Comprendre le ski par les billes.

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Comprendre le ski par les billes.

La manière dont on pense à son corps lorsque l'on skie favorise une manière de skier. Il est cependant très difficile d'imaginer notre corps et beaucoup plus simple de le comprendre par des métaphores. Ici, les billes vont être au centre de métaphores concernant le ski, mais d'autres métaphores parfois douteuses participeront à cette compréhension.
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Manoushlight
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Et si comprendre les trajectoires d'une bille dans un parcours nous permettait de mieux skier?

En tant qu'enseignant, il m'arrive régulièrement de demander à mes élèves ce qui les fait tourner ou freiner en ski. Étonnamment cette question simple suscite beaucoup de réflexion.


L'autre question que je pose est la suivante : Pourquoi est-il plus facile de tourner avec des skis qu'avec une luge (type luge pelle)?
Avant de continuer l'article, je vous suggère d'y réfléchir.

Et si nous étions des billes?

La réponse la plus courante est de me dire qu'il y a deux skis alors que la luge n'a qu'une seule surface. Cependant en monoski ou en Snowboard, il y a un seul engin de glisse et cela reste bien plus performant qu'une luge pour tourner.

Souvent, on me décrit les mouvements qu'on peut faire à ski, mais là aussi, ce n'est pas l'essentiel de ce qui fait que l'on tourne à ski.

Je vais donner une série de métaphores avec des billes pour comprendre mieux ce qui nous fait tourner à ski. Si vous avez du mal à vous représenter ce que j'écris, n'hésitez pas à essayer réellement avec des billes.

Si nous lâchons une bille dans de la neige avec de la pente, la bille ira droit vers le bas. La ligne que trace cette bille est appelée la ligne de pente, c'est-à-dire la ligne qui suit l'inclinaison de la pente. La bille est incapable de tourner d'elle-même. Et, si elle le pouvait, ce serait assez rudimentaire à l'image de ce que nous pouvons faire sur une luge.

Est-il possible de faire faire des virages à une bille ?

C'est assez simple, il suffit de tracer un parcours dans la neige et la bille suivra ce parcours. Il est donc possible de faire tourner la bille, mais c'est la neige qui la fait tourner et pas la bille elle même.

Retour vers le ski -> nous sommes capables de tourner et de freiner de manière efficace à ski, car les skis nous permettent de modifier notre trajectoire et de fabriquer des parcours dans la neige. Ce sont ces traces dans la neige qui nous permettent de contrôler notre centre de masse qui a plus en commun avec les billes que nous le pensons. Ainsi, en luge, il est très compliqué de marquer la neige ce qui ne permet qu'assez peu de contrôler notre masse.
Cependant, si nous skions en essayant de modifier notre trajectoire par le mouvement de notre corps, nous sommes à peu de chose prêt : une luge!

Comprendre les types de virages par les billes.

À ski, il existe différents types de virages, les plus connu d'entre eux sont les virages dérapé et les virages coupés. Il existe aussi les virages de poudreuses et de bosse et je vais essayer au mieux d'expliquer en quoi ils diffèrent des virages de pistes.

Je veux faire un parcours pour ma bille et j'ai un outil à disposition, cet outil est un ski. Le ski a une partie plate qui va principalement me porter sur la neige (réduire les résistances latérales) et donc me permettre de glisser plus vite. Sur les bords de mes skis, j'ai deux carres en métal, plus ou moins affûtée qui me permettent de modifier la neige (comme une pelle ou un couteau).

Le virage dérapé.

Le virage dérapé, c'est lorsque j'utilise mon couteau pour prendre de la neige, l'accumuler à un endroit et fabriquer un parcours grâce à cela. Le plus proche que je connaisse de cette recherche est l'accumulation de beurre sur un couteau. Pour racler du beurre, je commence avec mon couteau à plat et ensuite j'augmente en exerçant de la pression de manière à accumuler le beurre sur mon couteau. On peu aussi imaginer une autre métaphore, qui serait celle d'une pomme de terre, le dérapage c'est chercher à éplucher la pomme de terre plutôt qu'à la couper.

