Réflexions sur un hiver pandémique

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Réflexions sur un hiver pandémique

Où comment tirer quelques leçons de cette crise
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Les enfants, l'hiver 2020/2021 fut terrible, je vais vous raconter...

Pour les professionnels du secteur de la montagne et tous les acteurs qui gravitent autour de ce monde merveilleux, la fermeture des remontées mécaniques décidée suite à la Covid19 a évidemment fait l'effet d'une bombe. Certains secteurs comme la location de matériel de sport ou la restauration comptent sur ces 6 semaines de vacances scolaires de décembre et de février, plus quelques extras, pour réaliser une grosse partie voir même quasiment la totalité de leur chiffre d'affaire de l'année. J'ai la chance d'exercer une profession qui a très peu été impactée par les mesures que l'on connait depuis l'arrivée de ce satané virus sur notre territoire. Par contre et comme beaucoup de gens autour de moi, la Covid19 m'a grandement freinée dans la pratique de mes loisirs. Habitant le département de l'Ain, la grande partie des stations de sports d'hiver des Alpes du Nord ainsi que celles du Jura nous sont accessibles moyennant 1h30 à 2h de trajet en voiture. Une chance que je mesure chaque hiver. La perspective d'une saison sans remontées mécaniques m'a d'abord filé le bourbon. Je n'allais pas avoir le plaisir d'activer l'une des premières rotations de tourniquet à la télécabine de Balme à La Clusaz qui bien souvent ouvre son domaine pour le premier week-end de décembre. Au fond de moi, j'avais la conviction comme beaucoup d'autres que cette fermeture serait prolongée jusqu'à la fin de l'hiver, quand bien même les autorités n'ont pas voulu nous l'annoncer tout de suite. Un hiver sans apercevoir les sommets enneigés des Alpes : inenvisageable ! Alors comment profiter de la montagne différemment, tout du moins d'une autre manière que celle à laquelle j'ai été habitué jusqu'à maintenant ? Depuis quelques hivers déjà, la pratique du ski de randonnée m'attirait. Etant adepte des sports de glisse (ski, wakeboard) mais aussi de sports "cardio" (VTT, course à pied), je me dis que cette pratique peut être celle faisant le lien entre les deux. Le mois de janvier arrive vite, je décide donc de tester cette discipline pour la première fois.

Un week-end à la neige sans le bruit des perches de tire-fesse qui s'entrechoquent

Un très bon ami à moi est pisteur à la station de Saint-Jean-d'Aulps, domaine du Roc d'Enfer dans le massif du Chablais. Il vit sur la commune des Gets avec sa petite-amie, une locale. Etant des pratiquants réguliers de ski de randonnée, je me propose de les accompagner pour qu'ils puissent me faire découvrir cette discipline en toute sécurité. Me voilà parti en famille pour le week-end à la station de Praz-de-Lys, à une quinzaine de minutes des Gets. C'est une station familiale à taille humaine que j'affectionne tout particulièrement puisque c'est là-bas que j'ai été initié au plaisir de la glisse à 13 ans. On se donne rendez-vous dans un coin du domaine samedi matin à 9h. Je passe louer mon matos de rando et le rejoins avec sa chérie. Nous partons pour l'ascension de la pointe de Marcelly, le point culminant du coin, que j'ai toujours reluqué de loin les fesses bien installées dans un télésiège. On se prépare, mon pote m'annonce que les conditions sont exceptionnelles. Il fait beau, le ciel est dégagé. Il a régulièrement neigé depuis le début de l'hiver et surtout il fait très froid et depuis un moment. Bref, la poudre est au rendez-vous et elle se conserve. La montée est agréable et nous traçons notre route dans de la neige vierge de toute trace. J'ai l'impression de réaliser une première mondiale ! Au sommet, la vue panoramique est magnifique et je découvre ma station de cœur sous un angle complètement nouveau pour moi. C'est quand même con d'avoir attendu si longtemps pour venir découvrir cet endroit ! Première descente de l'année dans de la poudreuse si légère. La fin de la rando approche et je suis conquis. J'ai déjà hâte de recommencer.

