Je n'avais jamais fait de ski de randonnée, mais l'idée me chatouillait depuis longtemps. Des rythmes lents et du silence qui rapprochent de la nature et permettent à l'esprit de s'évader... Monter tranquillement dans de beaux paysages déserts, s'offrir de la belle poudreuse vierge à la descente...

Donc ce dimanche matin de février, quand Maman a dit qu'elle aimerait bien éviter la foule des vacanciers, et que Louis a proposé un petit itinéraire facile en ski de rando, je n'ai pas attendu pour me manifester ! Xavier nous a rejoints et un peu plus tard nous étions, les trois néophytes, dans le magasin de location. Pas de problème pour nous équiper Maman et moi, par contre pour Xavier c'est une autre paire de manches. Enfin, de pieds. Pas de chaussures de rando en taille 50, impossible de fixer ses chaussures alpines sur les skis dont l'écartement maximal des fixations est trop court, il devra donc monter en... raquettes ! Ce qui résout seulement la moitié du problème, parce qu'il n'a avec lui que des chaussures de ville, ni bottes ni chaussures de rando. Il finit donc par louer des boots de snow. Et pour descendre ? Un snow ? Ce serait trop simple ! Mais non, car toutes les planches sont trop étroites pour les chaussures. Plutôt que de porter sur le dos ses skis et ses chaussures, il opte pour une solution plus légère et presque aussi efficace : la pelle-luge. Oui, le ski de rando peut aussi se pratiquer en raquettes et pelle-luge, l'ignoriez-vous ?


Heureusement on ne va pas loin, dans un secteur qu'on connaît après des décennies de ski à Peisey : objectif le col de la Chal, en contournant l'Aiguille Rousse par le sud. Nous chaussons les skis au pied du vieux Parcher et Louis, notre guide et moniteur du jour, nous donne quelques explications sur l'usage des couteaux et de la cale. C'est parti ! L'itinéraire commence par le chemin damé qui conduit de Plan Peisey aux Vernettes, idéal pour prendre le rythme en douceur. Nous passons sous la chapelle et nous dirigeons directement vers l'oratoire où nous remplissons les gourdes. Là, le chemin devient un minuscule sentier que nous devinons à peine sous la couche de neige. La pente est raide, il ne faut pas dégringoler en contournant les buissons d'épineux mais nous suivons sagement les courbes de niveau. Premières conversions pour passer une marche, c'est un peu laborieux !


Bientôt arrivés au ruisseau de Poncet, c'est en entrant dans la forêt que nous nous trompons de chemin en allant trop haut ! Nous nous retrouvons au-dessus de la forêt, au pied des aiguilles rocheuses, dans un couloir de poudreuse bien raide. Comment dit-on déjà ? Ah oui, un couloir d'avalanche ! C'est l'endroit rêvé pour faire quelques lacets. Les conversions deviennent plus physiques, Xavier emprunte un bâton pour garder l'équilibre, les raquettes montrent leurs limites : trop larges pour l'étroite corniche que tracent nos skis, elles versent dangereusement et pouf, la gamelle ! Une fois le couloir passé, nous retrouvons dans la forêt un passage entre les sapins, mais il est assez raide et nous expérimentons les problèmes de posture en cas de forte déclivité. À trop se pencher en avant, sur les pointes de pied, les peaux n'adhèrent plus et on glisse doucement mais sûrement en arrière. Au contraire, si on ne se penche pas assez, on bascule en arrière. Bref, on n'avance pas. Un bon compromis semble être de ne pas trop soulever les talons, garder les jambes tendues perpendiculaires aux skis et de pencher seulement le haut du corps en avant. Nous enregistrons quand même quelques chutes rafraîchissantes, miam ! Louis se dévoue pour nous hisser en haut de ce passage difficile et la récompense est juste là : nous avons franchi l'épaule de l'Aiguille Rousse et nous passons sur le versant ensoleillé, où nous atteignons le chemin que nous cherchions juste après le ruisseau.


Après un rapide pique-nique, nous suivons ce chemin qui monte très doucement derrière l'Aiguille Rousse. Nous sommes dans les alpages, nous croisons quelques chalets, certains dépassent à peine sous l'épaisse couche de neige. C'est au niveau d'Entre-Deux-Nants que notre petite équipe se sépare : Louis, qui a un train à prendre, part vers le col d'Entreporte pour redescendre directement vers Peisey ; Maman et Xavier sont trop fatigués (ou mal équipés) pour continuer ; quant à moi, j'ai encore de l'énergie et pas trop mal aux jambes, et puis j'aimerais bien arriver à ce fameux col. D'autant que Louis m'encourage : « Il est dans cette direction, à 20 minutes ! » Parfait, les autres m'attendent ici, je serai de retour dans une demi-heure. Du moins le crois-je ! Après trois quarts d'heure d'ascension, je ne vois toujours rien qui ressemble à un col. Maman et Xavier, qui m'attendent plus bas, commencent à s'inquiéter, aussi je décide de repartir. Mais je prends d'abord quelques photos du panorama qui m'entoure, pour essayer de me situer sur la carte, quand j'en aurai une sous les yeux. Il s'avérera plus tard que je suis partie trop à gauche et que je me dirige vers le sommet de l'Aiguille Grive. Pour atteindre le col, il fallait rester dans le creux du ruisseau du Millet et avancer encore longtemps pour traverser une cuvette en contrebas du col. Celui-ci, à 2457 m d'altitude, est matérialisé par le chemin qui relie l'arrivée de Transarc au télésiège du Grand Col. Bien sûr, nous avons découvert tout cela deux jours plus tard, en revenant sur les lieux avec Maman, ce qui nous a permis d'atteindre enfin le col de la Chal et de redescendre vers Peisey par le col du Grand Renard, laissant sur notre gauche le massif formé par l'Aiguille Rousse, l'Aiguille Grive et le Roc du Grand Renard. C'est aussi pendant cette deuxième expédition que nous trouvons le bon chemin pour traverser la forêt après les Vernettes, nous évitant les conversions dans la poudreuse !


Que dire de la descente tant attendue ? Un peu décevante ! Ayant décidé de faire demi-tour, je remets mon équipement en mode descente : j'enlève et je plie les peaux, je fixe le talon de la chaussure, je me rhabille mais évidemment j'oublie de régler mes chaussures pour la descente. Comme elles restent flexibles à la cheville, le premier virage se solde par une belle chute. Pas de panique, je répare ma bêtise et à moi la belle poudreuse ! Ah oui, sauf que j'ai 800 m de montée dans les jambes. Ni mes cuisses, ni mes tibias souffrant des chaussures de location ne sont capables de gérer des virages dans la neige profonde et je m'effondre régulièrement dans cette belle descente, qui devait être le clou de la randonnée. J'atteins tant bien que mal le replat où m'attend Maman, c'est plus facile, il suffit de se laisser glisser sur le chemin. Plus facile, sauf pour Xavier : souvenez-vous, il est en pelle-luge, ce qui n'est finalement pas un moyen de locomotion adapté. Il doit faire toute la descente en raquettes, beaucoup plus lentement qu'à ski, et il fait déjà nuit quand nous arrivons dans la vallée, au hameau de la Chénarie. De là, nous appelons un ami qui vient nous chercher en voiture. Ouf ! Nous sommes exténués, Xavier a les pieds en sang, mais nous sommes heureux d'avoir passé cette journée loin des remontées mécaniques et de s'être bien dépensés ! Le bilan de ce baptême de ski de randonnée est positif, nous recommencerons deux jours plus tard... et sûrement l'hiver prochain ! Merci Louis de nous avoir emmenés !