Dans le cas d'un virage, je vais donc partir pour le ski à plat et augmenter progressivement l'angle tout en exerçant de la pression afin d'accumuler de la neige qui me permettra de freiner ou de tourner.

Le virage coupé.

Si nous reprenons la métaphore du beurre, ici ma volonté est de faire pénétrer le couteau dans le beurre, je vais donc d'abord le mettre sur son tranchant (augmenter l'angle), puis je vais pousser en direction du beurre afin de la couper. Si on utilise la métaphore de la pomme de terre, on comprend également que l'on passe d'un épluchage à une coupe. À ski, je vais par différentes manœuvres augmenter mon angle (mettre mes couteaux sur leurs tranches), puis ensuite créer de la pression afin de faire rentrer latéralement mes skis dans la neige. La géométrie des skis faits que ceux-ci tourneront automatiquement avec un rayon plus ou moins grand.

Cela permet déjà de comprendre une conséquence technique. Si l'on coupe, il ne faut pas chercher à tendre la jambe plus qu'elle ne l'est déjà. Il faut maintenir la tension de la jambe extérieure pour ne pas s'écrouler, mais il faut principalement activer les adducteurs et abducteur ainsi que l’éversion et l'inversion des pieds (moins d'utilisation des quadriceps qu'on le pense). En effet, si je tends ma jambe avec trop de force, je pousse mes skis à sortir de leurs traces (j'épluche) de coupe plutôt que l'inverse (je vais donc déraper.). Si j'essaye de tourner mes skis, l'effet est le même, cela provoque une sortie de la trace de coupe à l'image d'un couteau qui est dans le beurre, le faire pivoter diminuerait son efficacité de coupe et séparerait le beurre.

Le virage de base en hors-piste.

En hors-piste, la neige n'est pas du tout de même nature que celle de piste, cela signifie que ma recherche est significativement différente. Ici, ma bille s'enfonce dans la neige et a beaucoup de résistance latérale et peu de résistance sous le ski. Pour sortir ma bille de la neige, je vais devoir faire des plateformes qui sont orientées vers la surface de la neige (créer de la résistance sous le ski). Si l'on revient à la métaphore de la pomme de terre, j'ai ici de la purée. Il ne sert à rien de la couper ou de l'éplucher, je vais devoir la compacter pour fabriquer à nouveau un morceau de pomme de terre sous mon pied.

C'est pourquoi nous n'utilisons plus la partie coupante du ski (donc la carre), mais plutôt la partie plate du ski (la semelle). La semelle permet de fabriquer des plateforme sous le pied pour pouvoir ressortir de la neige. C'est la raison pour laquelle les skis de hors-piste sont plus large et moins coupant. Le plat est plus grand et permet donc de fabriquer de grandes surfaces de neige compactée.

Les skis de slalom sont plus étroits, car cela permet plus rapidement de passer d'un tranchant à l'autre pour pouvoir couper ou déraper et la piste étant dure, je n'ai pas besoin d'une grande surface sous le ski pour avoir de la résistance.

Je précise qu'il existe de nombreux virages de hors-piste et les décrire un à un serait vraiment un long travail, mais le virage le plus facile à appréhender est le virages type ollie (ou dauphin). C'est un virage ou mes jambes font un mouvement circulaire vers l'arrière (comme un pédalage arrière avec les deux pieds en même temps) dans lequel je mets de la pression sur le talon en fin de virage ce qui me permet de sortir de la neige et faire un mouvement proche d'un saut de dauphin. Pendant la phase d'envol, je peux facilement tourner mes pieds pour faire des virages.

Le virage de base en bosse.

Quand on y pense, techniquement, il ne faut pas vraiment tourner en bosse, dans le sens ou si on lâche une bille par-dessus un champ de bosse elle fera naturellement des virages.

Cela est vrai si la bille suit bien la bosse, cependant si elle accumule de la vitesse elle s'envolera de plus en plus et finira par ne plus suivre le parcours.

