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Interview Glen Plake

On n'interviewe pas Glen Plake. Car les histoires de Glen ne sont pas du genre à se laisser faire. Voilà donc, brut et mal taillé, un morceau de l'histoire de l'un des pionniers du freeski.

article Chamonix

On n'interviewe pas Glen Plake. Cette interview n'en est pas une, il n'y a pas de questions, pas de réponses, il y a un dialogue qui déroule ses méandres comme autant de courbes dans une pente. Car les histoires de Glen ne sont pas du genre à se laisser faire. Il faut accepter les détours, le rythme particulier de son récit fait d'accélérations et de souci du détail, il faut se laisser entrainer là où ses souvenirs nous emmènent, oublier la longueur du texte, se faire à l'idée que l'interview s'effiloche déjà sous nos yeux et qu'il est inutile de vouloir recoller les morceaux, qu'on sera en retard, forcément. 

Voilà donc, brut et mal taillé, un morceau de l'histoire de Glen Plake, 46 ans.

Il passe désormais la moitié de l'année à Chamonix, se jette dans des pentes raides, équipé d'un baudrier et de piolets, pas vraiment l'image du Glen délirant des pubs K2, en position schuss sur le toit d'une voiture. Glen a accompagné l'évolution du ski depuis le hot-dog, les films de freeride dans les années 80, jusqu'au ski d'altitude mêlé d'alpinisme qu'il pratique aujourd'hui. Quand on lui demandait, dans le célèbre film Blizzard of Aaahhhs (1988), ce qu'il aimerait devenir plus tard, le jeune Glen répondait en tonnant de rire : "moi !".


"J'ai de très bons souvenirs de K2 (l'ancien et historique sponsor de Glen, qui skie maintenant sur Elan, ndlr), nous avons grandi ensemble. J'étais fier de skier sur mes K2 fabriqués aux Etats-Unis, je connaissais l'usine et les personnes qui les fabriquaient. Quand ils sont partis en Chine, le rouge et le bleu (couleurs du drapeau américain, ndlr) ne pesaient plus le même poids sur mon épaule. J'ai eu l'opportunité de changer pour Elan. C'est une marque que j'aime parce qu'ils font des skis pour tous les skieurs, fabriqués en Slovénie dans la même usine depuis les débuts, et ce qui me manquait chez K2, je l'ai retrouvé chez Elan. Mon contrat était terminé de toute façon et ça c'est fait de façon naturelle, il n'y avait rien de prémédité. En revanche je suis resté avec Dalbello pour les chaussures, je continue à travailler avec les mêmes personnes que quand j'avais 16 ans !"

"La première fois que je suis venu à Chamonix... On va dire que j'ai eu quelques problèmes avec la police quand j'étais jeune et je suis venu à Chamonix pour tourner un film (Blizzard of Aaahhhs, ndlr) pendant trois semaines. Je connaissais la station par les affiches qu'on trouvait partout dans le monde, la femme qui vole en jupe sur ses skis (rires) et puis je savais que c'était en Europe. Après le tournage, tout le monde a fait ses bagages pour rentrer mais je ne voulais pas les suivre. J'avais 19 ans. Je me disais : je n'ai pas de boulot, je suis un clochard, j'adore skier, la police m'attend chez moi, je suis en Europe : pourquoi rentrer ? Je suis resté deux ans. J'ai finalement retrouvé mon pays parce que K2 et Raichle voulaient me sponsoriser, sinon je serai resté, je me serai enrôlé dans la Légion Etrangère pour devenir français (rires)."

  

"Le ski a changé. Il est en fait devenu ce qu'il était avant. Il est revenu à ses racines, à son idée d'origine : skier sur terrain naturel. Les photos des années 30, c'est du freeride. Certains disent que j'étais l'un des pionniers du freeride, c'est faux, j'ai juste rappelé à tout le monde ce que le ski était censé être (rires). J'adore le park&pipe, la Coupe du monde - soyons honnêtes Val Gardenia c'est extraordinaire !, l'évolution des tricks... mais pourquoi avoir besoin de changer le terrain, skions ce que nous avons sous les spatules, pas besoin d'une machine. Je n'aime pas quand on manipule la neige."

"J'ai toujours été là, ma présence est authentique, je suis un lien avec le passé tout en comprenant le présent et le futur. J'adore skier avec mes amis tout autant qu'avec un gamin de 13 ans qui a gagné par concours une journée de ski avec moi, ça ne fait pas de différence. J'ai la technique pour skier avec tout le monde. Quand je suis aux EU, je skie dans le Midwest dans des toutes petites stations et trois semaines plus tard je suis au sommet de l'aiguille du Midi. Je suis un mélange d'influences, je continue de m'inspirer de ce que je vois et avec de la chance, je peux inspirer aussi les autres, c'est le principe même d'un athlète sponsorisé. Le jeune Fabien avec qui j'ai skié aujourd'hui, il a 13 ans, et bien je crois qu'il a découvert une nouvelle façon de skier ! Skier différemment, s'imposer cette discipline, on peut tous en tirer profit."

