Pyrénéisme :  Le pic Marboré (3248 m) et la grotte Devaux

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Pyrénéisme : Le pic Marboré (3248 m) et la grotte Devaux

Une course exceptionnelle entre le cirque de Gavarnie et le Mont-Perdu
article été
yrlab
Texte :
Photos :
Aurélien Labry
Cet article est issu du mag communautaire skipass.com, dans lequel les membres de notre communauté peuvent partager librement leurs plus belles histoires de montagne. Publiez la votre !

Une motivation sérieuse

C’est en m’intéressant à l’histoire du pyrénéisme et en regardant la carte IGN de Gavarnie que j’ai découvert l’existence des grottes glacées permanentes dont certaines font partie d’un réseau hydraulique souterrain des plus hauts d'Europe. La grande cascade du cirque de Gavarnie est alimentée par une résurgence qui décharge un réseau souterrain venu du Mont-Perdu (3355 m, 3ème de la chaîne pyrénéenne) à quelques kilomètres derrière le cirque. La source du gave de Gavarnie et donc du gave de Pau a bien une origine hispanique ! Juste au-dessus de cette résurgence, il se cache la grotte Devaux (2820m). C'est une des cavités glacées les plus intéressantes à visiter parmi la quinzaine réparties sur le massif: bouchon de glace translucide, glace noire millénaire, cristaux de glace et de gypse…

Pour aller voir cette grotte qui est au centre du cirque de Gavarnie, juste sous la crête des « 3000 », deux axes d’itinéraires sont possibles : par l’Ouest en passant par la Brèche de Roland ou par l’Est, en gravissant le seigneur du cirque, le pic Marboré (3248 m). Très peu de topos disponibles et peu précis, peu de photos mis à part quelques expéditions: au vu du niveau d'engagement et de la longueur d'accès, forcément ça se bouscule pas au portillon et ça m'attire comme un aimant !

Avec mon ami Laurent très bon connaisseur du massif du Mont-Perdu, nous décidons d’aller voir cette fameuse grotte en passant par le pic Marboré. On sait d’avance que la course va être physique, engagée et (très) longue. Rien que pour atteindre ce dernier, en passant par les Rochers Blancs, ce n’est pas moins de 1900 m de dénivelé positif dont les 300 derniers en escalade facile mais bien exposée. Nous partons chacun avec un sac à dos contenant piolet, crampons, harnais et accessoires, frontales, 30 m de corde et mon APN Réflex. Poids de mon sac : 9 kg

Une belle et longue ascension 

7 h 00 : A l’aube, nous quittons le village de Gavarnie (1380 m) encore bien endormi, on croise seulement deux commerçants qui s’affairent au rangement de la terrasse du bistrot. Le ciel affiche encore quelques étoiles dans un bleu limpide. La crête du cirque se découpe merveilleusement et le Marboré semble si loin et si haut ! On quitte rapidement le gave de Gavarnie en bifurquant à l’Est pour la Hourquette d’Allans en direction du refuge des Espugettes. Le sentier historique, large et empierré monte progressivement. La pente devient vite soutenue. On sort d’une belle forêt pour arriver sur le plateau de la Pailla, les vaches présentes semblent y passer un excellent séjour. Les sommets occidentaux du cirque et celui du Taillon (3133 m) commencent tout juste à être illuminés d’un soleil flamboyant, on les croirait presque en feu.

Ne comptant par sur le réseau, nous sortons la carte IGN pour repérer le meilleur cheminement pour trouver le sentier historique des Rochers Blancs. Cet itinéraire permet de passer plusieurs falaises étagées et rejoindre le col d’Astazou (2951 m) donnant accès à notre premier objectif de la journée, le pic Marboré. Une fois le sentier trouvé, bien marqué de peintures jaune et rouge, on arrive rapidement dans un terrain déversant et caillouteux. On reste debout la plupart du temps mais il faut les mains de temps à autre pour passer certaines petites falaises. La chute n’est permise en aucun endroit, on est concentré et prend un dénivelé important continuellement. La beauté du cirque et des sommets environnants est croissante tout du long de la montée et de l’élévation du soleil.

