Comme dans des pantoufles ! C'est du moins ainsi qu'on aimerait se sentir dans ses chaussures de ski. Seul élément du matériel du skieur qui fasse appel à la notion de confort, la chaussure doit aussi répondre à des exigences de rigidité pour assurer la précision nécessaire. Voyons comment les fabricants résolvent cette équation.

Déjà parus :
Historique
Le ski 1 et 2
La fixation

Les chaussures des premiers skieurs ne sont pas spécialement conçues pour la pratique du ski. Elles sont faites en lanières d’écorce de bouleau tressées ou en cuir ; certains modèles ont une pointe recourbée pour se coincer plus facilement sous la sangle de fixation du ski. Jusqu’au début du XXe siècle, les brodequins de cuir prévus pour la montagne sont très répandus. Leur étanchéité et leur rigidité sont améliorées par l’utilisation de croûtes de cuir épaisses. Leur tige basse et leur semelle souple sont adaptées à une utilisation en montée ou à plat, comme en ski de fond. Certaines chaussures, prévues pour le ski, ont un bout carré et des bords parallèles pour s’ajuster au mieux aux premières fixations métalliques, par exemple l’étrier Huitfeld. À la fin des années 1930, le système de fermeture gagne en étanchéité grâce au laçage arrière et au double laçage (intérieur et extérieur). La semelle s’aplanit pour être mieux plaquée sur le ski. Dans les années 1950, le laçage est complété par des sangles et des crochets de serrage. Le bout de la chaussure s’arrondit pour s’adapter aux nouvelles fixations de sécurité. Une rigidité supérieure est obtenue grâce au cuir plastifié, enduit d’une couche de polyuréthanne, mais ce n’est en 1965 que l’Américain Lange crée une chaussure à coque en plastique armée de fibre de verre et équipée d’un chausson interne, semblable à celles en usage aujourd’hui.

1. La coque

Un dilemme constant existe en matière de chaussure : faut-il privilégier le confort ou la précision ? Pour transmettre les appuis du skieur vers le ski sans que la chaussure ne se déforme, il est nécessaire que le pied, la cheville et le bas du tibia soient pris dans une enveloppe rigide. Mais elle doit en même temps avoir la capacité de se déformer pour s’ajuster au plus près à la forme du pied et supporter les températures les plus basses sans se fendre. Les coques sont moulées dans des matériaux plastiques qui répondent à ces exigences : le polyuréthanne et, pour les chaussures haut de gamme, le polyéther. Le polypropylène est plus rarement utilisé à cause de sa faible rigidité. Aujourd’hui, la coque est composée de deux parties : le sabot se situe au niveau du pied, le collier enveloppe la cheville et le bas de la jambe. Ils sont articulés à la hauteur de la malléole pour que le skieur puisse effectuer des mouvements de flexion des genoux et des chevilles. Les moules utilisés pour la fabrication des coques diffèrent principalement au niveau du volume intérieur qu’elles offrent, les chaussures étant conçues pour des pieds plus ou moins larges. Celles destinées aux compétiteurs sont plus étroites pour être plus proches du pied, ce qui garantit une transmission plus directe des appuis vers le ski. Enfin, toutes les marques proposent désormais des chaussures adaptées à l’anatomie féminine. Suffisamment étroites pour maintenir un pied fin, elles sont également munies d’un collier évasé et abaissé en moyenne d’un centimètre par rapport à celui des chaussures pour hommes, le mollet d’une femme étant plus bas et proportionnellement plus volumineux.

1.1 La chaussure à entrée arrière

Au cours des années 1980, la tendance était aux chaussures à entrée arrière, qui favorisaient l’aspect pratique. Le collier se séparait en deux manchettes, dont l’une s’écartait vers l’arrière pour laisser pénétrer le pied. Une fois rabattue contre la jambe, elle pouvait s’ajuster à l’aide d’un crochet. Contrairement aux coques en portefeuille, dans ce type de chaussure le sabot ne s’ouvrait pas ; entièrement rigide, il ne pouvait pas non plus s’adapter à la forme du pied. En dehors du crochet supérieur, le seul dispositif de réglage consistait en un câble passant sur le cou du pied pour plaquer le talon au fond de la chaussure. Ce système ne suffisait pas à tenir l’avant du pied, en plus d’être inconfortable et de gêner la flexion de la cheville. Sacrifiant la précision à une certaine facilité pour la chausser, cette chaussure n’a d’ailleurs jamais été utilisée par les sportifs de haut niveau. Les fabricants l’ont finalement abandonnée pour revenir au traditionnel modèle à entrée centrale.