La suite du week-end est plus familiale ponctuée de randonnée pédestre, de parties de luge et de séances de lèche-vitrine au centre ville des Gets. Le dimanche matin, je marche un bon moment au Praz-de-Lys sur des pistes aménagées pour les piétons. Nous passons à proximité des pistes de ski de fond. Certaines parties empruntent des sous-bois. Je m'arrête régulièrement avec mon fils de 4 ans pour profiter en luge des tremplins fabriqués par d'autres enfants. On arrive au pied du domaine skiable pour boire un bon chocolat chaud. Je finis par me dire que depuis une quinzaine d'années que je fréquente les lieux, je n'ai jamais pris le temps de faire ça. Simplement marcher, regarder la montagne autour de moi à cet instant et profiter de ce chemin piéton en particulier. Ce qui me frappe également beaucoup, ce sont tous ces bruits que mon cerveau s'attend à percevoir mais qui sont absents : les perches de tire-fesses qui s'empilent à l'arrivée dans un bruit métallique, les roulements de télésiège qui tournent inlassablement, le bip sonore de la dameuse qui recule ou encore les dérapages des skieurs sur le verglas. La quiétude les ayant remplacé, cela est plutôt agréable. Je rentre chez moi en ayant passé un excellent week-end d'hiver à la montagne, sans remontées mécaniques, et je ne pense déjà qu'à renouveler l'expérience.

Une saison hivernale à remonter les pistes à la cuisse, ou presque...

Le reste de l'hiver offrant des conditions de neige toujours aussi incroyables, j'ai donc remis cela à plusieurs reprises. Attention, je suis bien conscient d'avoir connu l'hiver idéal (conditions météorologiques et peu de monde en montagne) pour me mettre au ski de randonnée et que cette pratique doit apporter parfois son lot de galère et de mauvaise neige à skier. Toujours sur le dos de mes premiers acolytes tel un sac à dos airbag, j'ai pu goûter de nouveau la magnifique sensation de liberté que procure le ski de randonnée. On prend le temps si le cœur vous en dit de savourer la grimpette, le panorama, le dénivelé avalé progressivement. La petite pause restauration conviviale au sommet est toujours la bienvenue. Puis on s'élance à la redescente pour gober sa petite dose d'adrénaline comme cerise sur le gâteau. Le plus étonnant est que bien souvent, on arrive à se faire plaisir en pratiquant proche du domaine skiable. Le ski de randonnée n'est pas forcément synonyme d'exploration d'endroits sauvages, dangereux et éloignés. Tout un nouveau monde s'offre à moi, si proche géographiquement parfois de l'ancien que je déniais quitter par habitude ou par confort.

Un jour du côté d'Avoriaz, l'impensable se produit. Nous apprenons en préparant notre sortie que le téléphérique des Prodains Express, qui relie la vallée des Ardoisières au centre de la station, est ouvert. Effectivement celui-ci est emprunté par de nombreux piétons qui se rendent dans la vallée sans utiliser leur véhicule et fait donc office de transport en commun. Vu que la finalité de mon propos n'est évidemment pas de plastiquer tous les pylônes de France pour faire de la montagne un espace sans remontées mécaniques, j'ai donc ce jour-là utilisé à deux reprises ce téléphérique ce qui m'a permis de doubler mon total de dénivelé négatif par rapport au positif : le pied ! On se sent presque comme des citoyens se rebellant contre le système en s'installant avec notre matos à l'intérieur de la cabine.

J'ai aussi grandement renforcé une habitude que j'avais pu avoir parfois, celle de me documenter sur les endroits sympas à découvrir à proximité des stations notamment à pied, sans pour autant rechercher des sensations fortes ni de l'exploration montagnarde. C'est ainsi que j'ai découvert l'espace nordique du col de Pierre Carrée lors d'un séjour de 4 jours à Flaine. J'ai pu y pratiquer à nouveau de la randonnée sur des chemins balisés, une activité très simple mais cette simplicité m'a fait du bien par son authenticité. Je suis persuadé qu'en temps normal, j'aurais voulu profiter un maximum des remontées mécaniques de peur de "perdre" du temps de ski et n'aurais jamais pensé profiter d'un tel espace, pensé à ouvrir mon horizon de la sorte. Moins de ski pour trouver d'autres choses en utilisant toute la richesse et la diversité de la montagne.

