Depuis que Saddam a été pendu, je lis dans les journaux, je vois à la Tv des rétrospectives historiques qui me laissent dubitatifs. Succinctes, synthétiques, imprécises, occultant des pans entiers de l'histoire Irakienne nécessaire à la compréhension de pas mal de choses, il est n'est pas étonnant ensuite que le citoyen "moyen" en soit amené à faire des remarques insensées telle comparer Bush à Saddam
Entendons nous bien : je ne suis ni un pro Bush ni un supporter de Saddam, précision obligatoire ici, car il suffit de ne pas écrire "à mort quelqu'un" pour qu'automatiquement on nous taxe de "pro quelqu'un", d'avoir une carte dans je ne sais quel parti, d'être le porte parole etc, etc.... Bref, pas de juste milieu.
Quelques remarques toutefois, vu que j'ai un peu de temps ce matin pour discuter du sujet!
J'aimerai surtout discuter du rôle de l'Europe et plus particulièrement de la France dans la crise Irakienne, du mandat Britannique à l'accession au pouvoir de Huissein. Pour commencer, tout le monde sait que la répartition ethnique de l'Irak se compose de 75% d'arabes et de 20% de Kurdes. Première erreur des médias, ils confondent et mélangent trop souvent religion et ethnie en faisant un amalgame entre musulmans/arabes/Chi'ites/Sunnites.
La composition religieuse de l'Irak est un des facteurs inhérents à la guerre civile actuelle alors que paradoxalement, l'accession au pouvoir et l'ossature du régime de Hussein reposent sur l'élite arbo-sunnite qui existe depuis la période monarchique.
La guerre civile actuelle prend appui sur le fait qu'un pays composé de 65% de Chi'ites et de 25% de sunnites, et de chrétiens issus de la communauté assyrienne ai été pendant des années sous la coupe de la minorité sunnite. Il s'agit de l'essence même de cette guerre civile qui est avant tout une guerre religieuse. Il est donc complètement faux d'attribuer aux américains la responsabilité totale des évènements en Irak. Bien sûr qu'en renversant un despote qui muselait la majorité Chi'ites, ils ont permis à ceux-ci de régler leurs comptes avec leurs ennemis héréditaires, les sunnites, mais cet état de fait doit être imputé à l'histoire même du pays. La répression violente des populations chi'ites au lendemain du soulèvement de 1991 est un élément important dans la compréhension de la crise actuelle.
On pourrait même, si on remonte dans le temps attribuer cette responsabilité à la France et surtout à la Grande Bretagne
Tout a commencé en 1916 avec les accords Sykes-Picot, accords Franco Britanniques qui démantèlent l'Empire Ottoman. Les anglais occupent pendant quelques années l'Irak, qui devient un état en 1920 (conférence de San Remo). Les anglais intronisent Faycal à la tête du pays, fils du chérif de la Mecque et figure de proue de la révolte arabe (regarder Lawrence d'Arabie, vous comprendrez cet épisode). Il s'agit là d'une première et grave erreur qui va sceller le destin de l'Irak jusqu'à nos jours. En effet, pour contrer les révoltes des populations chi'ites, les anglais vont s'appuyer sur quelques officiers sunnites dont ils vont conforter la position dominante en dépit déjà, d'un équilibre légèrement favorable aux chi'ites (51/49) Ce rapport de force va alors s'instaurer pour durer et surtout se conforter de façon importante!
En 1930, les Britanniques mettent fin à leur mandat en Irak qui obtient l'indépendance. En 58, un groupe d'officiers nationalistes de gauche instaure une république, exécutant au passage Faycal. Le gouvernement du Général Qassem engage la libéralisation des partis. Cette action est ressenti de façon positive par l'occident qui commence à voir ici, un état tampon contre le nationalisme arabe en train de monter dans la région. Le seul problème, c'est que le parti Ba'th, parti syrien fondé par un chrétien et qui repose sur la défense de l'idée de l'unité de la nation arabe est en train d'imposer un courant contestataire, favorable d'ailleurs à un rapprochement avec Nasser. Les frères Aref prennent le pouvoir par un coup d'état ba'thiste en février 63. Répression des anciens partis et des communistes, pouvoir exercé par l'armée et constitution d'un Conseil national du commandement de la révolution.
Le général Ahmad Hassan al-Bakr, cousin de Hussein, prend la présidence, celui-ci devenant secrétaire général du parti et vice-président du Conseil. La répression installe, Saddam poursuit son ascension jusqu'en 79. Son arrivée définitive au pouvoir est marquée par des exécutions (environ 500 dont son propre cousin Hassan) C'est à partir de ce moment que Saddam comprend l'importance des allégeances tribales. Il assoit alors son pouvoir sur sa famille élargies, les al-Majid, le clan des Takritis (sa ville d'origine). Il place les sunnites dans l'armée, le parti Ba'th, les hydrocarbures.
L'histoire ensuite est assez connue : guerre Iran-Irak, répression des Kurdes, guerre du golf, soulèvement Kurde et chi'ite, contrebande pétrolière, etc, etc.... Ca on l'a tous vu dans les journaux!
Il est surtout intéressant d'analyser les éléments qui font qu'aujourd'hui les bombes explosent en Irak. La guerre civile s'est instaurée, oui, mais pourquoi?
A suivre.....
inscrit le 19/12/05
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