Confection d'un accessoire indispensable pour les Mootades™ !

Pour ceux qui l'ignoreraient encore, une Mootade™, c'est une photo, généralement prise en montagne et représentant une montagne, mais surtout, prise à grande distance. La recette n'est pas très compliquée, mais elle requiert certains ingrédients indispensables :

- un bon appareil photo (reflex de préférence) ;

- une optique à longue focale (200 mm est encore un peu court !) ;

- et l'accessoire magique, celui qui permet de faire ressortir l'image autant que possible, j'ai nommé le filtre polarisant !

Or voici l'histoire : j'ai commencé à pratiquer ce "style" photographique avec un appareil de chez monsieur Sigma, muni d'un zoom 80-400 mm et de son polarisant de 77 mm. L'objectif était relativement peu lumineux, quoique d'excellente qualité, l'appareil relativement peu sensible (ça "bruite" déjà à 400 ISO, ce qui est parfaitement ridicule compte tenu des standards actuels), et en ce qui concerne le filtre polarisant, je suis passé par trois étapes :

- avec un filtre de 82 mm, mais évidemment, une bague d'adaptation s'imposait, et comme le filtre servait sur un autre zoom, il fallait à chaque fois démonter et remonter pour s'en servir ;

- avec un filtre de 77 mm acheté à vil prix, et grâce auquel toutes les Mootades™ de la session 2008 étaient floues (un beau gâchis !) ;

- enfin, avec un vrai bon filtre payé à prix d'or.

On pourrait croire que le nirvana était atteint. Mais c'était sans compter sur une autre manie du Moot, à savoir les panoramas, et plus spécialement ceux qui couvrent 360° (pris d'un sommet, évidemment). Le 12 mm de monsieur Sigma (à l'époque où j'ai acheté son appareil, il ne faisait pas plus court, et au moins, comme ça, je n'ai que des optiques "full frame") équivaut à 21 mm sur ses appareils et le panorama est un peu trop longiligne à mon goût. Une seule solution s'imposait : le passage au "full frame", autorisant des angles encore plus importants.

J'ai donc mis de côté (oh, ce n'est pas pour toujours !) la quincaillerie de monsieur Sigma pour me tourner vers celle de monsieur Nikon, lequel au moins pousse le dévouement jusqu'à fabriquer des boîtiers "full frame". Ça tombait bien, j'avais un 15 mm tout prêt, et pas un fisheye, non, une chose avec une lentille avant hémisphérique, peu lumineuse, avec une distorsion insignifiante et un bon piqué, approuvé même par le grand Ken Rockwell, on peut y croire sur parole.

Mais voilà, comment faire les Mootades™ ?

Facile, j'avais aussi un splendide 300 mm, aussi antédiluvien que le 15 mm. Ah oui, ni l'un ni l'autre ne sont autofocus, par chance, les montagnes sont patientes et ont la gentillesse de rester immobiles le temps que le petit oiseau sorte de sa cage obscure. Alors, comment adapter un polariseur sur la bête ? C'est que ça fait 122 mm de diamètre à l'ouverture (ben oui, c'est un f/2.8) et un bon polariseur de ce diamètre, si jamais ça existe, même en Chine, c'est invraisemblablement cher. Quant au filtre interne, il est tout aussi difficile à trouver (c'est un furieux de la Baie qui vous l'affirme) et tout aussi cher, malgré ses 39 mm de diamètre.

Ainsi donc, comme le Moot est, par essence, radin, il n'y a qu'une seule solution viable : se bidouiller lui-même, non pas un filtre de 122 mm, mais un filtre interne de 39 mm. Emplette vite faite à Hong-Kong, et me voilà muni du fin du fin, made in Germany (allez comprendre pourquoi ce sont nos amis chinois qui vendent ça le moins cher, mais je vous garantis que c'est un vrai !), de chez B+W (alias Schneider Kreuznach pour les initiés). C'est un autre Allemand, monsieur Leica, qui permet à ce genre d'objet d'exister, car ledit diamètre de filtre s'adapte devant ses objectifs. Il ne reste qu'à l'introduire dans un de ces porte-filtres de chez Nikon, peut-on croire. J'ai jeté mon dévolu sur un modèle pour "gélatine" (on les trouve à bas prix sur la Baie, en raison de leur inutilité quasi-congénitale, et du fait qu'un exemplaire était livré avec chaque objectif susceptible d'en recevoir un) lequel il me fallait d'abord retoucher quelque peu, car j'ai essayé, dans le porte-filtre pour filtre normal, ça ne passe pas (trop large !), et je ne tiens pas à abimer celui que j'ai vu qu'un filtre clair (un filtre UV, en l'occurence) est obligatoire dans l'objectif si on ne veut pas utiliser de filtre (comprend qui peut).

Le plus rigolo, c'est de mettre une roue dentée autour du filtre. La récup', c'est parfois utile, un tour de tour (à métaux), la roue devient une bandelette annulaire qui ne tient plus dans le mandrin : elle en saute tout à coup, adoptant à la même occasion une forme ovale inquiétante, et on finit ça à la mini-meuleuse parce que c'est devenu souple et même fragile. Je la colle (à l'époxy) autour de la bague mobile du filtre, qu'elle épouse parfaitement tellement elle est mince.

Une autre roue dentée servira de molette pour l'actionner de l'extérieur, j'ai à peu près ce qu'il faut dans mes réserves (un peu plus grande aurait été mieux, mais on fait avec ce qu'on a, point).

Et c'est là que, ô malheur, le porte-filtre Nikon ne subit pas le martyre de l'usinage sans dommage. Son alliage d'aluminium moulé est assez costaud pour porter une feuille de gélatine colorée, pas pour résister à des fraisages successifs (logement du filtre, logement de la roue dentée-molette) qui l'amincissent excessivement.

Je me trouve, après un jour de labeur, à la tête d'un filtre à roue dentée (ça fait très joli, au demeurant), d'une autre roue qui s'engrène dedans, et d'un ex-porte-filtre en lambeaux.

Une seule solution encore : refaire le support. Tout n'est pas perdu, quelques morceaux du porte-filtre défunt vont servir (ceux qui servent à le tenir attaché à l'objectif), et j'ai le filtre avec la molette qui le fera tourner de l'extérieur. Une pièce usinée dans la masse sera toujours plus solide (et épaisse) que ce minable truc en alliage coulé.

On ne va pas s'éterniser, maintenant, malgré les deux jours de boulot (pas en continu) que ça représente. Pourquoi tant de temps ? Parce que l'on part d'un morceau de métal (heureusement que j'avais à peu près ce qu'il faut !), et tout se règle, s'ajuste à la main. On passe énormément de temps à monter et démonter la pièce et les outils. Tout a été fait à la fraiseuse, en partant d'un morceau de planche de duralumin de 10 mm d'épaisseur (normalement, le porte-filtre Nikon en fait 14, mais on fait avec ce que l'on a, et c'est moins de métal à enlever ; de toute façon, la partie "utile" ne fait que 8mm, le reste dépasse et couvre le trou par lequel on l'introduit dans l'objectif). Les industriels ont de magnifiques machines numériques, qu'il faut programmer (ce qui n'est pas simple), et qui n'ont d'intérêt que pour des fabrications en nombre. D'ailleurs, avant d'être équipé, j'étais abasourdi par le prix demandé pour la moindre pièce à façon, bien plus simple de forme que celle-ci. Le fait de s'y mettre permet de relativiser.

Maintenant, j'ai mon joujou, et en plus, la fierté de l'avoir fait moi-même. À quoi peut tenir le bonheur, pas vrai ?