Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015

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Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015

Qu'est-ce que ça fait de tomber dans une crevasse ?
article Sécurité

Roland et Benjamin sont père et fils, membres du CAF de Viviers du lac, et sont des habitués de randonnée et de montagne. Le weekend dernier ils ont fait l'ascension du Strahlhorn, un sommet suisse de 4190m d'altitude. A la descente sur le glacier, Benjamin est tombé dans une crevasse, sa caméra a filmé la chute et son secours. Nous les avons contacté pour en savoir plus sur cet incident.  


Chute dans une crevasse - Strahlhorn - 24/05/2015

- Quel était votre programme ce jour-là ?
- Benjamin : Notre groupe était composé de moi-même, Benjamin, mon père Roland, Isabelle et Francis. Nous skions tous les quatre quasiment tout le temps, tous les weekends de l’hiver, dès que les conditions sont intéressantes. Nous voulions faire le Strahlhorn, un sommet de 4190m en Suisse. Nous sommes partis de la cabane Britannia le matin vers 5h30. Nous avons fait le sommet, puis lors de la descente je suis tombé dans une crevasse sur le glacier.


- Comment est-ce arrivé ?
- Benjamin : Nous avions de la bonne neige, avec un peu de poudre, puis nous nous sommes arrêtés car la neige devenait moins bonne, plus gelée, donc nous cherchions un meilleur itinéraire. Francis est d’abord parti seul et nous le regardions choisir sa ligne. Une fois qu’il s’est arrêté un peu plus bas nous sommes partis à notre tour pour le rejoindre. Et c’est à ce moment là que le sol se dérobe sous mes pieds.

- On ne voit pas bien sur la vidéo, mais il semblerait qu’il n’y ait pas d’indice de la présence d’une crevasse à l’endroit où tu tombes ?
- Benjamin : Nous ne sommes pas trop surs. Ca ne se voit pas trop, quand on regarde la vidéo il semblerait qu’il y ait une petite dépression à cet endroit, mais ce n’est pas très flagrant. Nous savions que c’était un endroit avec beaucoup de crevasses, et par sécurité nous nous sommes arrêtés sur l’itinéraire de montée. Une zone où sur la journée, une bonne trentaine de skieurs étaient déjà passés. Et malgré tout, ça n’a pas suffit…

Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015 

- Peux-tu nous décrire chaque étape de ton accident ?
- Benjamin : Au moment où j’engage mon premier virage, la crevasse s’ouvre sous mes skis mais j’arrive à m’accrocher avec mes bras. J’ai un ski qui a l’air d’être un peu coincé, donc je ne tombe pas complètement. Je me rends compte que je suis dans une situation très délicate, où je ne peux rien faire : si je lâche un bras, je tombe au fond. Alors j’essaye d’appeler à l’aide mes compagnons car je sais qu’ils viennent juste de partir. Puis j’essaie de m’accrocher comme je peux, mais je finis par tomber au fond de la crevasse. J'arrive sur une espèce de pont de neige au fond, en neige molle qui amortit vraiment ma chute. J’ai du tomber de 3m avant de toucher le début du pont qui formait une sorte de toboggan, puis je glisse jusqu’au mur de glace du bord de la crevasse sur 4 ou 5m. Et là je suis dans une position vraiment inconfortable et je n’ose pas bouger du tout. Ma première pensée est de placer ma broche à glace le plus vite possible pour m’assurer, ce que je fais tout en appelant au secours.

Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015

Une fois assuré, je suis très calme car je sais qu’ils ne sont pas loin et je ne suis pas blessé. Puis pendant que j’essayais de faire un autre ancrage avec mon piolet, j’ai entendu quelqu’un qui me parlait. C’était un guide suisse avec ses clients qui m’avait entendu. Ils ont mis en place un système de secours, un mouflage, et m’ont donc fait parvenir une corde pour remonter. J’ai accroché mon sac à mon baudrier et j’ai commencé à monter, ils me tiraient un peu. Au niveau de la lèvre je leur ai fait passer le sac avant de sortir. Ensuite il me restait 1000m de dénivelé sur 10km à faire en zone glaciaire pour rejoindre le refuge, donc sur un seul ski ça allait être difficile. Je me suis encordé à Francis et nous avions à peine commencé à progresser que l’hélicoptère est arrivé. Les secouristes ont tenu à m’emmener faire des examens à l’hôpital pour vérifier que je n’avais rien.

- Pendant ce temps, que se passait-il pour le reste du groupe ? A quel moment vous êtes-vous rendus compte de la disparition de Benjamin ? 
- Roland : j’ai pu regarder les temps grâce aux rushs des caméras et à un compteur que j’ai toujours dans mon sac lors des sorties. Nous étions donc arrêtés pour essayer de repérer le meilleur endroit pour descendre, à un endroit qui nous semblait sur, sur la trace de montée. Francis est descendu de 35m de dénivelé sur le glacier, et nous descendons le rejoindre.

Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015

En regardant la vidéo, Benjamin part 5 secondes après moi et c’est à ce moment qu’il tombe. 35 secondes après je me retourne et demande où il est. Personne ne l’a vu tomber, nous n’avons rien vu de dangereux  et avec la forme du terrain nous ne voyons pas bien. Nous nous sommes dit qu’il devait avoir un souci de ski ou autre, alors nous l’attendons. Puis arrive un skieur à qui nous demandons si il a vu quelqu’un plus haut, au dessus de la bosse et il nous répond qu’il n’y a personne. C’est là que l’on a commencé à s’inquiéter et à remettre les peaux. Un autre skieur arrive et nous dit à nouveau qu’il y a personne. Puis nous voyons des personnes s’agiter plus haut, l’une taper par terre avec un piolet et de loin on nous dit que quelqu’un est dans une crevasse. C’est le guide suisse qui est en train de préparer son ancrage. J’essaie de discuter avec eux, ils me disent à ce moment « on l’entend mais on ne le voit pas ! ». C’est là que j’ai sorti mon téléphone et que j’ai appelé les secours. J’étais le seul à avoir du réseau donc ils m’ont dit de ne pas bouger et je suis resté sur place, en contrebas. Comme à ce moment nous ne savions rien sur l’état de Benjamin, ils ont décidé d'envoyer l'hélicoptère.

Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015 

Finalement c’est essentiellement le guide qui a fait le secours car comme nous étions plus bas, le temps de remettre les peaux et de monter le guide était déjà en train d’installer le mouflage. Isabelle et Francis sont tout de même remontés jusqu’à lui tandis que je restais sur place pour garder le contact avec les secours. Mais nous aurions pu également faire la manoeuvre, nous avions tout le matériel pour. Après que Benjamin est parti en hélicoptère, nous sommes redescendus au refuge avant d’abréger notre séjour pour le rejoindre à l’hôpital. Voici le timing exact :   
- 11h41 : Benjamin chute dans la crevasse, 35s après nous nous demandons où il est.
- 11h53 : J’appelle les secours. 
- 11h58 : Premier contact avec Benjamin.
- 12h03 : Il reçoit la corde. 
- 12h11 : Il sort de la crevasse.
- 12h30 : Il part avec l’hélico.  

- La question bateau mais que tout le monde se pose : comment on se sent au fond ?
- Benjamin : Je n'ai pas eu peur. Tout mon entourage me l’a demandé, ils pensaient que j’avais très très peur. J’ai eu peur avant de chuter car je ne savais pas de quelle hauteur j’allais tomber. Mais une fois que j’étais au fond et que j’avais posé ma broche, j’étais en confiance totale. Je savais qu’ils allaient me trouver. J’avais tout ce qu’il fallait sur moi, de la lumière, à manger, à boire, des vêtements, un DVA… Et je savais que je n’étais pas blessé. J’ai aussi remarqué qu’on attrapait froid très vite là-dedans… J’ai essayé de siffler, mais j’avais les doigts gelés donc c’était impossible. D’où l’importance d’un minimum de vêtements lors d’une randonnée sur glacier. De mon côté on ne voyait vraiment pas le fond. De l’autre côté je ne suis pas allé voir, je pense que c’était un peu moins profond et c’est là où mon ski a du tomber.

Chute dans une crevasse. Strahlhorn, 2015

- Quel est votre bilan de cette expérience ?
- Benjamin : Déjà le bilan est positif, du moment où je m’en sors entier. J’ai su appliquer, peut-être pas à la perfection, mais j’ai su appliquer des gestes élémentaires face à ce genre de situation. Je pense que tout le monde a joué un rôle dans mon entourage, tout le monde a géré correctement et l’issue est heureuse. Nous en avons déduit quelques analyses, notamment le fait que lorsqu'on est à plus de 3000m d’altitude, quand on est au fond d’une crevasse, il est très très épuisant d’appeler au secours. J’ai donc décidé de me munir d’un sifflet à l’avenir ! Sinon bien évidemment avoir du matériel en bon état, dont on sait se servir, c’est essentiel. Une broche à glace de bonne qualité voire éventuellement une deuxième pour faire un meilleur ancrage. Quelques sangles, mousquetons, de quoi faire deux autobloquants et le baudrier qui va avec bien sur. Le piolet à tête en acier a été assez utile également. Même si c’était une activité ski, je tiens à avoir un piolet d’alpinisme.

Si vous comptez faire un tour sur un glacier dans l'été, vous comprenez mieux pourquoi il est conseillé de rester sur les pistes balisées. Et si vous souhaitez tout de même vous aventurer en dehors, Enak nous avait donné quelques pistes :


Ep1-Part 1-S3-Dans Pas Mon Garage-Conduite de groupe sur zone Glacière

8 Commentaires

Mich73 Est ce que vous voyez mon ski... C'est sur qu'à ce moment la c'est primordial, aucun doute!
FunRider31 Bin oui ça peut servir à redescendre un ski...
ThanosEA @Mich73 - Je pense que dans des moments comme ceux-là ton cerveau fait des fixettes sur certaines choses mêmes si ce n'est pas les plus importantes.
free97 Exactement la même réaction d'un ami lorsqu'il s'est dégagé d'une avalanche, il cherchait son deuxième ski....
 

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