Une course d'arête de Puta Madre

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Une course d'arête de Puta Madre

Arête Est intégrale du Cirque de Troumouse
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NobruDude
Texte :
Photos :
Yrlab, Doudou, NobruDude
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Beaucoup d’arêtes et plusieurs sommets

En ce début octobre 2021, et après avoir attendu un bon moment la bonne fenêtre (voir plus loin), c’est un florilège de sommets que nous visitons, dont plusieurs à plus de 3000m, et le tout via une arête bien sympathique ! Le crew est composé de Doudou, bientôt enfin à nouveau au boulot, Aurèl, toujours au top quand il s’agit de faire des (belles) images, et myself, désireux de faire cette course après avoir visité le lieux au printemps en ski (pour voir l’article associé, c’est par là  )

Comme les photos ci-dessus en témoignent, on a passé une journée exceptionnelle, une sorte de combo entre une super team, un paysage extraordinaire, et une météo quasi parfaite. Y’a des jours comme ça où toutes les planètes s’alignent, et franchement, ça fait du bien !

Un cadre… speechless

Donc le cadre du jour, c’est le Cirque de Troumouse, un cirque glaciaire situé plein centre de la chaîne. C’est, parait-il, l’un des plus grands cirques des Pyrénées et d’Europe. Le cirque lui-même, d’un diamètre d’environ 4kms, se situe à un peu plus de 2100m d’altitude, et ce plateau est entouré d’énormes murailles qui le séparent de nos amis ibériques. Et l’idée, c’est de monter d’un côté du cirque, puis de parcourir la crête au-dessus desdites murailles, le tout en passant par quelques sommets à plus de 3000m, puis redescendre de l’autre côté. Cette course d’arête est soi-disant l’une des plus belles des Pyrénées, elle nous aura permis de « cocher » les 3000s suivant : le Pic Heid (3022m), la Pointe des Aires (3028m), le Pic de Troumouse (3085m), la Petite Munia (3096m) et enfin, le patron des lieux, le Pic de la Munia (3133m).

La boucle totale est assez longue, incluant 8 kms d’arête, ce qui est quand même assez rare pour une course d’arête… si on se cantonne à l’arête Est du cirque, c’est environ 5kms d’arête, et vu l’expo continue, c’est déjà pas mal.

Lever de soleil

Après un réveil matinal, vers 5h du mat, on démarre à la frontale sous un ciel étoilé magnifique. C’est sûr que quand on est complètement isolés de toute civilisation, et donc de toute pollution lumineuse, le ciel , c’est pas le même ! On chemine donc dans la nuit, et dans un 1er temps sans GPS, ce qui rend l’exercice un peu plus pimenté. En effet, pour une raison non encore tout à fait élucidée, mon GPS refuse de fonctionner… trop tôt ? trop froid ? pas réveillé ? Toujours est-il qu’on avance sans vraiment être sûr de nous, surtout quand le sentier disparaît. Bon, l’avantage d’avoir un mur de plusieurs centaines de mètres de haut à droite, ça permet déjà de savoir que c’est pas par-là !! Le problème est qu’à un moment donné, il faut bien monter, et il n’y a pas 50 passages ; le nôtre est censé être en dessous du pic de la Sède, pas facile à voir dans le noir.

Au lieu de continuer à avancer sans réfléchir comme des poulets sans tête, on décide de s’arrêter et de passer le temps qu’il faut pour essayer de faire fonctionner un des 3 téléphones… décision payante, au bout de 10 minutes de bataille, ça finit par remarcher… on était beaucoup trop à droite, on n’aurait jamais vu les cairns !!

Après une montée bien abrupte, nous voilà enfin au col de la Sède (2651m), et ça coïncide avec les 1ers rayons du soleil, ce qui est parfait au niveau timing, la première difficulté étant proche et ne pouvant se négocier de nuit, trop dangereux. La grosse dizaine d’isards croisés dans la pente nous suggèrent d’accélérer un peu la montée, mais je me fais vite rappeler par la patrouille :

On y est !

