
Les sponsors profitent de l’affaiblissement de la Fédération pour détecter eux-mêmes des futurs champions en organisant leurs événements.
Peut-être avez vous remarqué, lors de vos vacances d’hiver et de printemps à la montagne, que de plus en plus d’événements, d’animations ou de compétitions, liés au ski ou au snowboard et à toutes ses variantes, sont ouverts aux amateurs. Quid des MixõFly, PlayStation Air Games ou Rtour, Cham Helly Hansen ? Autant de noms qui sifflent doucement aux oreilles de la jeunesse en mal d’un avenir fun et surtout accessible rapidement. Car tous espèrent à travers ces shows, sorte de radios crochets d’altitude, décrocher un contrat de " pro rider " et rejoindre les pages des magazines spécialisés.
" C’est une occasion unique pour ceux qui ne sont pas dans les circuits traditionnels de se faire connaître auprès des décideurs. Candide Thovex (freestyleur mondialement connu aujourd’hui) est passé par le PlayStation Air Games. Gauthier de Teissière, qui est aujourd’hui en équipe de France de ski alpin, sort du ski Open Coq d’or ", explique Thierry Auzet de l’agence Skipper et qui travaille pour ces événements.
Simplement ludiques comme le Mix&Fly, souvent spectaculaires comme le PlayStation Air Games ou sportives comme le Ski Open Coq d’or, dont la 11e édition se déroulait du 31 mars au 3 avril dernier, ces manifestations rameutent beaucoup de monde : " Parfois jusqu’à plusieurs milliers de spectateurs pour assister aux shows, poursuit Thierry Auzet. Mais aussi beaucoup de compétiteurs. Il y avait 1 500 poussins et benjamins inscrits sur le Ski Open Coq d’or, venus de toute la France et qui étaient sélectionnés grâce à leurs temps réussis à l’École de ski Français. "
À la Cham Helly Hansen 2004, épreuve de free ride, il y avait cette année un contingent d’amateurs plus nombreux qu’à l’accoutumée, à la grande surprise des amateurs. La tendance est la même partout. De l’apprenti " rider " de la région en passant par le jeune skieur de l’ESF montagnard ou citadin, pour finir par le vacancier, tous participent. Et les meilleurs espèrent profiter de l’occasion pour décrocher le gros lot.
" Sur le Mix&Fly, raconte Pascal Peguy, l’organisateur, les jeunes s’amusent car c’est avant tout une animation. Mais comme il y a beaucoup de monde, cela leur donne aussi l’occasion de se faire remarquer et, bien s-r, nous avons un oeil sur les plus doués. "
Mathieu Imbert repéré sur cette épreuve a aujourd’hui un contrat chez Rossignol. Paulo Delerue, le frère de Xavier Delerue, plusieurs fois champion de boardercross, est lui chez Columbia. Des exemples parmi d’autres.
Outre le sponsoring de ce type d’événements, les grandes marques de ski ont tout intérêt à surveiller de près ces immenses réservoirs à talents qui passent trop souvent au travers de la détection fédérale. Car les modes changent vite et les stars du ski alpin et des glisses alternatives aussi. C’est la loi du marché !
À l’instar de la télévision avec Star Academy, ou la Nouvelle Star, ces radios crochets resserrent les mailles du filet. Même Gérard Rougier, directeur technique national (DTN) à la FFS et longtemps chantre des glisses alternatives lorsqu’il était à la tête du snowboard français, était présent aux Coqs d’or pour voir ce qui se faisait en dehors du système fédéral : " Nous sommes simplement partenaires sur cet événement, car nous n’avons pas la logistique pour l’organiser, déclarait-il, presque envieux. Ce serait trop lourd pour la FFS. " Accompagné par d’autres cadres de l’équipe de France, le DTN faisait certes de la représentation, mais ne quittait pas des yeux les performances des jeunes : " On scrute tout cela avec beaucoup d’intérêt, comme on a un regard sur les autres épreuves dans la saison, plus orientées vers le freestyle. " Et voilà comment, sans vraiment l’avouer, le DTN espère ainsi récupérer dans le giron des disciplines alpines, le skiercross, longtemps considéré comme un vilain petit canard n’ayant rien à voir avec le ski mais plus avec la foire d’empoigne : " Le skiercross sera la cinquième discipline alpine très bientôt ", prédit-il. Un aveu à peine caché de l’intérêt pour le pouvoir médiatique du skiercross, qui attire sponsors et télévisions.
Toutes ces épreuves organisées par des marques jouent donc aujourd’hui le rôle de palliatif pour la détection des futurs champions, alors que la Fédération, en perte de vitesse et de licenciés, est plongée dans une crise financière dont elle ne s’est pas encore sortie. Du coup, les grandes marques occupent tous les terrains, de l’alpin au freestyle en passant par le free ride, et la concurrence est féroce entre elles.
Est-ce un bien, un mal, la loi d’un nouveau marché où les fédérations sportives sont débordées de toutes parts ? Pascal Peguy pense, lui, " qu’il ne faut pas aller trop loin. Tous ces événements doivent être encadrés et orchestrés par de vrais pros de la montagne, ce qui n’est pas toujours le cas. Sinon, il va y avoir de la casse ! "
Éric Serres
humanité 24 avril 04
inscrit le 24/5/04
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