1.2 La chaussure à entrée centrale

Ce retour aux sources a été permis par l’apparition de nouveaux matériaux favorisant un chaussant très précis, pouvant suivre au plus près la silhouette du pied sans créer de points douloureux. Pour faciliter l’entrée du pied, le sabot est fermé par deux rabats en plastique souple qui peuvent s’écarter. De même, les rabats du collier, parfois montés sur une charnière, s’ouvrent largement afin que le pied glisse dans le chausson sans rester bloqué au niveau de la cheville. Grâce à ce système d’ouverture en portefeuille, les rabats sont capables de glisser l’un sur l’autre, garantissant un meilleur ajustement de la coque sans la déformer. L’étanchéité et l’isolation thermique de la coque sont cependant préservées, parfois au moyen de joints en mousse ou en caoutchouc.

1.3    La semelle

Le sabot étant moulé d’une seule pièce, la semelle fait partie intégrante de la coque. Son importance ne doit pas être négligée, puisqu’elle est l’interface principale avec le ski et les fixations. Ses extrémités antérieure et postérieure sont prolongées par des embouts carrés, de hauteur et de largeur normalisées, dessinés pour s’emboîter dans la butée et la talonnière. La semelle est lisse sur les chaussures de compétition, domaine dans lequel il est nécessaire de réduire au minimum le nombre d’intermédiaires entre le pied et le ski. Pour le grand public, moins exigeant en matière de précision, des embouts d’usure amovibles sont placés sous le talon et la pointe du pied. Ils peuvent être remplacés quand la marche sur terrain goudronné les a endommagés. Conçus en plastique absorbant et anti-dérapant, ils améliorent aussi le confort en amortissant les vibrations et en limitant les risques de chutes (fréquentes sur terrain lisse : glace, béton, bois…). La longueur de la semelle en centimètres correspond à la pointure en mondopoint, dont la correspondance avec les pointures françaises se fait selon le tableau suivant  :

2.    Les systèmes de réglage

2.1 La bouclerie

La fermeture et l’ajustement de la coque autour du pied et de la jambe s’effectuent au moyen de crochets, généralement deux sur le sabot et deux sur le collier. Cependant, bien que le nombre de quatre crochets ait fait ses preuves, il n’existe pas de règle en la matière. Il existe parfois une cinquième boucle, située sur le cou du pied, qui empêche le talon de se soulever. Par ailleurs, certaines chaussures de freestyle ne sont fermées que par trois crochets, offrant au skieur davantage de souplesse au moment de la réception de sauts. Ces crochets sont composés d’un levier, dont l’une des extrémité est fixée à l’un des rabats de la coque, et relié à une boucle par une vis. En augmentant ou réduisant la longueur de la boucle, elle autorise un réglage au millimètre près, dit micrométrique. Sur l’autre rabat est monté une crémaillère, où vient se crocheter la boucle. L’utilisation des différents crans permet un réglage de l’ordre de plusieurs millimètres, dit macrométrique. Il est à noter que les crochets du collier sont complétés par une sangle Velcro, appelée strap. Située plus haut que le collier, elle bloque la languette du chausson, naturellement souple, pour l’empêcher de s’ouvrir et procurer un appui avant solide, particulièrement apprécié des compétiteurs. Les crochets, réalisés en polyamide ou, mieux, en aluminium extrudé ou encore en acier, restent cependant le mode d’ajustement essentiel de la chaussure.

