Il est vrai qu´il est impossible de baliser toute la montagne mais devant l´afflut de ¨hors pisteurs¨un minimum de signalisation est bienvenue....
Cinq morts en une seule journée, le 19 janvier. Victimes d'avalanches pour avoir skié dans des secteurs non sécurisés. Le hors-piste est ainsi devenu l'activité la plus meurtrière de la montagne. Dévaler les pentes dans la poudreuse, la neige vierge, attire pourtant de plus en plus de pratiquants. L'apparition du snowboard il y a une trentaine d'années, les progrès des nouveaux skis depuis dix ans, ont rendu cette pratique accessible à des skieurs de niveau moyen (Le Monde du 25 janvier). Alors qu'autrefois seuls les montagnards très expérimentés se lançaient à l'aventure. Mais ils connaissaient les pièges des plaques à vent, ces couches de neige fraîche qui se décrochent des pentes.
Aujourd'hui, tout le monde — les jeunes en particulier — veut sortir des pistes balisées. Beaucoup plus "fun", riche en sensations et en poussée d'adrénaline, le hors-piste est à la mode. Il véhicule une image de liberté et de retour à un ski "naturel". A Tignes par exemple, sur l'Espace Killy partagé avec Val-d'Isère, l'un des plus grands domaines du monde, la moitié des skieurs et des surfeurs pratiquent le hors-piste.
"Nous aurions pu continuer à ignorer le phénomène, assure Jean-Louis Tuaillon, directeur des pistes. La montagne est un espace de liberté où chacun peut aller où bon lui semble." Un préfet de la Haute-Savoie avait bien tenté d'instaurer une réglementation locale interdisant le hors-piste. Faute de moyens de contrôle et de répression, l'arrêté n'avait tenu qu'un an. Sans résultats.
"Jusqu'à l'année dernière, les pisteurs de la station ne s'occupaient que de la sécurité des pistes balisées, poursuit M. Tuaillon. Ils considéraient que le reste ne les regardait pas, que les skieurs faisaient du hors-piste sous leur propre responsabilité, à charge pour eux de savoir s'ils étaient couverts par une assurance en cas de problèmes." Devant la multiplication des accidents, les responsables de Tignes ont cependant décidé de réagir. "Il était d'abord aberrant de constater qu'il n'y avait aucun panneau pour informer des dangers les amateurs de "freeride", la "balade en liberté", comme ils l'appellent", indique M. Tuaillon.
"Pas un panneau, par exemple, pour signaler une barre rocheuse." Pour canaliser une partie des amateurs de hors-piste de l'Espace Killy, c'est-à-dire près de 15 000 personnes certains jours, la station de Tignes a donc réservé, depuis l'hiver dernier, une partie de son domaine à cette pratique. Le Spot — pour "Ski Powder of Tignes", puisque les "freeriders" jargonnent en anglais — n'occupe, certes, qu'une petite partie du domaine. Huit kilomètres de pistes sur 150 ont été fermées aux autres skieurs et ont cessé d'être damées.
Le sommet du secteur reste cepen- dant desservi par un télésiège, celui du col des Vés. Des panneaux d'information ont été placés pour indiquer les pièges et les différents niveaux de difficultés : "hardride" et "softride", du plus dur au plus facile. Ce dernier, appelé "naturide", est une ancienne piste noire entièrement balisée. Toutes ces zones sont surveillées par des pisteurs. "Ils font un travail de 'grands frères', donnent des conseils mais ne font pas la police", assure M. Tuaillon.
ETRE ACCOMPAGNÉ D'UN GUIDE
Et, surtout, au départ du télésiège, un "chalet freeride" a été mis en place en 2005. Libre à ceux qui partent sur le Spot de s'y arrêter. Ils y trouvent des informations sur la météo, l'état de la neige et le risque d'avalanches. Une "zone d'entraînement" leur permet de s'initier au fonctionnement de l'Arva, l'appareil de recherche des victimes d'avalanche. Cet engin, qui coûte environ 200 euros mais qui peut être loué à la journée, est fortement recommandé aux pratiquants de hors-piste. Emetteur autant que récepteur, il permet de repérer rapidement un skieur enfoui sous une coulée de neige. Mais on estime à moins du quart le nombre de "freeriders" qui s'en équipent aujourd'hui.
"Dans le chalet, ce sont les photos du Spot en plein été qui font le plus réfléchir, se félicite M. Tuaillon. En voyant la hauteur des barres rocheuses, les 'freeriders' comprennent les risques qu'ils prennent. La mesure du danger est en effet la clé d'une pratique responsable du hors-piste. La liberté, ce n'est pas de faire n'importe quoi." Pour le comprendre, rien de mieux que d'interroger les champions de "freeride" qui s'affrontaient à Tignes au mois de janvier à l'occasion des Airwaves, une compétition de ski extrême. Déposés sur les sommets en hélicoptère, autorisation exceptionnelle à cette occasion, les concurrents dévalaient ensuite les pentes les plus verticales entre les parois rocheuses.
"Contrairement à ce que beaucoup imaginent, nous sommes à l'opposé des casse-cou, explique Benjamin Bouyrie, venu des Arcs à cette occasion. Avant de monter, nous étudions la montagne à la jumelle pour choisir soigneusement la 'ligne' que nous allons prendre. Nous n'utilisons que des skis très larges et très longs, les seuls à pouvoir nous porter sur la poudreuse. Notre équipement, obligatoire pour les compétitions, comprend un Arva, un casque, une protection dorsale, un baudrier pour d'éventuels secours."
Mais ce jeune sportif estime, même si l'on prend toutes ces précautions, que le hors-piste doit être réservé aux très bons skieurs qui connaissent parfaitement la montagne, et que les non-professionnels doivent se faire accompagner d'un guide dès qu'ils s'éloignent des pistes balisées. Sur le Spot de Tignes, aucun accident n'a ainsi été enregistré depuis un an. Et plusieurs stations, Chamonix, Val-Fréjus en 2005, Courchevel, Méribel cette année, ont suivi cet exemple.
inscrit le 06/03/05
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