Vers 2300 m on croise quelques cascades bien maigres du canyon d’Astazou-Barrade (faisable en canyoning mais grosse mission) puis vient un pierrier pentu mais assez stable pour gagner le glacier Ouest du Marboré. Il est réduit à 2oo mètres de longueur pour 100 de largeur. La neige est en béton armé mais vu la faible inclinaison, nous ne sortons pas les crampons. A l’extrémité Est du glacier, on emprunte un dernier canyon rempli de blocs de calcaire jaune très lumineux. Après une dernière vire, le col d’Astazou nous éclaire soudainement après une montée de 4 heures (1600D+). Le panorama sur le Mont-Perdu inédit pour moi me subjugue : mes yeux font des aller-retours sur le vaste désert minéral séparant le lac du Marboré et la face Nord du Mont-Perdu. Tout est bercé d’une lumière incroyable mis à part le monarque du massif qui reste protégé par un gros nuage bien gris. L’éclaircie pour immortaliser le glacier éclairé n’est pas pour de suite. 

L’arrête Nord du Marboré

Après une courte pause et une mise en place des harnais pour les 300 derniers mètres de dénivelé, on part sur une arrête grossière puis on bascule rapidement sur le côté français sur des gradins déversants plus ou moins sécurisant. On vérifie les prises de main mais dans l’ensemble la qualité du rocher est plutôt bonne. On rencontre de belles parois stratifiées, plissées, des micro-fossiles et des incrustations de quartz importantes. Une fois passé le premier ressaut d’une centaine de mètre, il en reste encore deux autres assez imposants avec le passage d'un petit col. La vue, en progressant sur la crête, est magistrale. Les cheminées sont agréables à grimper mais il y a régulièrement des passages exposés avec un sol un peu trop roulant…La corde a servi une seule fois pour un pas et c’est tout.

Après le dernier ressaut, la dernière croupe amène directement sur un vaste terrain couvert de roches brisées telles des briques cassées tant en forme qu’en couleur. C’est la première fois que je gravis un sommet de plus de 3000 mètres offrant une esplanade si gigantesque. Henry Russel disait « C’est une espèce de Champ-de-Mars : 20000 hommes y tiendraient facilement », il avait raison, j’y verrai bien un festival de musique ! Le sommet du Cylindre du Marboré (3328m) est tout proche, moins d’un kilomètre à vol d’oiseau, et s’intercale habilement avec le Mont-Perdu. Son esthétique en impose et la face exposée semble inaccessible. La vue plongeante sur le cirque de Gavarnie est magique : 1200 mètres de vide sous les pieds, on croirait presque voler ! Le Mont-Perdu est toujours avec son nuage de Damoclès, dommage !

Désert minéral

Après 5h30 d’ascension et 1900 m D+, la pause est courte car il faut maintenant penser au second objectif : la grotte Devaux ! Laurent évalue l’atteinte de l’entrée de la cavité à deux heures de marche. J’ai du mal à quitter le Marboré tant les paysages à observer sont captivants mais nous avons une bonne raison. On descend graduellement des pierriers et falaises jusqu’à perdre 300 mètres d’altitude. On passe des roches rouilles à la couleur gris béton de façon soudaine. Il y a des cairns mais pas partout donc il faut piloter à vue dans les lapiaz profonds et petites falaises. Là encore la carte IGN nous aura bien servi pour se situer exactement et ne pas perdre un temps précieux . 

Le paysage est hors du commun, c’est vraiment lunaire et sévère comme un désert : les abris sont plus que rares et il n’y a pas d’eau disponible mis à part des restes de névé. On se sent vraiment minuscule dans cet environnement hostile et sauvage. Le sommet du Tobacor encerclé par le majestueux canyon d’Ordesa est une pure merveille de la nature ! On dirait une soucoupe volante fossilisée.

Demi-but

On finit par rejoindre la crête du cirque de Gavarnie et le pied du sommet dit « l’Epaule », au col de la Cascade (2938 m). Juste avant, Laurent a glissé sur quelques mètres et son avant-bras a été un peu lacéré mais cela reste superficiel. Il s’agit désormais de plonger dans le cirque en suivant des falaises de l’Epaule par un pierrier très engagé. De gros blocs parsemés au départ permettent de sécuriser mais la suite une pente de 35/40° avec une alternance de pierrier souple et débris recouvrant finement de la roche plutôt lisse. C’est la pente d’un ancien glacier…Content de ne pas avoir un sac à dos trop encombrant et lourd et une précieuse paire de bâton pour éviter toute glissade. 