QUELQUES SOUVENIRS D'UNE JOURNEE AU PARADIS A LA POINTE DE CHALUNE

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Repenser ma pratique de la montagne à mon petit niveau

Finalement, que retirer de mon expérience personnelle relatée par ce magnifique récit autobiographique ? En fin d'année 2020, je me suis fait tout un fromage (bleu de Gex de préférence) de cette fermeture des remontées mécaniques. Finalement, quand je me retourne sur mon hiver dernier, j'ai pris beaucoup de plaisir et je suis satisfait de la manière dont j'ai pu profiter de la montagne. Je me suis offert d'autres possibilités. Les stations elles-mêmes, notamment en moyenne montagne, sentant le vent tourner à cause du réchauffement climatique, nous offrent de plus en plus de nouveaux horizons. Quand je pense aux loisirs en montagne l'hiver, je n'ai plus forcément l'image d'un télésiège débrayable 6 places qui me vient à l'esprit. Je me projette beaucoup plus facilement vers une semaine au ski en février sans forcément acheter un forfait 7 jours consécutifs. Evidemment, je comprends très bien les citadins, amoureux de la montagne, ne pouvant s'y rendre qu'une semaine par an, qui veulent rentabiliser leurs vacances au maximum. Mais je suis persuadé que même les concernant, le fait de se sortir du schéma du ski de piste à tout prix leur apportera de nouvelles émotions.

Cet article n'a pas pour objet de donner une leçon de morale à tous ses lecteurs, ce n'est pas dans sa nature, mais une pratique plus diversifiée de la montagne est envisageable par tout à chacun. C'est ce que m'a enseigné la crise sanitaire. Dans les années à venir, d'autres événements notamment climatiques nous forcerons sûrement à opérer ce changement. Si dans le futur pour X ou Y raisons la pratique du ski alpin est stoppée, il faudra savoir se réinventer, alors autant s'y mettre dès aujourd'hui. Autre point positif pour moi, la plupart des activités alternatives au ski de piste ont la chance de moins revêtir ce caractère de "parc d'attraction". Faire une virée en ski de rando, louer un fatbike avec quelques potes ou simplement se balader à la découverte de la nature nous donne la possibilité de fuir des zones souvent sur fréquentées en montagne justement à cause de la présence des remontées mécaniques. L'occasion pour nous de se reconnecter avec un environnement plus authentique. S'entasser moins longtemps en télécabine et profiter d'un versant de montagne qui nous est jusque-là inconnu, programme alléchant non ?

D'un point de vue beaucoup plus philosophique, le fait de se confronter à une nouvelle façon de profiter de la montagne m'a fait justement prendre conscience de nouvelles choses. Paradoxalement, ce sont des activités moins sophistiquées qui m'ont apportées le plus. Je fréquente très peu les réseaux sociaux qui ont le don de m'énerver pour de nombreux aspects. Le fait de voir défiler par exemple sur son fil d'actualité Facebook des dictons du genre "si tu peux le rêver, tu peux le faire" lorsqu'ils ne sont pas du tout en phase avec votre pensée actuelle, je trouve cela profondément inutile. Force est de constater que certains de ces conseils fonctionne quand même pas mal dans la vraie vie ! Il faut juste trouver le bon moment pour les expérimenter. Cultiver des moments plus simples parfois, apprécier la saveur d'un instant au calme en pleine nature, s'autoriser à sortir de sa zone de confort : voilà ce qui m'a fait écho lorsque je jette un regard sur mon dernier hiver. Ceci est mon expérience personnelle et mon objectif n'est pas de devenir coach en développement personnel. Tous ces influenceurs sur Instagram s'en charge à ma place. Mais libre à chacun de s'autoriser à ouvrir d'autres voies au contact de notre si belle montagne, ils y trouveront forcément quelque chose qu'ils n'ont pas ressenti jusque-là. La montagne est un lieu remarquable par sa capacité à vous faire grandir de l'intérieur simplement en profitant de tout ce qu'elle nous offre. Profitons de cette aubaine et faisons en sorte que cette chance qui s'offre à nous puisse se prolonger le plus longtemps possible.

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