Les bosses sont des traces de skieurs qui ont fini par accumuler de la neige pour tourner, donc logiquement le plus gros du travail de création de plateforme à été fait. Ce n'est pas à 100 % vrai, mais ça l'est tout de même en grande partie. Par contre, si je skie les bosses jambes tendues, je finis par devenir une bille qui saute de plus en plus haut et qui n'est plus en contact avec ces plateformes qui me font tourner, en plus je suis moins équilibré qu'une bille, donc je risque très vite de tomber. Le travail d'absorption est donc primordial. L'absorption c'est comme un rétropédalage synchronisée des deux jambes, ce mouvement permet de suivre la bosse tout le long et de diminuer les effets de sautillements.

Lorsque mon absorption est bonne, il faut que je travaille la ligne, c'est à dire comment je fais pour bien chercher les bosses de manière à virer. Un peu dans la logique du Bobsleigh ou il y a déjà un parcours, mais je peux me placer plus ou moins bien pour optimiser ce parcours.

La ligne la plus simple et connue sous le nom de green line consiste à aller viser le bord d'une bosse avec les talons en étant en perpendiculaire à la ligne de pente, la bosse va repousser l'arrière des skis et automatiquement me diriger mes spatules avant vers la ligne de pente. La, je vais à nouveau viser la bosse suivante avec mes talons (mais dans le sens opposé).

Les phases du virage d'une bille?

On entend souvent parler de phases de virage à ski. Ayant enseigné en France, en Autriche et maintenant en Suisse, on y parle dans ces 3 pays alpins de 3 phases de virage.

Si ces 3 phases ne sont pas toujours si claires pour les moniteurs, ça l'est encore moins pour les skieurs plus lambda.

En Suisse, le modèle technique crée un référentiel d'analyse ayant lieu de bas en haut. On commence par analyser la neige, ensuite le ski, puis les pieds, etc. Ce modèle permet selon moi une excellente efficacité technique, car on y travaille les facteurs les plus importants en priorité. Dans certains pays, une attention plus élevée est donnée au haut du corps.

Si l'on pense les 3 phases de virage à partir d'une bille, il devient parfois plus aisé de les comprendre et de comprendre le lien entre la neige et les virages.

Donc reprenons cette idée, nous voulons faire faire des virages à une bille dans de la neige sur une pente. Comme dit précédemment, il nous faudra obligatoirement créer une trace pour pouvoir faire virer la bille.

La bille, naturellement, va se diriger vers le bas (en ligne de pente), il faut donc la dévier de la ligne de pente en faisant une trace. Pour la dévier nous devons accumuler de la neige en dérapage, ou couper de la neige en carving.

En Suisse, c'est ce que nous appelons la phase de conduite II (section orange de la photo). Elle est souvent dite active, active dans le sens ou nous devons activement rassembler de la neige pour pouvoir lutter contre la tendance naturelle de la bille (qui tire vers la ligne de pente).

Au contraire, si ma bille est en perpendiculaire à la ligne de pente, il n'est pas forcément nécessaire que de la guider vers le bas, la gravité l'attirera naturellement vers le bas. En Suisse, nous l'appelons la phase de conduite I (section verte). On parle parfois de phase de conduite passive, ce n'est pas tout à fait vrai que nous sommes passifs, mais la conduite est principalement favorisée par la gravité et la ligne de pente elle-même.

Pour finir, imaginons que ma bille est prise dans une rigole en direction de la gauche (cf schéma entre sections orange du premier virage et section bleue du second virage), il faut absolument que j'arrête de creuser la neige et que je sorte de ma rigole pour que la bille démarre le virage suivant, car sinon elle va forcément continuer à tourner ou à sortir de la rigole dans de mauvaises conditions. En Suisse, nous parlons de déclenchement (section bleue). Cela consiste à remettre les carres à plat et à sortir de la trace précédente.

Quelques conséquences faciles à comprendre.

J'ai forcément plus de poids sur le ski aval, car si on veut dévier une bille, on va forcément modifier la neige en dessous de la bille plutôt qu'au-dessus de la bille. Il est donc évident que le ski du dessous sera celui le plus mis à contribution.

Au moment de déclencher, je vais forcément prendre appui sur le ski amont (et donc futur ski aval) car le ski aval ne peut que continuer à faire cette trace, alors que l'autre ski peu me permettre de sortir de ma trace précédente.

