En master de traduction, mon mémoire portait sur le matériel de ski alpin, ou plutôt sur la terminologie du matériel de ski alpin : une étude des termes techniques qui désignent toutes les composantes de votre matos. Voici la première partie du mémoire, celle que vous trouverez la plus intéressante peut-être : la présentation du matériel. Je poste aujourd'hui le chapitre 1, qui vous dira (presque) tout sur l'histoire du ski.

Le XXème siècle a connu l’expansion des sports d’hiver et leur démocratisation. Les vacanciers sont chaque année plus nombreux sur les pistes de ski et les compétitions se multiplient. Ce qui est devenu un sport largement pratiqué en Europe, en Amérique et au Japon était à l’origine le mode de déplacement idéal à travers les plaines enneigées de Scandinavie et de Sibérie. L’évolution de la pratique a, dans une large mesure, conditionné celle du matériel.

Dès le néolithique, les peuplades des zones arctiques ont fixé de longues planches de bois à leurs pieds pour glisser sur la neige, en se poussant à l’aide d’un grand bâton. À l’époque des grandes glaciations, ces outils leur étaient nécessaires pour suivre les migrations des troupeaux de rennes qui assuraient leur subsistance. Des skis fossilisés et des peintures rupestres découverts en Russie et en Scandinavie attestent d’une pratique vieille de plus de six millénaires. A partir du Xème siècle de notre ère, le ski se développe fortement en Suède et en Norvège, en particulier à des fins militaires : ainsi, il fait ses preuves lors du soulèvement de la Suède contre l’occupant danois en 1522. En 1555, Olaus Magnus recommande, dans son HISTORIA DE GENTIBUS SEPTENTRIONALIBUS, l’usage du ski pour l’ascension des montagnes, la chasse, les expéditions militaires et témoigne même des premières compétitions sportives.

C’est seulement dans les années 1860 que le Norvégien Sondre Norheim adapte l’équipement à la descente. Ses skis, qui mesurent environ 2,5 mètres de long et sont équipés de fixations, sont produits à grande échelle à Télémark. Ils sont cambrés et légèrement cintrés en leur centre : c’est le modèle des skis du XXème siècle. Au même moment, la traversée du Groenland à ski, par Fridtjof Nansen et ses compagnons, en 1888, fait connaître ce nouveau mode de déplacement à d’autres pays qui contribueront largement à son évolution. Ainsi, en France, c’est d’abord l’armée qui entreprend, sous l’impulsion du Capitaine Clerc et à l’exemple des troupes italiennes, d’équiper de skis les régiments d’infanterie alpine. Une première école est fondée à Briançon, où les soldats apprennent non seulement à utiliser leur matériel, mais aussi à le fabriquer. Bien que discrets durant les grands conflits du XXème siècle, ces régiments ont joué un rôle important en donnant une première impulsion au ski « civil ».

Dans les années 1920, le ski devient un sport pratiqué par une plus large frange de population. Vacanciers et curistes, venus profiter de l’air pur de la montagne, s’initient aux joies de la glisse. La nouveauté du concept attire un nombre croissant de touristes, parmi lesquels les étrangers ne sont pas en reste, en particulier les Anglais. Les villages de montagne deviennent des stations de ski, équipées de remontées mécaniques et d’hôtels. Les écoles de ski ouvrent leurs portes, les premiers Jeux Olympiques d’hiver sont organisés à Chamonix en 1924. Stimulés par une forte demande, les fabricants mettent au point une quantité d’innovations, en particulier dans le domaine des fixations ; le grand bâton unique disparaît au profit d’une paire de bâtons plus courts ; les skis présentent des caractéristiques différentes selon qu’ils sont conçus pour le fond, le saut ou la descente. Les artisans sont peu à peu supplantés par des entreprises de plus grande envergure, dont Rossignol qui accèdera au rang de premier fabricant mondial. Jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale, le ski se démocratise. Les pentes enneigées voient venir à elles des pratiquants encouragés par les congés payés et le développement des infrastructures de transport dans les vallées alpines.

Dans les années 1950, les sports d’hiver connaissent un nouvel élan. Les fixations de sécurité se généralisent, les skis alpins diffèrent par des caractéristiques spécifiques pour la descente, le slalom, le slalom géant ou le kilomètre lancé. Les chaussures à coque plastique se répandent. Puis de nouveaux concepts voient le jour : notamment, le monoski, large planche sur laquelle les pieds sont attachés côte à côte face à la pente, fait fureur dans les années 1980. Il est vite englouti par la vague du surf des neiges, appelé snowboard, qui séduit une population jeune. À la fin des années 1990, celui-ci provoque une révolution majeure dans le monde du ski, qui avait alors l’image d’un sport plus basé sur la performance que sur le plaisir. S’inspirant de la silhouette en « taille de guêpe » très accentuée du snowboard, les skis deviennent paraboliques et raccourcissent pour faciliter la conduite des virages.  De nouvelles pratiques, plus ludiques, se développent en même temps : le freestyle, sorte de ski acrobatique, et le freeride, consistant à aller chercher la poudreuse en dehors des domaines aménagés. Les skieurs, sans cesse plus nombreux, sont chaque hiver environ 8 millions à dévaler les pistes des montagnes françaises.

Au fil des années, le matériel de ski alpin a profité des avancées technologiques pour s’adapter aux évolutions de la pratique. Dans ce paysage évoluant sans cesse, on peut toutefois définir des constantes. Le skieur est chaussé d’une paire de skis, rattachés par des fixations à des chaussures spéciales ; il tient en main une paire de bâtons. Les chapitres qui suivent décrivent donc l’équipement en exposant les innovations les plus remarquables à l’heure actuelle.