectent » défend Coco. Comme Tomo à Aomori, il fait tout et sait tout faire. « Il est le boss de tout, du onsen aux pistes qu’il skie presque tous les jours, heureux de profiter de la neige. Il fait beaucoup de choses également : des plaquettes commerciales de la station sous Photoshop aux petits travaux de menuiserie dans la cafétéria si il faut » raconte Coco rajoutant avec ironie qu’IdeSan est « doué pour tout y compris pour son vieillissement car on dirait qu’il a 30 ans ».

Dans une interview, l'ennemi c'est la déshydratation. Nous sommes cinq autour de cette table.

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Ce soir, IdeSan et Coco ont un bon de sortie pour rester au « Camp ». « J’ai l’autorisation de ma femme de dormir à la station, c’est un miracle ! Je lui ai dit que j'avais des invités très importants qui venaient de Paris » plaisante le Boss. Les canettes d’Asahi s’entrechoquent à bavarder des antagonismes du Japon contemporain, d’une société où les femmes gouvernent, du nombre de jours de congés en France et de ski, bien entendu, qui est le sérail des passions pour nous cinq.

Comme tous les Japonais, IdeSan travaille dur, très dur. Aussi quand on lui parle des dix semaines de congés dont certains profitent en France, il se met en erreur 404.

Coco

Les bons coins du boss

On ne change pas l’équipe de la veille au soir malgré la petite « barre sur le front ». IdeSan libère, avec fermeté, Coco de ses obligations professionnelles et nous sommes tous sur le pont et les skis pour aller parcourir l’envers des pentes de Geto. Le boss fait même ouvrir la télécabine plus tôt, pressé d’aller nous faire découvrir « son » domaine. Il fait une nouvelle fois grand beau mais notre guide s’engage, sur le trajet de montée, à nous faire skier de la poudre dans les zones exposées nord et préservées. Du sommet du télécabine, et après 10 minutes de poussée sur les bâtons, nous sommes effectivement sur les beaux restes de la dernière chute, dans une succession de vallons et talwegs qui se terminent sur une magnifique forêt de cèdres du Japon, permettant à IdeSan d'asseoir sa légitimité sur son territoire et à Jérémy de faire une dernière fois l’« actor studio des neiges » avant de repartir triomphalement vers la France.

Semi Onsen : futon, yukata et volupté

IdeSan souhaitait que nous gardions un souvenir impérissable de notre passage à Geto. Il nous invite donc à quitter les dortoirs ambiancés et chaleureux du « Camp » pour rejoindre pendant deux nuits, Semi Onsen, un magnifique  ryokan (auberge traditionnelle), situé une dizaine de kilomètres en amont, pour vivre une expérience authentique et typiquement japonaise. Un séjour au Japon et particulièrement au Tohoku ne peut se faire sans avoir goûté à cette atmosphère, véritable nostalgie du passé rural et décor d'estampe de Shinsai. Nous profitons ainsi des nombreuses installations de sources chaudes qui descendent des montagnes alentours ; nous arpentons les couloirs en yukata et chaussettes ; Un personnel attentionné porte des vêtements traditionnels pour nous emporter dans ce Japon secret ; nous poursuivons enfin notre apprentissage culinaire des kaiseki. Une très belle initiation à l’ikigai, l'art de vivre à la japonaise.

Cette volupté en revanche a un prix : comptez 400 euros la nuit pour 2 (avec le fabuleux repas et petit déjeuner à l'avenant). A réserver aux occasions spéciales ! 

Il est 22h00. Nous sommes encore prélassés dans le onsen extérieur (pas de photo evidemment) et partageons avec un Canadien francophone nos expériences de ski au Japon. Il vient de Ski Cape Smokey en Nouvelle-Écosse et a souhaité comme nous s'imprégner de la beauté pittoresque du Tohoku attiré par l'idée d'un voyage lent et intuitif. Le ciel est parfaitement clair mais il devrait neiger demain. Paradoxe Japonais ou les malentendus météorologiques !

Petit déjeuner de champions

oui oui, c'est bien notre petit déjeuner...

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Gentemstick Day

Les punaises avaient raison de s’exciter. Fallait-il y voir aussi un lien avec le départ de Jérémy de façon à rééquilibrer nos sorties de poudreuse ? Toujours est-il que l’authentique Japow est au rendez-vous pour ce dernier jour à Geto ! L'immense bâtiment se distingue à peine à cause de la neige qui tombe à gros flocons. Guillaume profite opportunément du centre d'essai Gentemstick, la marque emblématique d'Hokkaido est partenaire de la station, pour se saisir du swallow adapté aux conditions idoines : « un vrai setup de tempête, la planche de poudreuse ultime » commente-t-il. Coco et IdeSan sont encore de la partie, ce qui nous permet de requestionner amicalement la question des jours de congés durant la montée. IdeSan est fier de nous montrer les treezones, un concept qu’il a importé de la station de Madarao Kogen et développe pour encadrer le ski hors-piste de proximité. Geto compte aujourd’hui une dizaine de secteurs jalonnés mais nous n’aurons besoin que de la porte « Beech », une magnifique forêt de hêtres bien espacés pour déguster du terrain. Les cabines s'enchainent à satiété. La magie du Mont Chokai a opéré. On saura pour une prochaine fois au Japon qu’il vaut mieux se fier aux hétéroptères qu’aux météorologistes.

dans le prochain épisode...

Avant Geto, nous étions au paradis à Ani. Demain, nous prenons la route vers Zao Onsen

Si vous êtes tombé directement sur cet article, ne ratez pas notre dossier complet consacré aux stations de ski du Tohoku !

Coté pratique

Un immense merci à Kitanihon Resort et au Geto Kogen mountain boss Sadahide Sugawara pour l'accueil

- Geto Kogen : s'y rendreplan des pistes, forfait journée à 6 000 Yen japonais (environ 37 euros)

- Pour dormir : Geto Camp pour une ambiance 'camp de base' aux pieds des pistes ou Semi Onsen pour se plonger dans la culture japonaise

- Pour connaitre et essayer de suivre la météo 

- Pour louer une voiture, faire traduire votre permis, la connexion 4G sur place mais aussi louer un appartement sur Tokyo au retour (le bon plan si vous êtes un petit groupe), une seule adresse : l'agence française Japan Experience, spécialiste du Japon depuis 40 ans !

Les images qui bougent

Ce qui est bien avec Jeremy Prevost, c'est qu'en plus de skier, il filme. Il a aussi un oeil photographique très sûr mais on ne va pas le dire trop fort de peur de se faire remplacer s'il décide en plus de se mettre à écrire. Un athlète complet en somme. Bref, voilà sa vidéo du trip et elle est cool!


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ventoux84
Texte Maxime Petre
Cette montagne que l'on découvre...Au loin de toutes parts est presque toujours devant nos yeux
Staff
G
Photos Guillaume Lahure
fondateur de skipass.com | inventeur du slogan In Tartiflette We Trust, ce qui avouons le pose un homme | 📷 Photographe de choses neigeuses et rouillées, du Vercors au Japon et entre les deux.

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