Si je fais un virage coupé, ma trace est plus profonde, donc mon déclenchement demande plus d'engagement car je dois sortir plus activement de ma trace. La ou le dérapage la trace est moins marquée et plus facile à quitter.

Si je fais un virage coupé, ma trace est plus nette et donc ma bille fait un trajet plus continu et donc plus stable.

Si je vire très brutalement, ce serait l'équivalent de laisser une bille accumuler de la vitesse puis d'un coup lui mettre une bosse, il est assez probable que la bille passe simplement au dessus de la plateforme et soit légèrement projetée en l'air. -> en ski je ne vais probablement pas modifier fondamentalement ma trajectoire tout en me faisant déséquilibrer. Idéalement il faut que ma trace me dévie progressivement pour ne pas me faire secouer.

En hors-piste ma trace est beaucoup plus profonde naturellement, du coup ma phase II est assez facile à faire, ce qui est compliqué c'est surtout de sortir de cette trace, donc de mieux déclencher.

Quelques principes de bases  et métaphores qui en découlent. Plus conclusion.

Tactique : commencez toujours par aller en direction de la ligne de pente, en effet pour faire faire des virages à ma bille, je dois toujours la lancer en direction de la ligne de pente, sans quoi elle risque de ne jamais entrer en rythme.

N'accordez pas une attention trop élevée à votre haut du corps, car il est très proche d'être une bille, il n'a donc que très peu de capacité propre.

Exemple 1 : se mettre vers l'avant ne marche pas très bien, car la bille doit prendre appui sur quelque chose pour se mettre en avant. Pour être plus en avant, il vaut mieux au moment du déclenchement envoyer le centre de masse vers la ligne de pente, car il y a un support au mouvement.

Exemple 2 : chercher à tourner le haut du corps est souvent une mauvaise idée car une bille en rotation sur elle même n'a que très peu d'impact sur le virage. Il en est de même des gens qui lancent leur rotation par les épaules.

Il y a 3 principes de base de travail de la neige. L'un consiste à rechercher de la résistance, l'autre à la réduire et le 3e à l'utiliser. C'est pourquoi en Suisse nous disons que nous recherchons de la résistance avec la neige en phase de conduite I, nous utilisons cette résistance en phase de conduite II et nous la réduisons en déclenchement. Une erreur de timing a des conséquences très néfastes. Ces 3 moments clef sont les mêmes sur un trampoline, au moment où je touche la toile, je recherche de la résistance, au moment ou je pousse dans mes pieds pour sauter, j'utilise la résistance et quand je décolle je réduis la résistance. Imaginez quelqu'un qui fait du trampoline et qui essaye de sauter au moment ou il vient de toucher la toile. Il va uniquement s'enfoncer en profondeur dans la toile, gâcher sa résistance et probablement se déséquilibrer. Il doit donc maintenir la tension pendant que la toile s'enfonce jusqu'à ce qu'il ressente de la résistance, puis ensuite profiter du momentum pour sauter.

Si par contre il s'enfonce et crée la résistance, mais qu'au moment de sauter, il ne fait pas de mouvement d'extension pour sauter, il gâche aussi sa résistance et va la aussi se déséquilibrer.

Imaginez qu'au moment ou il décolle, il cherche à rester en contact avec le trampoline, il risque probablement d'être très mal équilibré en l'air et de ne pas pouvoir profiter de son vol.

A ski, les même principes sont en jeu, chaque mouvement à son moment et si on utilise un bon mouvement au mauvais moment, cela devient automatiquement un mauvais mouvement.

Conclusions.

Il est évident que juste lire un article sur des métaphores n'aidera pas à skier directement. Cependant, il peut donner une autre manière de voir le ski et peut-être de focaliser son attention là où c'est le plus efficace. Je précise aussi que je n'ai pas voulu rentrer dans trop de détails techniques complexe, mais plutôt de travailler sur des images qui guideront votre attitude générale sur les skis.

Je n'ai presque pas parlé des mouvements du skieur, car là aussi ça serait trop long et trop complexe, si vous avez des demandes de précisions n'hésitez pas à les partager dans le forum et j'y répondrai au mieux.



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