Kevin Rolland gagne les X Games

Ce devait être la plus belle finale de Superpipe de tous les temps...

Il est 16h dans le Colorado ce vendredi après midi et l'on se dirige avec excitation vers le Superpipe d'Aspen. Après ce que l'on a vu toute la semaine en trainings et aux qualifications, avec la présence historique de 3 français parmi les 8 finalistes, il est impossible de prévoir le podium, tout juste pouvons nous rêver à un triplé français (que l'on sait néanmoins peu probable) mais en revanche on est absolument sûrs d'une chose : ce sera la plus belle finale de Superpipe de tous les temps.

Peu importe qu'ESPN ait décidé de reléguer ce grand moment un vendredi en fin d'après midi (même pas en prime time donc), on peut comprendre l'engouement post-olympique autour du snowboard et de la nouvelle veste en cuir de Shaun White qui revient pour tout casser (et qui, en slopestyle, prend la porte). On s'en fout, on ne s'arrête pas à si peu puisque de toute façon ce sera la plus belle finale de Superpipe de tous les temps.

16h45, Xavier Bertoni, dernier qualifié mercredi, ouvre le bal… Un run au départ conservateur mais il tombe sur son flat 3, et ne peut donc appliquer sa stratégie, qui était de placer un double cork sur son dernier hit. Bon, pas grave, il reste 2 runs.
On note au passage un commentaire intéressant de la part de la speakerine : "il est 17h, un moment un peu particulier, où l'on n'a plus la lumière du soleil et pas encore vraiment celle des projecteurs". Traduction parce qu'on est bilingue ESPN/Français : la lumière est pourrie, les riders n'y voient que dalle.
Autre français très attendu pour sa première participation, Thomas Krief pose un premier run impeccable, payé un plutôt sage 83 points. Il prend la tête et la gardera jusqu'à la fin de ce premier run.
Le moment fort de la soirée, c'est le passage de Simon, monstrueux d'amplitude : double cork 1200 mute, unnat cork9 reverse tail, double mac twist tail, alley oop cork 7.2 mute à une hauteur hallucinante, parfaitement grabbé. Le plus beau run de pipe qu'il m'ait jamais été donné de voir, enfin, jusqu'au dernier hit s'entend. Car sur son switch underflip final, Simon arrive avec trop de vitesse, se satellise et pose sur le coping. Violence. Un crash monstreux dont il se relève comme si de rien n'était… C'est Simon, il n'est pas fait comme les autres.
On se regarde tous, soufflés tant par l'énormitude du run que du crash… Ca y est, la grande soirée est partie; on le savait : c'est la plus belle finale de Superpipe de tous les temps. A ce moment, tout le monde est à peu près d'accord : si il posait, la compétition était terminée, pliée, youplala… Mais bon, avec des si, Pierre Guyot lui aussi aurait pu gagner le SFR Tour.
Pas grand chose d'autre à dire sur ce premier run puisqu'entre 2 pauses pour les pubs TV, tous les riders tombent ou posent le postérieur. 2 runs posés sur 8, ça fait du déchet mais le niveau est tellement élevé que les skieurs n'ont pas d'autres choix que de tout donner. Et parfois, ça ne passe pas. L'excitation en prend un coup.

Le second run va commencer et ESPN nous a réservé une petite surprise sympa : en parallèle de la finale de Superpipe est organisé un concours de Method en snowboard sur le big air adjacent. Non, mais sérieux, Dieu sait qu'on aime le snowboard, mais un concours de Method… sur un saut droit… avec vote par SMS… et Chas Guldemond qui ride torse nu par -10°… Triste spectacle au final, malgré une bande-annonce vraiment excellente  Donc voilà, fallait se fader les pubs, maintenant va falloir partager le temps d'antenne.

Le rythme est définitivement brisé, on a droit à un run toutes les 10 minutes et en général le rider tombe. Au terme de ce second run, ce sont 3 runs qui sont posés, dont celui de Simon Dumont , bien plus conservateur (il limite les risques, donc l'amplitude, freinant même au milieu du run), celui de Torin Yater Wallace, la sensation de cette saison à tout juste 15 ans, et de Duncan Adams, récompensé pour son style. Toto Krief n'est plus sur le podium.

Le 3ème run va commencer. Pas un français sur le podium, ambiance sud-africaine dans le clan français, de notre coté on commence à s'affoler pour la fréquentation de skipass. Xavier tombe pour la troisième fois, la sanction est sévère pour celui qui nous confie avoir manqué d'entrainement. Justin Dorey, un des grands favoris, et l'impressionnant David Wise le rejoignent dans la catégorie de ceux qui n'auront pas posé un run… Dure soirée. Simon Dumont n'améliore pas son run. Il peut gagner avec ses 90 points, ce ne serait pas grandiose mais il peut… Torin Yater Wallace s'élance. Le chouchou du public, à tout juste 15 ans, dépasse le maitre sur l'amplitude et la propreté de l'exécution et bien que posant un run bien moins technique, prend la tête avec 92.33 points, devant un Simon consterné.

