Petit article tiré du Monde de ce matin:
Jamais Lance Armstrong n'aura roulé si vite qu'à l'heure de se diriger vers la sortie. L'Américain a bouclé la 92e Grande Boucle, pour lui la septième victorieuse, à l'allure record de 41,654 km/h de moyenne, dimanche 24 juillet.
Son meilleur temps. Mais aussi le Tour le plus rapide de l'histoire. Le précédent record n'était pas bien vieux : il datait de 2003, quand Jan Ullrich avait aiguillonné jusqu'au bout celui qui n'était encore qu'un quadruple vainqueur. Le peloton du Tour du centenaire avait avancé à une moyenne de 40,940 km/h. Presque un kilomètre par heure de moins que cette année !
Et encore, la différence est un peu trompeuse. En 2005, les coureurs n'ont en effet disputé qu'un seul grand contre-la-montre individuel contre deux habituellement , épreuve qui fait logiquement grimper le compteur. La moyenne du Tour était ainsi de 41,694 km/h vendredi soir au Puy-en-Velay. Elle était passée à 41,762 km/h samedi après le contre-la-montre. Les ultimes tours de roues, dimanche vers les Champs-Elysées, ont été effectués quelque peu en dilettante. Les coureurs auraient donc pu faire mieux.
Ils n'ont cependant pas lambiné. Dans le contre-la-montre par équipes, ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes et ont été pris en flagrant délit d'excès de vitesse : la formation Discovery Channel de Lance Armstrong a remporté cette étape à 57,31 km/h de moyenne, envoyant par le fond une vieille référence de dix ans d'âge. La première étape, le samedi 2 juillet entre Fromentine et Noirmoutier, avait déjà été le contre-la-montre le plus rapide des annales. Ce n'est pas tout : la 5e étape, entre Blois et Montargis, disputée en partie sous la pluie le 6 juillet, reste l'étape en ligne la plus rapide de l'histoire du Tour de France, avec une moyenne phénoménale de 48,584 km/h.
Samedi, à Saint-Etienne, dans un contre-la-montre il est vrai très accidenté, Lance Armstrong s'est imposé à une moyenne de 46,4 km/h. Au cours de cette étape, la Danois Mickael Rasmussen, complètement à la dérive, a perdu sa 3e place du classement général, au profit de Jan Ullrich. Lance Armstrong peut donc se vanter depuis dimanche de détenir les quatre meilleures moyennes de l'histoire du Tour. La cinquième reste toujours attachée au nom de l'Italien Marco Pantani, mort depuis d'une overdose, et à l'année 1998.
C'est bien là d'ailleurs que le bât blesse : on roule aujourd'hui nettement plus vite qu'aux plus belles années de l'EPO et du dopage avéré. Si bien que la direction du Tour évite de trop communiquer sur tous ces records de vitesse qui tombent et sont pulvérisés les uns après les autres. En 2003, elle avait même tenté, dans un communiqué, de faire passer l'édition du centenaire pour un Tour particulièrement lent. C'est qu'avec la lutte contre le dopage, les allures auraient dû logiquement connaître un sérieux coup de frein. Il n'en est rien, au contraire.
Depuis l'affaire Festina, en 1998, le record de vitesse a été battu quatre fois. Quatre fois par Lance Armstrong. Un peu gênée aux entournures, la direction du Tour botte en touche, en expliquant, très sérieusement et en substance qu'il est logique que la moyenne d'aujourd'hui soit plus élevée que du temps "d'Anquetil et de Bobet" . Soit. "Il y a eu des attaques tous les jours , a expliqué Jean-Marie Leblanc, un peu agacé, parce que les enjeux sont plus importants. En outre, le Tour ne fait plus que 3 500 km, soit 1 000 de moins qu'il y a vingt ans, les coureurs ne sont donc plus inhibés par la crainte de la distance." .
Fort heureusement, cette année, comme en 2003, le Tour pourra du moins toujours invoquer les cieux, et en particulier le vent qui a soufflé dans la bonne direction. La première semaine, le peloton a traversé la France de la Bretagne vers les Vosges, poussé par le vent d'ouest. Si bien qu'après les huit premières étapes, la moyenne du Tour dépassait encore les 47 km/h.
"Quand le Tour de France tourne dans le sens des aiguilles d'une montre , explique le météorologue Frédéric Glassey, il bénéficie souvent d'un vent plus propice, qui vient d'ouest à cette période de l'année. En plaine, il n'y a pas besoin que le vent souffle très fort pour favoriser très sensiblement un peloton. Un vent de 15 km/h peut suffire à faire gagner 5 km/h ou plus. Le v ent peut donc parfaitement expliquer en partie les vitesses du peloton."
Pour cette 92e Grande Boucle, le vent aura donc poussé Lance Armstrong vers des sommets de célérité. L'Américain n'a peut-être gagné qu'une étape individuelle à laquelle il faut ajouter le succès dans le contre-la-montre par équipes avec Discovery Channel mais il n'aura jamais été autant en jaune que cette année. 17 jours vêtu de la tunique de leader, contre 15 jours sa meilleure performance jusque-là en 1999. Samedi, propulsé par le souffle de la gloire, il a remporté sa 22e victoire d'étape, sans compter les trois succès par équipes avec l'US Postal (2) et la Discovery Channel (1). Cela ne donne jamais qu'une moyenne de 3,14 victoires d'étape et 11,86 jours en jaune par Tour remporté. Mais avec ses sept victoires, il est désormais une certitude : Lance Armstrong n'est pas près d'être rejoint. Sauf si le vent s'en mêle.
Olivier Zilbertin
Article paru dans l'édition du 26.07.05
inscrit le 11/11/03
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