Par contre, Bert05, je viens de lire la partie "polémique" sur la minimisation du rôle de l'URSS face au nazisme et je ne suis pas d'accord avec tout. Pour ceux que ces détails historiques n'intéressent pas, passez votre chemin, ça va être long, technique et sans lien avec le sujet du topic (quant au ski... mais quand on voit les dernières sorties GFS pour les Vosges...).
- Le pacte germano-soviétique a été opportunément présenté comme une manœuvre "en attendant la vraie confrontation". C'est un peu de la justification post-1941.
En 39, tout n'était pas si clair dans la tête de Staline, qui espérait que nazisme et capitalisme démocratique allaient s'annihiler. S'il préparait l'attaque inéluctable d'Hitler, pourquoi attaquer la Finlande et les pays baltes plutôt que d'en faire des alliés ou un glacis ? Pourquoi pousser les communistes français à saboter l'effort de guerre en septembre 39 (d'ailleurs, sauf erreur, Thorez part à ce moment-là à Moscou) si l'on ne veut pas donner un avantage à Hitler ? Pourquoi accepter la livraison de matières premières et nourriture en plus, alors que la non-belligérance était déjà inespérée pour Von Ribbentrop ?
- Les soldats et armements allemands détruits par les Russes sont effectivement énormes, comparativement aux résultats alliés. Je crois que les seules pertes nazies de Stalingrad dépassent toutes celles du front ouest.
- Cependant, Roosevelt indique dès le 8 décembre 1941 "Europa first". Si les Russes n'avaient pas existé, nul doute que le gros des moyens lancés contre le Japon l'auraient été d'abord contre les allemands. A commencer par la bombe A, imaginée pour eux.
- Dans la morale anglo-saxonne dominante de l'époque (je ne parle pas des Kennedy père, Ford et autres Edouard VIII, au final minoritaires et plus représentatifs d'une élite décadente que de la masse des gens), les Nazis sont assimilés à l'antéchrist. Churchill dit, à propos de Staline qu'il considère comme infréquentable : "Le jour où Hitler attaque l'Enfer, je m'allie avec le Diable".
- Personne ne s'en rend compte sur le moment (d'où les grosses conneries du genre Laval qui espère en 42 la victoire de l'Allemagne, qu'il imagine inéluctable ) mais depuis tous les historiens sérieux en conviennent : dès la contre-attaque de décembre 41 devant Moscou (époque où les Russes n'ont pas encore opéré les sacrifices délirants de 42-45), on sait que l'Allemagne, à plus ou moins long terme, perdra la guerre. Certains disent même que le réel basculement, le sacrifice le plus important (en conséquences, pas en nombre de vies humaines) est celui des Anglais entre juin 40 et juin 41. Ils sont seuls, au bord de l'effondrement, les sous-marins de l'Atlantique sont au fait de leur puissance et les Britanniques pourraient améliorer leurs positions (notamment en Afrique, les Français étant ultra affaiblis) en faisant la paix. Au lieu de ça, George VI, frère d'Edouard le pro-nazi (mené par sa bite elle-même dirigée par Wallis Simpson, on est loin de la romance façon Mayerling), décide de risquer la vie de ses deux filles, dont Elizabeth, en les laissant sous les bombes du Blietz. Y'a pas beaucoup de trucs bien dans l'histoire, mais là, chapeau ! C'est pour ça qu'il ne faut jamais se moquer d'Elizabeth II, même si son sillage pullule de chapeaux ridicules et de Harry-Charles-Camilla foireux et malsains ! D'autant plus que l'armée anglaise est à peu près la seule (avec, paradoxalement, les Italiens) de cette époque à ne pas avoir commis de réelle exaction (exception faite du bombardement de Dresde, et encore, ça se discute).
- Attention aux données brutes ! En gros, 75 morts russes pour un américain. Oui mais ! Aucun américain civil pris au milieu des combats, aucun prisonnier traité comme les russes, pas de sous-développement aux USA avant 1939, donc pas de morts dues à la faim, aux maladies, etc.... Beaucoup de morts russes ne découlent pas de l'esprit de sacrifice mais de circonstances défavorables.
Par ailleurs, la stratégie des maréchaux russes est sanguinaire et souvent merdique. Ils préfèrent lancer des tonnes de fantassins "chair à canon" plutôt que temporiser ou élaborer une stratégie plus technique. Ils sont restés à Foch modèle 1918. Ils négligent (et n'ont pas les moyens de faire autrement) le traitement des blessés.
Au total, pour un même nombre de soldats allemands mis hors de combat et le même gain territorial, les historiens ont calculé que les russes faisaient mourir 10 de leurs soldats là où les américains "consommaient" 1 seul GI.
Le sacrifice est immense, c'est clair (par exemple à Leningrad les gens finissent par bouffer des chats, la colle des papiers peints....) mais même avec un état d'esprit similaire, les anglo-saxons auraient eu beaucoup moins de morts !
- Sur le moment, les décideurs ont des certitudes, ils ne savent pas tout. 70 ans après, on découvre des trucs. Par exemple, on pensait que les bombes A étaient la seule raison de la reddition japonaise. Aujourd'hui on sait que l'attaque russe en Mandchourie les inquiétait aussi beaucoup et que si Hiro Hito avait été moins "humaniste" (toutes proportions gardées, parce que rien que de le dire, ça fait bizarre....), et les élites un peu moins "normales" (même remarque....), la caste des officiers subalternes aurait continué le délire jusqu'à une sorte de hara-kiri collectif rayant le Japon de la carte.
Donc le rôle immense des russes ne doit pas être exagéré au-delà de la réalité historique désormais assez bien cernée.
Au-delà des faits, si on se place sur le plan de la morale, du sens de l'histoire, de l'élan des peuples, ce que semble vouloir faire ce site (en tout cas c'est comme ça que je le comprends), le communisme (qui se dit en 1944, en France, la parti des fusillés) ne sort pas grandi. La démocratie si.
Le moujik de base n'a pas le choix. Il déteste souvent Staline (surtout en Ukraine et à la campagne) mais que faire quand tu es entouré de dingues (les Schleuhs, le NKVD, les nationalistes ukrainiens qui abattent des milliers de Juifs, les Partisans qu'il faut ravitailler sous la menace, etc....) ?
L'Anglais, lui, a le pouvoir de dire, par le biais de son député aux Communes ou lors des élections, ou encore dans la presse, qu'il juge Churchill bloqué sur les Dardanelles et qu'il aimerait un Pétain rossbiff. S'il accepte d'envoyer son fils en Lybie plutôt que de demander la fin du service militaire exceptionnel, c'est en toute connaissance de cause et c'est un libre choix.
Le Russe est une victime qui mérite notre compassion, l'Anglais un citoyen anti-fasciste qui mérite notre admiration.
inscrit le 11/11/03
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