Le début de la voie, juste en dessous de l’imposant Pic de Gerbats (2904m) n’est pas la partie la plus agréable, c’est le fameux Pas de Gerbats. En effet, il s’agit de désescalader sur environ 50m sur du terrain pas stable du tout, c’est très penché, non protégeable, et y’a environ 300m de gaz en dessous. Ambiance. C’est ni difficile, ni long, mais faut pas merder. La suite jusqu’à la crête est plus facile, même si ça reste quand même très expo à droite en dessous de nous !

L’avantage d’avoir atteint l’arête, c’est qu’on est maintenant au soleil, et du coup, non seulement il fait moins froid, mais on peut faire quelques belles photos, enfin surtout Aurél !!

A partir de là, on chemine donc sur le fil de l’arête… alors ledit fil est parfois très fin, et à d’autre endroit plus large. Par contre, ce qui est constant, c’est le gaz : en permanence, que ce soit à droite côté cirque, ou à gauche côté Ibérique, le vide est toujours présent !

L’arête est vraiment agréable, ça monte et ça descend… avec quelques passages d’escalade facile où il faut poser les mains. Ça reste dans du II/II+ , mais toujours avec du vide en dessous, ce qui donne une saveur particulière à chaque pas.

Il avait neigé quelques jours plus tôt, une bonne grosse dizaine de cms autour de 3000m. On était donc un peu inquiet sur la présence potentielle de neige et/ou de glace dans les endroits techniques, mais au final, et même si on a fait un peu la trace en dessous de la petite Munia, la neige ne nous aura pas trop gêné… et heureusement, parce que, comme d’habitude, les crampons étaient restés dans la voiture !!

Le "crux"

Dans toute sortie alpi ou Grande Voie, il existe toujours un point ou passage où la difficulté est la plus grande, on appelle ça le « crux » de la voie, on a eu un petit débat interne se demandant pourquoi ce nom et d’où ça venait… le résultat de la réunion n’a pas été très clair, toujours est-il que dans notre cas, le crux, c’est l’arête pour monter au Serre Mourène, un beau mur il est vrai :

Ça peut effectivement déstabiliser les moins barbus d’entre nous quand on se retrouve au pieds de cet espèce de pilier, mais le topo dit que c’est du III/III+ en cotation escalade, alors ça devrait le faire, surtout qu’une corde a été installée récemment pour passer le 1er pas qui aurait pu effectivement obliger certains à mettre un ou 2 friends et une corde. Mais la bonne nouvelle, c’est que le cailloux, bien qu’assez froid, et très bon et très sein, avec des mains très bonnes. Ça grimpe un peu, et on se prend à placer une ou 2 lolottes, c’est vraiment agréable sachant que même si ce n’est pas difficile, le gaz est toujours là, et bien que bonnes, il ne s’agirait pas de les lâcher, les prises ! C’est quand même bien expo.

Ce passage est vraiment chouette, il est assez impressionnant quand on le voit de de loin (voir photo ci-dessous, c’est l’arête du « mamelon » central, pour se rendre compte de la taille, nous, on est touts petits, au 1er plan en bas !!) mais au final ça se passe pas mal, et c’est surtout super agréable tant le rocher est sein, on a presque l’impression d’être bon en escalade !

El Pico de la Munia

Le point le plus haut de notre petite balade aérienne, c’est la Munia… mais bien que dominant tous les autres sommets alentours, ce n’est pas le plus difficile. Une fois au sommet de Serre Mourène, une descente très facile, puis une remontée tout aussi facile, à part la neige, permettent d’atteindre la petite Munia, à 3096m. Mais ce n’est qu’une étape, et quelques up and down plus tard, on atteint les 3133m de la Munia, et bien entendu, on en prend plein les yeux, la vue à 360° est impressionnante (et dire que quand j’y étais monté au Printemps, je ne voyais pas à 10m, j’ai bien fait d’y revenir !!) :

Pour redescendre en direction du col de la Munia, on continue encore sur le fil de l’arête, mais ce n’est pas forcément facile, on est toujours sur du II/II+, mais en descente, et il y a même un passage en dalle très peu confortable (le "Pas du Chat")… tant est si bien qu’une chaine a été installée à demeure, ça évite d’avoir à sortir la corde pour poser un petit rappel !!