Attendez voir, un new comer qui fait une entrée fracassante aux X Games en étant récompensé pour son amplitude plus que par sa technique, ça me rappelle un truc… Ah, ça y est, finale des X Games 2004, j'écrivais dans cet article :
"l’édition 2004 a été par marquée par la performance de Simon Dumont, 17 ans, qui passe en un an du statut de quasi inconnu à celui de superstar. Et une superstar contrôlée par les radars à 22 pieds de haut (pas loin de 7m). Contrepartie de son amplitude, il chute lors des 2 premiers runs mais lorsqu’il passe le troisième, les juges décident de le sacrer en dépit d’une technicité moindre, devant Jon Olsson (le plus régulier et le plus propre)."

History repeating,  Simon a été à cette place il y a 7 ans (putain, ça ne nous rajeunit pas). Une meilleure place encore en fait puisque...

Puisqu'il reste un rider à partir. Kevin Rolland porte en toute simplicité tous les espoirs du clan français, compact cette année encore dans la raquette d'arrivée… Et ce coup ci, ça passe, c'est beau, c'est technique, c'est ample, avec une grosse prise de risque finale sur son double cork 1200. Kevin, un si gentil garçon, est un tueur absolu dès lors qu'il chausse ses skis, un compétiteur hors pair. Il veut gagner, il gagne.

 Il est ou le problème? la réplique devient culte en quelques instants.

93.66, Kevin l'emporte avec un score inférieur à celui des qualifs, l'émotion est là mais on est loin des débordements et envahissements de l'aire d'arrivée des années précédentes… car on ne peut s'empêcher de constater la déception de Xavier et celle, plus relative, de Toto. Simon, quant à lui, touche le fond.
Et nous, public, on ne peut s'empêcher de penser au rendez vous raté avec le spectacle. L'exigence était telle que cette finale aura  été sacrifiée sur l'autel du risque. ceci étant dit, on fait la fine bouche mais une star est née ce soir, et ce n'est quand même pas rien...

Après avoir repeint la Home de skipass aux couleurs du vainqueur, on rentre à la maison. On ne rejoindra finalement même pas le clan français pour fêter ça, y'a du boulot le lendemain et on est secs, complètement secs. Du coup, on allume la télé, pour assister à l'événement auto-proclamé de ces X Games par ESPN : le triple cork de Torstein Horgmo, qui ressemble quand même vachement à un triple back.

Un tour sur le Net, la polémique enfle déjà sur le jugement de ce superpipe, de tous cotés. On zappe, CNN, et Pierre m'offre la conclusion de cet article "j'espère qu'ils vont pas péter les pyramides".

les runs des 3 premiers :

le run de Torin

le run de Simon

Supplément spécial "prenons du recul sur la polémique autour du jugement"

Sur une idée originale de Pierre Guyot , voici une tentative d'analyse rationnelle des performances des 3 premiers, histoire de disposer du maximum d'éléments...

J’ai la chance de pouvoir donner mon avis sur skipass, alors j’en profite. Voici mon analyse, qui n’engage que moi, les résultats étant donnés par les juges.

on commence par les faits bruts, histoire d'être sûrs de bien parler de la même chose

les résultats



le tableau magique de Pierre :



Torin :
Les + : 6 sauts alors que Kevin et Simon en ont 5 // l’amplitude globale de son run
Les - : pas de switch //Une seule double rotation // Grab simulé sur le 1260
verdict : Je le place troisième car il est clairement moins technique que les deux autres.

Simon :
Les + : une énorme entrée en matière // l’amplitude des deux doubles
Les - : gros freinage en milieu de run // grab raté sur le double cork
verdict : Je le place en deuxième position car il passe à coté de la fin de son run.

Kevin :
Les + : enchainement de deux tricks en switch // gros double cork 1260 en dernier hit // aucun grab manqué ou simulé
Les - : Une amplitude légèrement moindre // beaucoup de mute dans son run
verdict : Même si il est vrai qu’il en a gardé un peu sous le pied, je pense que Kevin mérite sa victoire. En partant dernier et avec toutes ces chutes à répétitions il savait qu’il n’avait pas à donner le meilleur de lui pour gagner. Il a assuré un run technique sans commettre de grosse erreur ce qui à suffit.

Pierre Guyot