2.2 L’inclinaison latérale

Le terme de canting désigne l’inclinaison latérale du collier par rapport au sabot. En effet, la morphologie de la jambe peut varier d’un skieur à l’autre et il importe de s’y adapter pour rendre la pratique du ski agréable à tous. Ainsi, certaines personnes ont les jambes arquées, alors que d’autres, au contraire, présentent ce qu’on appelle des genoux en X. Dans ces deux cas, le ski risque de ne pas reposer à plat sur la neige. Pour y remédier, deux méthodes ont été utilisées. La première consistait à placer sous la chaussure des cales inclinées vers l’intérieur ou vers l’extérieur, afin de rétablir une certaine rectitude de la jambe. À présent, le bas de la coque reste fixe. Le collier est articulé sur le sabot par deux pivots. Ces points d’attache peuvent être déplacés pour incliner latéralement le collier et lui permettre de suivre la forme de la jambe. Cependant, le réglage du canting ne peut intervenir que dans les cas légers ; autrement, le skieur doit faire appel à un podologue, qui adaptera l’équipement sans créer de nouvelles déformations du dos ou des genoux.

2.3 L’inclinaison vers l’avant

La pratique du ski nécessite de plier plus ou moins les genoux. Dans ce mouvement de flexion, la jambe doit être accompagnée par le collier, qui est donc monté dès le départ dans une position fléchie. D’un skieur à l’autre, d’un terrain à l’autre, le style peut différer et avec lui l’angle d’inclinaison vers l’avant du collier. Ce paramètre est parfois réglable au moyen d’une vis. D’autre part, une fois l’inclinaison ajustée, le collier garde une certaine souplesse pour faciliter la flexion des genoux. Cette flexibilité est mesurée par l’indice de flex, adapté à la puissance du skieur : on trouvera par exemple un indice de 40 sur une chaussure pour enfant débutant, quand un compétiteur adulte aura besoin d’un indice de 150.

2.4 Le déflecteur arrière

La morphologie des skieurs diffère encore au niveau du mollet. Chez une personne de grande taille, le mollet commence plus haut, la jambe risque donc d’être mal tenue par un collier conçu pour accueillir le mollet. Le même problème se pose pour les personnes ayant le mollet fin. Pour que l’appui arrière ne fasse pas défaut, le collier est rehaussé par l’ajout d’un déflecteur ajustable en hauteur, voire amovible. Remarquons que le terme le plus répandu pour désigner cet élément est « spoiler ».

3.    Le chausson

Si la coque est l’élément fondamental de la transmission des appuis, le chausson a pour unique fonction d’assurer le confort du skieur. Cependant, ce rôle est globalement opposé à celui de la coque. En effet, une bonne isolation thermique et un confort supérieur requièrent l’utilisation des chaussons d’une certaine épaisseur, qui ont l’inconvénient de transmettre les mouvements avec moins d’efficacité. De nombreux efforts ont été déployés pour concilier la précision et l’agrément. Les premières chaussures, en cuir, étaient suffisamment souples pour se passer de chaussons ; le skieur se contentait de porter des bas de laine épais. Aujourd’hui, les chaussons regroupent une grande quantité de matières synthétiques. Le velours et la laine polaire, à l’intérieur, apportent un toucher agréable au pied et ont de bonnes qualités thermiques. Pour des questions d’hygiène, ils reçoivent un traitement anti-bactérien. Plusieurs couches de mousse respirante sont ensuite superposées : par exemple, du polyéthylène en couches de densité croissante à mesure que l’on s’éloigne du pied, ce qui permet d’allier confort et rigidité. Le revêtement extérieur peut être une structure de PVC, rigide et étanche. Malgré l’usage de matériaux des plus modernes, les chaussons basiques ne permettent pas toujours le meilleur ajustement à la morphologie du pied. Certains modèles, dits auto-moulants, adoptent la forme du pied à la température du corps ; il suffit donc de les chausser pour les transformer. Les chaussons haut de gamme sont thermoformables : après avoir été soumis à de hautes températures, ils sont moulés sur le pied du skieur et s’adaptent aussitôt à sa morphologie. D’autres encore sont injectés : ils se présentent sous la forme d’une vessie qui reçoit une mousse de polyuréthanne prenant la forme voulue. Enfin, les chaussons peuvent être ajustés par l’ajout d’inserts localisés dans les points où la chaussure est trop large par rapport au pied, toujours dans un but de précision.