"Aucun skieur en particulier ne m'a inspiré, en revanche ma principale source d'inspiration se trouve dans les media : magazines, livres, images. J'ai une centaine de films de ski d'avant les années 80, ils sont incroyables à voir. Cela dit, je préfère une photo, elle parle à mon cerveau, elle laisse de la place à mon imagination. Ah si, il y a bien une photo, je ne sais pas vraiment où elle a été prise ni de qui il s'agit, mais je ne peux pas oublier cette image : c'est une photo de Drag Racing, des courses de 400 m en voiture. Le pilote a un masque sur le visage, c'est de l'oxygène, le cliché a été pris juste avant le départ, il est derrière un énorme moteur. Je ne sais pas qui il est, mais il a été pour moi une inspiration ! Cette photo de dragster, j'y pensais à chaque fois qu'on allait sauter une falaise ou se lancer dans un champ de bosses, parce que ces machines de 3000 chevaux, quand on appuie sur la pédale, il va se passer des choses ! Ok, ready, explode !

"J'ai toujours été un skieur technique, c'est pour cela que je skie encore, je n'utilise pas la force. J'étais dans une école de ski tenue par un Autrichien, donc j'ai eu une éducation très technique, j'ai eu de la chance. C'était à l'ancienne, par exemple il nous faisait damer la neige du stade de slalom avec nos skis. Je voulais quitter le team, j'avais 7 ans et j'en avais marre de monter et de descendre en aplatissant la neige. J'ai demandé à mon entraîneur, Helmut, pourquoi nous devions faire ça, il m'a répondu : "because it's your job ! Préparer le tracé pour les skieurs plus âgés". Avec du recul, je comprends pourquoi : on apprenait le fonctionnement des carres, on renforçait nos jambes, c'était utile et je ne le voyais pas !"

"Le ski est devenu beaucoup plus facile pour tout le monde. Avant, seuls les bons skieurs allaient en poudreuse, maintenant tous ou presque y ont accès, et c'est important de pouvoir skier partout, sur toutes les neiges. On a été crazy sur le matériel (la course à la largeur, au déroulé de rocker...), mais je crois que ça va être moins fou dans les prochaines années. Par contre, sur le matos...Regarde les gars à Chamonix, il n'a pas neigé depuis 2 semaines, ils ont 132 mm sous le pied, ABS, Gopro... Il faudra arrêter de se décorer (rires) c'est bon pour le business mais just relax and go skiing. Oui, mois aussi j'ai de l'équipement, mais uniquement quand j'en ai besoin, pas pour la décoration."

"Skier n'est pas cher. Tu peux acheter des skis d'occasion, même à Chamonix, le forfait de 700 euros pour toute la saison n'est pas si onéreux (qu'est-ce que tu peux faire d'autre pendant une année pour ce prix ?) En revanche oui, c'est cher de s'équiper pour une journée, mais avec un peu de préparation, un forfait, du pain à manger : voila ! Je ne pense pas que le ski soit cher quand tu restes dans ton coin, dans ta montagne plutôt qu'aller dans les grandes stations industrielles. Tu peux toujours randonner aussi ! La bulle touristique attire beaucoup plus de communication, c'est certain, on en parle plus, mais la réalité du ski c'est surtout les petits clubs, enracinés dans la vie quotidienne et skier n'est pas cher si tu vis comme ça." 

"Au ski, il fait froid, c'est une activité stupide, tu peux te casser une jambe. Pourquoi je skie ? Je vole une citation : "because I love wasting time, I like doing nothing" (parce que j'aime perdre mon temps, j'aime ne rien faire). C'est Lionel Terray dans son livre Les conquérants de l'inutile. Il le dit, je le dis aussi ! Le ski n'accomplit pas grand chose, on aurait pu faire beaucoup d'autres choses aujourd'hui qu'aller skier (rires). C'est pour cela que je skie. Time is money, donc combien d'argent on a brulé aujourd'hui ? On avait beaucoup de temps !"

"Je me suis cassé le fémur, le tibia, et explosé le foie. Pour le foie, c'est mon pire accident, celui qui m'a tenu le plus longtemps loin de la neige... J'étais sur un chemin, je me suis retourné pour parler à un ami et mon bâton s'est planté dans la neige et s'est enfoncé dans mon foie. Je suis resté à l'hôpital une semaine, et je n'ai pas skié pendant 7 mois. Je pense tout le temps au fait qu'un jour je ne serai plus capable de skier. Je ne sais pas ce que je ferai, je n'ai jamais eu de plan si cela arrivait. Je n'ai jamais dessiné des plans pour le futur, j'ai suivi mes skis et voila. J'ai vu tant de gens dépasser des limites physiques, comme le guide Stéphane "Fanfan" Dan, Jean-Yves Michellod ou un copain a du se faire fixer la hanche, alors il a choisi la position du skieur, ce qui fait qu'il ne marche pas très bien mais il peut skier (rires). Je n'ai jamais dépassé mon niveau jusqu'au point d'être inconfortable. J'ai exploré les frontières en ski, j'ai gagné un sens de la réalité exacerbé, comme dans mes compétitions de ski nautique, je suis dans un moment onirique, la quantité de stimulation est énorme mais je ne veux pas être saturé ni dépassé par cela.