Ce qui est magique avec cette course, c’est que même quand on finit par commencer à redescendre, on continue à avoir une vue extraordinaire :

Une fois au col de la Munia, 2 possibilités, soit il est possible de poursuivre sur l’arête, bien qu’il n’y ait plus de 3000, cela reste très aérien et encore très long (3-4kms), soit mettre un coup de volant à droite et descendre par la Voie Normale de la Munia (Face Nord). Au vu des contraintes horaires pour revenir à Toulouse (cf. ci-dessous), décision est prise de basculer dans la face pour nous permettre de na pas rater l’apéro !

La descente est bien cairnée, presque trop, y’en a partout, c’est toujours très minéral et plus on descend plus on se rend compte que ce cirque est quand même énorme et on se sent vraiment touts petits :

La préparation

C’est rien de la dire, la préparation de cette course a été poussive, la faute en revient essentiellement à la météo, mais pas que… en effet, c’est début Août que l’affaire est lancée pour le WE suivant ; après environ 428 WhatsApp, une belle équipe se monte, tout le monde est surmotivé. Mais patatra, la météo nous pète dans les doigts, et on est obligés de reporter, tout le monde souhaitant en effet profiter au maximum des panoramas incroyables, et ne pas se balader sur l’arête dans la brume en mode Gilbert Montagné ! Et là, c’est parti pour un enchainement d’indisponibilités et d’absences de météo collaborative : on a dû planifier puis décaler la sortie au moins 5 ou 6 fois.

Si on rajoute par-dessus tout ça une évidente absence de volonté de compréhension de certains :

Bon alors, c’est bon ? On va faire l’arête Salanques Tempêtes, c’est ça ?

Ju

Tout ça a bien failli faire capoter l’histoire ! Un paramètre supplémentaire à gérer, fût l’accès au site : pour ceux qui connaissent, la route d’accès à Luz est coupée, au niveau des gorges. Cela complexifie pas mal l’accès, et oblige à passer par le col du Tourmalet, le tout bien sûr en gérant, plus ou moins bien, les (nombreux) camping-cars qui, dans les lacets, ont la fâcheuse tendance à avancer à la vitesse d’une tortue sous Tranxene (et je ne mentionne même pas ceux qui s’arrêtent carrément au milieu… pour regarder les vaches, véridique !!!).

Conclusion

Pour faire écho au fait que bien que située sur la frontière, c’est uniquement des cordées ibériques que nous avons croisées, en reprenant le titre, ce fût vraiment une journée de Puta Madre. Tout était parfait, du début à la fin, c’est vraiment génial d’avoir eu la chance, après avoir pas mal attendu, de tomber sur une fenêtre météo idyllique ! Et le lieu… pas facile de décrire ce qu’on ressent là-haut, mais voilà ce qu’en disait un des plus célèbres pyrénéistes à propos de la Munia :

La splendeur de la vue est devenue proverbiale. Le Mont-Perdu fait presque autant d'effet que le Mont-Blanc

Henry Russel

NobruDude
Texte, Photos NobruDude
Enjoy the ride...

10 Commentaires

lekrivain Le "rocher sein" où il y'a de "bonnes mains" est aussi resplendissant que le Mont Perdu :D
Superbe reportage, comme d'hab, mais fait gaffe, bientôt les alpins vont finir par débarquer en masse dans les Pyrénées.
NobruDude Pas de souci, y'a de la place pour tout le monde ;)
 

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yrlab Course collector, la patience a bien été récompensée ! Bonne narration de cette journée inoubliable !!!
 

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BOOZ Joli! Sur le passage le plus grimpant, le rocher n'avait l'air pas bien sain, mais apparemment c'est qu'une impression.
Good job!
 

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BOOZ [edit] pas sain sur la première photo je voulais dire. Sur les photos suivantes, ça q l'air bien prisu comme il faut ;)
NobruDude Le caillou est pourri au début (pas de Gerbats) mais pas pire après, voire même très bon sur le pilier de Serre Mourene :D v)
 

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