Il est 15h30, après 200 mètres de pierriers, on fait face au 4ème étage du cirque. Il est nécessaire de goûter au sandwich qui me faisait envie déjà depuis un moment. Je repère l’accès avec un pierrier à remonter qui fini à côté de la voute d’entrée douchée par une cascadelle. Au vu des 3 heures de retour qu’il nous reste et de l’heure du moment, nous prenons la décision cruciale et fâcheuse de devoir remettre cette visite en faisant une course d’approche plus courte. 

Retour imprévu

Nous sommes sur le 3ème étage du cirque de Gavarnie et il faut désormais rejoindre le refuge de Sarradets en longeant les falaises de la crête (cf photo itinéraire à main levée), en passant sous la Tour du Marboré (3009 m). Là encore, concentration maximum pour évoluer sur des gradins de pierriers déversants et de nombreux passages exposés. Il faut vraiment rester serein car on ne peut rien en terme d’assurage. 17h00 :cela fait dix heures de bonheur sans voir personne, on a vu que des vaches et beaucoup d’isards sur notre chemin. Nous rencontrons soudainement deux randonneurs assis dans la pente que nous traversons. L’un d’eux vient de se faire une entorse à la cheville et marche difficilement. Ils sont à une demi-heure du refuge et deux heures de la voiture…

Laurent qui a une forte expérience en secours en montagne déclenche le 112 pour un hélitreuillage. Nous sommes alors à 2500 m d’altitude, sur un pierrier pentu : l’hélico. ne posera qu’une pale. Après 1h30 d’attente, un lointain bourdonnement se fait entendre et puis très rapidement la gendarmerie effectue plusieurs vols de repérage même si le groupe est très visible. Le randonneur entorsé est évacué spectaculairement avec les deux énormes sacs à dos du binôme malchanceux. Il est 18h30, nous prenons la décision de rentrer au col des Tentes avec Guillaume pour retrouver sa voiture et redescendre au village de Gavarnie.

Il nous faudra deux heures et en marchant à un bon rythme. Après un parcours de 27 km et 2500 m de dénivelé positif, nous avons bien apprécié les produits des micro-brasseries locales ! C’est sans aucun doute ma plus belle ascension estivale d’un 3000. Ce pic célèbre, si plein de caractère et de grandeur, figure parmi les plus beaux observatoires des Pyrénées avec le pic du Midi de Bigorre. Ayant récolté d’autres informations concernant la grotte Devaux, j’ai pour objectif d’y retourner mais avec une approche moins longue laissant suffisamment de temps pour découvrir cette curiosité naturelle exceptionnelle.

yrlab
Texte yrlab
"Ascensionner, sentir, écrire"
Henri Béraldi

11 Commentaires

G au top, comme toujours...
yrlab Merci ! Ce mag. communautaire est le cran ultime pour la communauté de montagnards que nous sommes! Merci! J'espère qu'il va être bien alimenté cet hiver ;)
 

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NobruDude Dommage pour la grotte, mais ça faisait vraiment chaud timing dans la journée... et maintenant, ça doit être bien bouché par la neige :P :D
yrlab Oui programme trop présomptueux :) mais la neige va fondre rapidement et peut-être une fenêtre en octobre ;)
 

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volcomride Ce n'est pas le canyon d'Añisclo mais celui d'Ordesa qui est autour de la Punta Tobacor.
yrlab Oui, fourvoiement! ;) c'est corrigé, merci pour ta lecture attentive !
 

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Desman31 Superbe rando et non moins superbes photos ! Par contre c'est le canyon d'Ordesa qui s'enroule autour du Tobacor (le refuge de Goriz est au bout). Anisclo est un canyon plus à l'est...
 

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volcomride Et il me semble que le Marboré fait 3248m et non 3251m
yrlab C'est ma carte espagnole qui m'a foutu dedans, l'IGN indique bien 3248 m !
 

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