"Les dédicaces... quand il y a une file d'attente et un gros tas de posters à signer devant moi, j'adore chaque seconde ! Je vois la chose comme ça : quelqu'un passe un moment de sa vie pour avoir une preuve que lui et moi nous sommes rencontrés. Un autographe est une grande responsabilité, je l'ai toujours pris très au sérieux. C'est facile de sourire et d'être sympa avec les gens et puis je ne suis qu'un skieur, je ne vais pas mettre un terme à cette interview alors que nous avons déjà une heure de retard. J'ai des posters signés pour moi, quand j'étais un gamin : Killy, Bobby Burns (il a quitté K2 et fondé une compagnie appelée The Ski, il fait encore 200 paires par an à Sun Valley). Je n'essaie pas d'être un vieux ski hero, je me force à skier à un niveau qui me fasse avancer, je veux satisfaire ceux qui ont suivi ma carrière depuis longtemps, leur prouver que je peux continuer."

"Ma première paire de freeride, c'était des Yamaha, de très bons skis. On me les a donné parce que j'ai aidé un gars qui faisait des tests sur la neige. Il m'a demandé d'aller skier avec des clients et de leur parler des skis. Cela a involontairement dessiné la suite de ma carrière puisque j'ai passé le reste de ma vie à skier et à en parler, et c'est ce que je continue à faire en ce moment même. Je sais que je vais être utilisé par une marque pour qu'elle vende plus de produits, mais quelque part, quelqu'un va être inspiré par ma photo."

Je remercie Glen pour son temps, nous nous serrons la main et il poursuit l'interview avec un confrère qui ne parvient pas plus que moi à obtenir des réponses à ses questions. En fermant mon sac, je tends une oreille, Glen raconte le "premier boardercross du monde, on l'avait construit sur la route du Lavancher dans la vallée de Chamonix avec Shaun Palmer parce qu'il faisait mauvais temps. L'année suivante à Whistler ils en ont fait un et c'était parti. Je peux donc dire qu'avec Shane nous avons inventé un sport olympique en une semaine à Chamonix ! J'ai aussi inventé le spoiler pour ses fixations, Tom sims l'a fabriqué et il est devenu riche. Moi, je ne suis pas riche mais je skie tous les jours, pas lui (rires)". Je pose mon sac, je reviens m'asseoir à côté de lui et éteins mon téléphone portable. "Et puis tu sais, le ski est quand même un sport bizarre, un jour..."

Publicité K2 avec Phil Mahre, coureur de Coupe du Monde et Glen Plake. 

15 Commentaires

Blue_Skier Glen forever... Merci Skipass!

Et bien vu effectivement pour les "décorés", de Cham et d'ailleurs!
 

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amvox "Regarde les gars à Chamonix, il n'a pas neigé depuis 2 semaines, ils ont 132 mm sous le pied, ABS, Gopro... Il faudra arrêter de se décorer (rires) c'est bon pour le business mais just relax and go skiing. Oui, mois aussi j'ai de l'équipement, mais uniquement quand j'en ai besoin, pas pour la décoration."
Bien dit Glen !
J'étais à Cham il y a 3 semaines, il en est tomber 20cm ds la nuit; les gus étaient équipés comme si la Niña venait de passer !!! tout ça pour faire qq trace le long des pistes à Balme ...
Merci Glen
 

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gglapeuf un bon clin d'yeux! merci glen, ont sait un peu + d'ou ont viens, superbe photo plus haut avec la bonne thecnique de l'ancien
 

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BSQUAD184 Glen ou la passion du ski. Totalement d'accord avec lui pour Cham (et pas seulement bien sûr) ! D'ailleurs, après avoir essayé plusieurs paires de fats dans les 120 mm en patin depuis quelques années, j'ai l'impression qu'au au bout du compte, les bénéfices en terme de flottaison (quand les conditions sont bonnes) et de vitesse (quand le terrain le permet), s'effectuaient au détriment du VRAI contact avec la neige. Autrement dit, avec les gros gros guns, on sent de moins en moins le terrain...
 

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Stug mouais ... un peu déçu .. il se la pete quand meme pas mal ... pour les gros ski et les sacs abs ... d'une part tout le monde n'a pas forcement son niveau de ski, et d'autres part, meme 2 semaines apres une chute de neige, on est a l'abri de rien ...
Bref, je l'eu cru plus cool, moins "j'ai tout inventé moi y'a 20 ans" ...
 

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yopisyop Une légende ! respect Glen c'est comme les bons vins avec l’age ça se bonifie…
 

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